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Levothyrox : un nombre inattendu d'effets secondaires signalés... souvent inexpliqués

17.310 patients ont signalé des effets indésirables liés à la nouvelle formule du Levothyrox entre mars et novembre 2017, soit 0,75% des 2,3 millions de patients traités, selon un rapport de pharmacovigilance publié mardi 30 janvier 2018 et remis à l'Agence du médicament (ANSM). Pour une partie de ces cas, le lien avec le médicament reste mystérieux et aucun n'a été établi avec des décès : ce rapport très attendu sur le Levothyrox est loin de dissiper toutes les questions. Après la mise sur le marché en mars 2017 de la nouvelle formule du médicament, de nombreux patients se sont en effet plaints d'effets secondaires.

Un premier rapport avait été publié en octobre 2017, rapportant 5.062 cas sur la période du 27 mars au 15 septembre 2017. A ceux-là, s'ajoutent dans le nouveau rapport les 12.248 cas répertoriés entre le 15 septembre et le 30 novembre. Les conclusions restent essentiellement les mêmes entre les deux versions : des effets indésirables identiques à ceux de l'ancienne formule, des cas non expliqués cliniquement, et surtout une fréquence de signalement très élevée.

EFFETS INDESIRABLES IDENTIQUES. D'abord, les effets indésirables rapportés sont identiques à ceux déjà connus avec l'ancienne formule de ce médicament des laboratoires Merck. Aucun n'est spécifique à la nouvelle, introduite sur le marché fin mars 2017. Les plus fréquents : fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux. Entre la mise en œuvre de l'enquête et le 9 janvier, 19 cas de décès ont également été enregistrés dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV). Mais "il n'y a pas de lien établi" entre ces décès et la nouvelle formule, a indiqué à l'AFP Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l'ANSM.

Un grand nombre de signalements qui a fluctué au fil des mois

"Le nombre de signalements d'effets indésirables avec le Levothyrox nouvelle formule est inédit", selon l'ANSM, qui situe le pic en septembre 2017.Le Parisien a exhumé mardi 30 janvier un document de 2012 selon lequel 23 cas de déséquilibres thyroïdiens avaient été observés chez des utilisateurs du Levothyrox entre 2009 et 2011. Ce faible nombre "laisse perplexe sur la décision de changer de formule", a estimé le président du collectif France Assos Santé, Alain-Michel Ceretti, cité par le quotidien. Ce n'est qu'un "un élément parmi d'autres", a nuancé Mme Ratignier-Carbonneil : "de multiples arguments ont amené l'agence à prendre cette décision, dont des contrôles en laboratoire, pour parvenir à une formule de meilleure qualité et plus stable".

ALTERNATIVES THERAPEUTIQUES. Face à la colère des patients, les autorités de santé ont dû mettre en place des alternatives (génériques et autres formulations à base de levothyroxine), alors que le Levothyrox était auparavant en situation de quasi-monopole. "Une diminution très importante du nombre de signalements s'est amorcée depuis octobre 2017, peut-être expliquée par la mise à disposition des alternatives thérapeutiques", explique le rapport, selon lequel "l'amélioration des symptômes chez 20% des patients, en particulier chez ceux ayant (changé) pour une autre spécialité, conforte l'importance de la mise à disposition d'alternatives thérapeutiques".

PORTAIL INTERNET. Un des éléments d'explications pour ce grand nombre de signalements, outre l'effet direct du changement de formule du médicament, est l'inauguration concomitante, en mars 2017, du portail internet de signalement des effets indésirables, rendant la procédure plus accessible. "Depuis 2017, et le nouveau portail, la part de signalisation pour Levothyrox et Mirena est passée de 5% à 90% des signalements", expliquait Dominique Martin, directeur général de l'ANSM, en octobre 2017. Dans le rapport de pharmacovigilance d'octobre, il était ainsi précisé que "l'effet amplificateur du portail de signalement du ministère de la santé et des réseaux sociaux est sans doute à prendre en compte", ayant fait le parallèle avec une expérience néozélandaise concernant le changement de formule d'un autre médicament. Ces derniers avaient listé plusieurs explications concernant un signalement massif de cas : des facteurs externes (défiance de la population vis-à-vis des autorités de santé), des "influenceurs" (personnalités connue relayant le problème), la couverture médiatique (journaux, réseaux sociaux), les patients sensibles aux changements de formule, l'absence d'alternative et bien sûr un problème au niveau des excipients et donc de la formule en elle-même.

67 % de cas inexpliqués

La TSH est une hormone dont on mesure le taux pour déterminer si le patient souffre d'hypo ou d'hyperthyroïdie et qui permet le suivi des malades de façon à adapter leur prise en charge. Sur les quelque 17.000 patients qui ont déclaré des effets indésirables, seuls 4.030 avaient renseigné des bilans thyroïdiens, et les valeurs de TSH avant et après passage à la nouvelle formule n'étaient renseignés que dans 1.745 cas. Sur ceux-là, 33% ont pu être identifiés comme atteints par un déséquilibre qui peut expliquer ces effets. Le rapport "confirme la survenue possible de déséquilibre thyroïdien, pour un nombre restreint de patients, au changement (de formule) de Levothyrox", selon les auteurs. Mais les 67% restants ont un taux de TSH dans les normes. Enfin, les effets indésirables rapportés par ces patients sont identiques, qu'ils soient en hypothyroïdie, en hyperthyroïdie ou aient des TSH dans les normes, "sans qu'aucun facteur explicatif ne puisse être avancé".

"Les chiffres qui expliquent les symptômes qu'ont les gens sont très complets, mais on n'est pas plus avancé sur les raisons", a commenté à l'AFP Beate Bartès, présidente de l'association Vivre sans thyroïde, reçue par l'ANSM. Chantal L'Hoir, présidente de l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT), juge ce rapport "catastrophique" : "La question capitale qui reste sans réponse c'est 'Pourquoi ce changement de formule'?". Rappelons que la nouvelle formule a été réclamée par l'ANSM à Merck en 2012 afin de rendre le produit plus stable dans le temps. Le changement ne porte pas sur le principe actif mais sur d'autres substances, les excipients : le lactose a été remplacé par du mannitol et de l'acide citrique.

Avec AFP

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