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De la pampa à l'Europe, du sang de juments sur les mains des labos pharmaceutiques

©Animal Welfare Foundation

En Argentine et en Uruguay, des fermes exploitent des centaines de juments gestantes pour leur sang. Ce dernier contient de gonadotrophine chorionique équine (eCG), une hormone utilisée pour grouper les inséminations de bovins, ovins, caprins et porcins. Des associations pointent du doigt les conditions d’élevage de ces équidés.

Elles appellent ça des « fermes à sang ». Des associations de protection animale ont enquêté sur l’exploitation des juments gestantes, élevées pour leur sang. Cinq fermes d’Argentine et d’Uruguay ont été visitées entre mars 2015 et avril 2017 par des militants de Tierschutzbund Zürich (TSB) et Animal Welfare Foundation (AWF), respectivement suisse et allemande. En France, c’est l’association welfariste Welfarm qui relaie les images glanées en Amérique du Sud.

« Ces fermes alimentent un commerce lucratif, celui de la gonadotrophine chorionique équine (eCG), aussi appelée PMSG, explique Welfarm dans un communiqué du 6 octobre 2017. Cette hormone présente dans le sang des juments lors des premiers mois de gestation, est importée, notamment en Europe, par des laboratoires pharmaceutiques vétérinaires. »

Une hormone pour grouper les inséminations

Dans une vidéo, un narrateur explique, sur des images de juments frappées dans des couloirs de contention, que l’eCG est utilisée dans les élevages porcins, bovins, ovins ou caprins pour déclencher et synchroniser les chaleurs. Combinée à d’autres hormones de synthèse, l’eCG permettrait de grouper les inséminations.

Welfarm assure que, selon les douanes, la société Syntex-Argentine a exporté 1 kg d’eCG vers la France entre janvier et mai 2017. Un business chiffré à 6 089 295 US$. À la même période, l’Uruguay envoyait 0,295 kg, pour 3 359 044 US$.

Des témoignages accablants

Sur place, les associations sont allées recueillir les témoignages de salariés, d’anciens employés, et d’un vétérinaire. Ce dernier s’appelle Eduardo Machdo. Il travaillait dans l’une des exploitations, et dit regretter ce qu’il a fait. Le prélèvement sur les juments peut atteindre 10 litres de sang, une à deux fois par semaine. « C’est excessif, cela compromet leur système immunitaire », lance-t-il.

Un ancien salarié de la ferme Perdigon confirme : « Sur 100 juments, 25 n’y survivront pas. Peut-être même 30. » Aux abords d’une autre ferme, un transporteur de chevaux admet être au courant des pratiques d’avortement utilisées sur les juments. Les militants filment plusieurs cadavres, et des ossements sur le sol.

Des réformes exportées vers l’Hexagone

Selon Welfarm, les juments sont prélevées durant 11 semaines. « L’hormone n’étant présente dans le sang que durant les premiers mois de gestation, les juments sont avortées manuellement et sans anesthésie pour permettre une nouvelle gestation, ajoute l’association. Un ancien employé de la ferme la Paloma décrit la procédure : « Un homme introduit sa main dans le vagin de la jument, ouvre le col de l’utérus, et perce le sac amniotique avec ses doigts. Cela provoque un avortement. » Des vétérinaires allemands ayant visionné la vidéo assurent que nombre de juments filmées présentent des membres cassés, et devraient être euthanasiées pour éviter toute souffrance.

« Au bout de 3 à 4 ans, les juments qui ont survécu à ces années de maltraitance, épuisées et stériles, partent à l’abattoir pour alimenter le commerce de viande chevaline, exportée notamment vers la France, » poursuit Welfarm.

Des subventions pour le commerce

La vidéo assure qu’une des fermes uruguayennes reçoit des subventions du gouvernement et de l’alliance commerciale sud-américaine Mercosur, depuis 2013. « L’Union européenne, en tant qu’important partenaire commercial, pourrait exiger que les animaux soient mieux traités, poursuit le narrateur. Pourtant, elle reste muette à la situation. » La vidéo accuse les salariés de ne pas être formés à la manipulation des chevaux. Aussi usent-ils de violence.

« De telles pratiques sont contraires aux lois de protection animale en vigueur en Europe et ne pourraient pas avoir cours sur notre territoire, déclare Welfarm. Il est donc inacceptable que des laboratoires français se fournissent auprès de pays moins regardants en matière de bien-être animal. »

L’association estime que plus de 1,9 million de personnes en Europe ont déjà signé une pétition demandant l’interdiction d’importer l’eCG depuis l’Argentine et l’Uruguay. « Suite à cela, les laboratoires MSD (Merck & Co) ont annoncé en juin dernier avoir cessé toute importation en provenance de ces fermes à sang » se félicite-t-elle.

Une méthode rejetée par les vétérinaires européens

L’Association des vétérinaires suisses a appelé éleveurs et vétérinaires à ne plus utiliser d’eCG. Du côté des Allemands, les professionnels de la santé animale déclarent que « l’induction de l’avortement des poulains est fondamentalement inacceptable », et demandent aux compagnies pharmaceutiques de s’assurer que leurs fournisseurs respectent les exigences de l’Union européenne en matière de bien-être animal.

Ensemble, les associations Tierschutzbund Zürich, Animal Welfare Foundation et Welfarm demandent à la Commission européenne d’interdire l’importation d’eCG depuis ces « fermes à sang » d’Argentine et d’Uruguay. Dans un courrier, Welfarm invite l’Ordre des vétérinaires français, les présidents des interprofessionnelles porcine (Inapor), bovine/ovine (Interbev) et caprine (Anicap) et le syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV) à prendre position contre cette pratique.

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