
Après les très nombreuses réactions de patients contre la nouvelle formule du médicament pour la thyroïde du laboratoire Merck, la ministre va mettre en place une «mission d’information».
Des lettres ouvertes, des pétitions, un point presse en catastrophe de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, mercredi… L’affaire autour de la nouvelle formule du Levothyrox, ce médicament agissant sur la thyroïde, s’emballe comme jamais. Un nouveau symptôme de l’incroyable incapacité française à gérer correctement la vie d’un médicament.
«Ce n’est pas un scandale sanitaire, mais c’est une crise d’information, a argumenté la ministre. Nous devons sortir du registre du drame et dédramatiser l’information autour du médicament. J’ai décidé de mettre en place une mission d’information sur cette question.» Certes, mais cela suffira-t-il à éteindre l’incendie, tant la légèreté a dominé dans la gestion de cette «crise d’information» ?
Dosage. Le Levothyrox n’est pourtant pas n’importe quoi. C’est un médicament sensible, un des plus prescrits en France (à plus de trois millions de patients), très largement utilisé pour stabiliser ou compenser la fabrication d’hormones de la glande thyroïde. Dans le jargon, il est classé comme produit «à marge thérapeutique étroite», c’est-à-dire que le dosage doit être on ne peut plus précis. En mars, des changements dans sa présentation et sa formulation ont entraîné des réactions en chaîne. Sans que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n’en mesure vraiment l’impact. «Ahurissant et incompréhensible», notait, désappointé, un professeur d’endocrinologie.
Le déroulement de cette histoire vaut d’être décortiqué par le menu. Cela commence il y a quelques années, avec l’arrivée d’un générique au Levothyrox (médicament phare de Merck), produit par le laboratoire Servier. A cette occasion, les autorités se rendent compte que le nouveau générique est parfait, avec un taux de dosage efficace à 95-105 (l’idéal est 100). En revanche, on note que le produit de Merck est un peu surdosé (de 100 à 110). Merck se défend, en disant que son produit n’est pas toujours stable, d’où ce léger surdosage. L’Agence demande à Merck de modifier sa composition. Le labo s’exécute avec des changements de ce que l’on appelle les excipients, des ajouts chimiques qui servent à renforcer et stabiliser le produit central. On passe ainsi du lactose au mannitol et à l’ajout d’acide citrique qui vont optimiser la stabilité du médicament dans le temps.
Un déroulement logique, où l’on reste dans les bonnes pratiques. Mais la suite va tourner au fiasco. En mars, quand le nouveau Levothyrox est mis sur le marché, le dispositif pour l’encadrer est on ne peut plus léger. Une simple lettre aux médecins et aux pharmaciens est adressée, comme ces derniers en reçoivent beaucoup. Aucun dispositif de surveillance n’est mis en place, alors qu’avec les données informatiques de l’assurance maladie, on pouvait surveiller au plus près et noter d’éventuelles répercussions. Rien.
Arrivent très vite des signalements d’effets secondaires, pas graves mais handicapants : des maux de tête, des jambes lourdes, des vertiges… Les autorités ne disent rien. Le centre de pharmacovigilance de Toulouse est, par exemple, submergé par les signalements : plus de cinquante par jour. Les autorités traînent, sans prendre la mesure de l’emballement. Les déclarations d’effets indésirables liés au Levothyrox s’empilent durant l’été. Selon le Figaro, au moins 1 500 cas graves ont été enregistrés depuis deux mois : «Plusieurs centres de pharmacovigilance croulent tellement sous les déclarations que certains d’entre eux ne les enregistrent pas toutes ou les entassent sans vraiment les lire.» Information démentie par la ministre, qui a précisé qu’il n’y avait à ce jour «aucun effet indésirable grave».
«Choix». Il n’empêche, depuis deux mois, une pétition a été signée par plus de 200 000 mécontents. Mercredi, c’est la comédienne Anny Duperey qui a adressé une lettre ouverte à la ministre de la Santé, publiée par le Parisien, pour dénoncer les effets secondaires liés à cette nouvelle formule. «Rendez-nous l’ancienne formule du Levothyrox ! Ou tout du moins, laissez-nous le choix entre l’ancienne ou la nouvelle formule», affirme l’actrice avec véhémence après une série de symptômes «apparus très exactement» lors de la prise du médicament nouvelle formule. Et de citer «une fatigue intense, des crampes, des désordres intestinaux, des vertiges et des malaises très inquiétants».
Un témoignage comme tant d’autres. «Quand 3 millions de personnes prennent un médicament, il est naturel qu’apparaissent des réactions quand il y a des changements dans ce médicament. La politique élémentaire est de se donner les moyens de voir si c’est normal ou pas», analyse un professeur de santé publique. En 2015, un rapport sur le bon usage du médicament avait été remis à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Il prévoyait précisément des cas de figure de ce genre. Dans le rapport était suggéré un dispositif simple : que tous les médecins, quand ils entrent dans leur cabinet le matin, aient une alerte sur leur ordinateur leur demandant d’être vigilants sur tel ou tel point.
Rien n’a été fait. Le directeur de l’Agence du médicament a précisé, mercredi soir, qu’une enquête de pharmacovigilance était en cours, et qu’il attendait les résultats «en octobre». Attendre encore…
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