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Coronavirus : pourquoi une seconde vague est jugée « très probable » - Les Échos

Publié le 2 juil. 2020 à 11h30Mis à jour le 2 juil. 2020 à 16h01

Tous les indicateurs sont au vert. La France dresse pour l'instant un bilan plutôt rassurant de sa lutte contre le Covid-19 . Selon le dernier point hebdomadaire de Santé Publique France, le nombre de cas de contamination, le pourcentage de tests positifs et le taux d'hospitalisation, notamment en réanimation, s'inscrivent tous en baisse continue, hormis dans le département de la Guyane.

Pour autant, les Français sont appelés à ne pas baisser la garde face au virus pendant leurs vacances d'été. Une épée de Damoclès pèse au-dessus d'eux, comme l'a rappelé le Conseil scientifique dans son dernier avis publié le 21 juin : non seulement le virus n'a pas disparu, mais il est très probable qu'il circule de nouveau intensément dans les prochains mois.

« Les dernières données dont nous disposons […] suggèrent qu'une intensification de la circulation du SARSCoV-2 dans l'hémisphère nord à une échéance plus ou moins lointaine (quelques mois, et notamment à l'approche de l'hiver) est extrêmement probable », écrivent les 13 membres du Conseil.

« Aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de dire avec certitude si la circulation du virus va s'intensifier à nouveau cet été, cet automne ou cet hiver », précise le Dr Sibylle Bernard-Stoecklin, épidémiologiste à Santé Publique France. « Mais nous nous préparons à une seconde vague, qui est tout à fait probable », poursuit-elle. CQFD fait le point sur les raisons qui laissent craindre ce scénario.

1. L'immunité collective reste très insuffisante

Impossible, tout d'abord, de compter sur la stratégie de l'immunité collective , qui consiste à miser sur le fait qu'une large partie de la population développe une immunité contre le virus pour que la contagion cesse d'elle-même. « L'immunité collective est de 5 à 10 % en France alors qu'il faudrait qu'elle soit de 50 % à 70 % pour bloquer la circulation du virus », explique en effet Arnaud Fontanet, épidémiologiste et membre du Conseil scientifique.

Comment sait-on la proportion de Français ayant ainsi été exposée au virus ? Il s'agit en fait d'une estimation réalisée à partir d'enquêtes « de séroprévalence ». Par exemple, Santé publique France mène actuellement une telle étude avec le Centre National de Référence (CNR) des virus respiratoires et les laboratoires Cerba et Eurofins Biomnis à partir des reliquats de prises de sang. Elle en sélectionne un échantillon représentatif de la population française, les anonymise et les analyse.

« Cet outil est le meilleur à notre disposition pour avoir une estimation de la proportion de Français ayant rencontré le virus et développé des anticorps contre lui », explique Sibylle Bernard-Stoecklin.

Non seulement cette proportion se révèle trop basse pour stopper la propagation du virus, mais de plus, plusieurs inconnues sur les caractéristiques du SARS-CoV-2 compliquent l'équation : « On ne sait pas à quel point ni pendant combien de temps cette proportion de Français est protégée contre le virus », souligne l'épidémiologiste. Impossible dans ces conditions d'exclure l'hypothèse d'une deuxième vague de contagion si le virus revenait avec force.

2. L'épidémie continue de s'étendre ailleurs

Les bons indicateurs épidémiologiques en France et chez nos voisins pourraient nous le faire oublier, mais la pandémie de Covid-19 s'aggrave sur le reste de la planète. L'Organisation mondiale de la Santé a averti lundi que la pandémie était « loin d'être finie » et « s'accélérait » même, au moment où deux seuils symboliques étaient franchis : 500.000 décès et 10 millions de cas à travers le monde.

« Le virus circule abondamment, notamment dans l'hémisphère sud », qui est entré dans la période hivernale, commente Arnaud Fontanet. Après un long « plateau », la pandémie de Covid-19 s'étend particulièrement en Amérique latine, qui déplore, avec les Caraïbes, 114.000 morts. L'Organisation panaméricaine de la Santé a averti que ce nombre pourrait presque quadrupler d'ici octobre en l'absence de mesures sanitaires renforcées.

La situation est aussi très préoccupante aux Etats-Unis , où le bilan est reparti à la hausse, dépassant de nouveau le millier de décès journaliers. En Europe aussi, la réapparition de quelques foyers inquiète, à Lisbonne notamment.

Or, « tant que le virus circule ailleurs dans le monde, le risque d'une reprise en France dans les mois qui viennent subsiste », rappelle Sibylle Bernard-Stoecklin. Et ce, même si l'Union européenne a décidé de ne rouvrir ses frontières qu'aux pays dans une situation épidémiologique semblable ou meilleure que la sienne.

3. L'expérience des précédentes pandémies

Les précédentes pandémies ont montré une caractéristique commune : la saisonnalité. « Comme les autres virus respiratoires, le virus devrait revenir en Europe quand les températures seront plus clémentes pour lui, c'est-à-dire froides, automne ou hiver », explique Arnaud Fontanet. « C'est ce qui a été vu avec les quatre dernières pandémies grippales », ajoute-t-il, en référence aux pandémies de 1918, 1957, 1968 et 2009. Le SARS et le MERS n'ont, en revanche, pas connu de vagues, car le nombre de personnes infectées est resté très limité.

Difficile de savoir pour le moment comment se comportera le nouveau coronavirus. La saisonnalité « dépend premièrement de facteurs intrinsèques au virus, par exemple si le froid et l'humidité favorisent ou non sa diffusion », souligne Sibylle Bernard-Stoecklin. Sur ce point, nous manquons encore de données sur le nouveau virus.

Mais elle « dépend aussi de facteurs liés à nos modes de vie », poursuit l'épidémiologiste. « Au printemps et en été, nous restons plus au grand air alors que le fait de rester dans un endroit confiné fait partie des circonstances qui favorisent la transmission du virus. C'est l'une des raisons qui explique que l'on parle d'une seconde vague à l'automne », résume-t-elle.

4. Le risque du relâchement

Mais il serait bien imprudent de considérer que le risque d'une seconde vague ne réapparaîtra qu'à l'automne prochain, ajoute aussitôt Sibylle Bernard-Stoecklin. « Rien ne dit que le virus ne peut pas se remettre à circuler de manière importante dès cet été. C'est pour cela que le dépistage et l'isolement des cas confirmés, la recherche systématique des personnes contacts à risque autour de chaque cas confirmé, leur isolement et le respect des mesures barrières restent primordiaux. » Arnaud Fontanet estime également qu'« on ne peut pas écarter une reprise plus précoce, pendant l'été, à l'occasion d'un cluster de grande taille, ou d'un relâchement général des gestes barrières ».

Pour ces raisons, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé la semaine dernière une campagne de tests virologiques « de très grande ampleur » pour « identifier les éventuels clusters dormants », notamment dans trente communes d'Ile-de-France.

Les territoires ciblés se trouvent « à proximité de clusters identifiés où […] il y a du réservoir viral, avec des personnes asymptomatiques, qui peuvent transmettre le virus sans le savoir », expliquait le ministre dans un entretien au « Monde ». Olivier Véran appelait également à « éviter les grands rassemblements et les comportements à risque » quelques jours après la Fête de la musique, marquée par des scènes de liesse collective sans gestes barrière ni masque. « Le pic de mars-avril est derrière nous mais nous n'en avons pas terminé avec le virus », a-t-il résumé.

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