
Une Américaine de 61 ans s'est vu refuser une greffe de foie sous prétexte qu'elle était alcoolique. Sauf que les taux élevés d'alcool retrouvés dans ses urines étaient dus à la fermentation d'une levure dans sa vessie. Il s'agit du premier cas au monde de syndrome d'auto-fermentation urinaire.
Vous avez peut-être déjà étendu parler du syndrome de fermentation intestinale, ou syndrome d'auto-brasserie, que nous avions relaté en 2018. Un trouble étonnant qui rend les personnes ivres alors même qu'elles n'ont bu aucune goutte d'alcool. Cette maladie, liée à des levures se développant dans l'intestin et transformant le glucose en éthanol, n'a été rapportée qu'à de très rares reprises dans la littérature médicale. Des médecins américains viennent aujourd'hui d'identifier un cas encore plus rare, et même unique, de syndrome d'auto-fermentation de la vessie, où une patiente urine littéralement de l'alcool.
Soupçonnée de boire en cachette
Relatée dans la revue Annals of Internal Medecine, la mésaventure de cette patiente, âgée de 61 ans, commence lorsqu'elle demande à être inscrite sur une liste d'attente de greffe de foie, en raison d'une cirrhose avancée et d'un diabète mal contrôlé. Problème : ses analyses révèlent systématiquement des taux d'alcool très élevés dans les urines, supérieurs à 39,1 mmol/L (180 mg/dL). Des taux qui correspondent normalement à une consommation importante et récente d'alcool. Malgré ses dénégations répétées de toute prise d'alcool, la sexagénaire se voit refuser par deux fois son inscription sur liste d'attente de greffe, les médecins lui conseillant de suivre d'abord une cure de désintoxication.
Elle ne présente aucun signe d'ébriété
C'est au départ la même hypothèse vers laquelle se tournent les médecins de l'hôpital universitaire de Pittsburgh (États-unis), où se présente la patiente pour une troisième tentative. Mais, devant l'insistance de cette dernière à nier toute consommation d'alcool, les médecins commencent à avoir des doutes. D'abord, la patiente ne présente aucun signe d'ébriété, là où les taux d'alcool mesurés dans ses urines devraient la rendre totalement ivre. De plus, l’urine ne comporte aucun autre métabolite de la dégradation d'alcool que l'on retrouve habituellement.
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Enfin, les médecins détectent une importante hyperglycosurie, avec des valeurs supérieures à 55,5 mmol/L (1.000 mg/dL). Logique pour une personne souffrant de diabète, mais de quoi tout de même éveiller les soupçons. D'autant plus que les analyses révèlent aussi la présence de levures en quantité élevée. « Tous ces indices nous ont conduits à tester si la levure colonisant la vessie pouvait fermenter le sucre pour produire de l'éthanol », écrivent les chercheurs.
Une levure qui fermente les sucres en alcool dans la vessie
La levure identifiée, Candida glabrata, est très courante dans l'environnement et très proche de la levure de bière (Saccharomyces cerevisiae). Elle est naturellement présente dans la flore microbienne de la bouche, du tractus gastro-intestinal, du vagin ou de la peau. Normalement inoffensive, elle peut toutefois provoquer des candidoses sévères chez des patients à risque lorsqu'elle s'infiltre dans le flux sanguin ou se développe de façon anormale, et se répand dans d'autres parties du corps.
Dans le cas présent, la levure ayant colonisé la vessie fermente le sucre, présent en grande quantité, en éthanol, aboutissant à un « syndrome d'auto-fermentation urinaire », comme l'ont nommé les médecins. Un cas similaire à celui du syndrome d'auto-brasserie intestinale, à la différence que la personne ne souffre pas ici d'ébriété, l'alcool étant simplement fabriqué dans la vessie et directement excrété. Malheureusement pour la sexagénaire, le traitement classique contre la candidose, à base d'antifongiques, s'est avéré inefficace pour éliminer la levure. Mais la patiente a enfin été inscrite sur la liste d'attente pour sa greffe de foie.
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