Halle Berry, Gwyneth Paltrow, médecins, podcasteuses… de Hollywood à Paris, les voix s'élèvent pour que les femmes soient mieux informées sur la ménopause. Et pour que change enfin la façon de vivre cette période de la vie.
Alors qu'un médecin français Charles de Gardanne a, le premier au XIXe siècle, inventé le terme de ménopause (du grec fin des menstrues) dans le cadre de ses travaux sur la santé des femmes, cette notion n'a eu de cesse de se charger d'une symbolique négative liée au vieillissement et au déclin. Pour casser cette conception stigmatisante, décorseter cet état aux multiples facettes, mieux informer et faire avancer la santé des femmes, de nombreuses personnalités et femmes d'influence ont décidé de faire entendre leur voix. Pour faire bouger les lignes. Aux États-Unis, les célébrités racontent leur propre expérience, comme Michèle Obama, dans un épisode de son podcast, ou Gwyneth Paltrow, dans de nombreuses interviews – en faisant au passage la promotion de compléments alimentaires de sa propre société Goop… Au Royaume-Uni, la mobilisation de femmes cheffes d'entreprises a permis de vraies évolutions dans le monde du travail.
Depuis quelques années, la mobilisation gagne la France : auteures de podcasts, gynécologues, spécialistes, parlementaires, portent ce dossier dans leurs différents domaines, incarnant autant de pistes de solutions. Le Président de la République a annoncé en mai dernier une mission d'information sur le sujet, portée par la députée Stéphanie Rist et Florence Trémollières, Directrice du Centre Ménopause au CHU de Toulouse. Elle devra notamment se rapprocher de la Haute Autorité de Santé pour clarifier la question encore trop controversée des traitements hormonaux en l'état des études scientifiques. En attendant, les femmes veulent se prendre en main. Des ouvertures de consultations spécialisées sont prévues partout en France dans les mois à venir. En gagnant en visibilité, la ménopause peut devenir un vrai sujet de santé publique entraînant de vraies avancées pour toutes les femmes. Comment mieux informer, et mieux traiter ? Le point avec 5 grandes figures du mouvement.
Halle Berry, actrice et productrice : une loi pour financer la recherche
En mai dernier, la comédienne américaine Halle Berry manifestait devant le Capitole son soutien au projet de «Mid-Life women's Health Act», un texte bipartisan porté par deux sénatrices: la Républicaine Lisa Murkowski (Alaska) et la Démocrate Pathy Murray. Ce projet de loi vise une aide de 275 millions de dollars alloués à la recherche et à l'éducation dans ce domaine.
Son engagement : «Je suis ménopausée, OK?». Cette phrase avec laquelle elle avait un jour apostrophé son propre médecin qui n'osait pas prononcer le mot devant elle, a été reprise par tous les médias. Doublant cette présence symbolique du Capitole, d'un appel à ses abonnés sur Instagram, les invitant à saisir les sénateurs et sénatrices de leurs États, Halle Berry dénonce un tabou persistant et passe à l'acte.
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Sa vision: «Il n'est plus acceptable que les mots de ménopause et de honte soient associés. Les femmes doivent être mieux accompagnées tout au long de leur parcours de santé.»
Lydia Marié-Scemama, gynécologue et attachée à l'Hôpital Foch de Suresnes : des consultations ménopause
«Depuis le temps que je travaille sur cette question, je sens enfin un frémissement», se réjouit Lydia Marié-Scemama qui tient une consultation dédiée à la ménopause le jeudi à l'Hôpital Foch et organise des webinaires thématiques sur le sujet. Le Ménopause Club réunit 26 000 patientes entre 45 et 70 ans.
Sa vision: «En 2002, les Américains ont lancé une étude portant sur les effets des traitements hormonaux sur la prévention des maladies cardio-vasculaires. Cette étude a conclu à tort à une augmentation des risques. Hélas, suite à cela, on a arrêté partout dans le monde les traitements jusqu'à ce qu'une nouvelle étude européenne vienne contredire la précédente en 2005. Malheureusement, elle n'a pas eu assez d'écho et les peurs ont perduré chez les praticiens.»
Ses actions : «Progressivement, en Europe et en France, on a réintroduit les traitements, qui par ailleurs ne sont pas les mêmes qu'aux États-Unis. On sait désormais qu'il faut les prescrire dès les premiers symptômes et proposer un cocktail d'œstrogènes et de progestérones naturelles. C'est aujourd'hui démontré : bouffées de chaleur, brouillage cérébral, douleurs articulaires, sont souvent des signaux faibles de pathologies plus sérieuses survenant plus tard. S'il n'y a aucun symptôme, on ne prescrit généralement pas de traitement hormonal. En cas de ménopause avérée (un an d'arrêt de règles) et de la survenue de troubles climatériques, on peut prescrire à celles qui en ont besoin, sous conditions (pas de contre-indications, et sur une durée limitée NDLR), ces traitements naturels.» Au sein de sa consultation, Lydia Marié-Scemama reçoit environ 6 à 7 femmes par matinée. Elle compare son protocole de soins à celui d'une cheffe d'orchestre : prévention des maladies cardio-vasculaires, orientation vers des nutritionnistes, conseils et prévention de l'atrophie vulvo-vaginale...«La prise en charge ne peut se cantonner à un traitement hormonal», insiste-t-elle.
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Stéphanie Rist, rhumatologue, coprésidente de la Mission parlementaire française sur la Ménopause : changer le regard de la société
Rapportrice du budget de la Sécurité sociale, la députée du Loiret a été choisie avec Florence Trémollières, Directrice du Centre Ménopause au CHU de Toulouse pour coordonner la mission d'information.
Son engagement: «En tant que rhumatologue, j'ai vu de nombreuses femmes qui souffraient de pathologies osseuses liées à la ménopause : perte de densité, ostéoporose, douleurs articulaires, fractures insidieuses. Ces patientes avant de me consulter étaient en errance thérapeutique. J'ai depuis le début de mon mandat porté deux lois sur l'amélioration de la santé des femmes et de nombreux amendements sur ce sujet. Je me suis intéressée d'encore plus près lorsque moi-même j'ai eu 50 ans, car même si je suis informée sur le sujet, en le vivant, on apprend encore.»
Stéphanie Rist, coprésidente de la Mission parlementaire française sur la MénopauseC'est aujourd'hui démontré : bouffées de chaleur, brouillage cérébral, douleurs articulaires, sont souvent des signaux faibles de pathologies plus sérieuses survenant plus tard
Sa vision: «Il faut que la Haute Autorité de Santé se prononce clairement sur les parcours de soins, les traitements et reprécise sa position sur la question des traitements hormonaux qui reste encore controversée en France. De même, la mission devra déterminer si dans les cas où la ménopause n'est pas prise en compte dans l'entreprise, cela induit une inégalité homme-femme au plan économique. Nous voulons faire de ce sujet un véritable enjeu de société. C'est pourquoi nous allons demander à des experts en sciences humaines, en sociologie de travailler avec nous.»
Aude Hayot, auteure du podcast «La Fin des Règles» : la force du témoignage
C'est le manque d'informations qui a conduit Aude Hayot à 42 ans, à lancer son propre média. Sa mère souffrant d'ostéoporose, elle était alors considérée comme potentiellement à risque. Mais tous les gynécologues qu'elle consultait lui donnaient la même réponse: «vous avez le temps de vous en préoccuper.»
Son engagement: «je me suis d'abord documentée sur la question de la ménopause au travail et en consultant des documents britanniques, j'ai vu que 20% des femmes renonçaient à une promotion du fait de leurs symptômes et 10% quittaient purement et simplement l'entreprise. J'avais 44 ans, j'étais salariée dans l'immobilier, mère de 3 enfants, et ça m'a provoqué un déclic. J'ai eu envie de décorseter la ménopause, de briser le tabou. J'ai choisi de recueillir la parole des femmes, qu'elles ne délivrent nulle part, pas même à leurs conjoints. De parler du corps, de la sexualité, de dissiper le malaise.»
Sa vision: «Nous avons passé un cap il y a 6 mois, lors de la dernière journée mondiale de la ménopause. Tous les grands médias se sont emparés du sujet. J'ai lancé une série pour explorer cette question sur les cinq continents et partout, à l'exception du Royaume Uni, le tabou demeure.»
– Ses actions: «L'idée est de montrer que derrière chaque histoire singulière, les autres peuvent se reconnaître et de leur dire qu'elles ne sont pas seules. Je fais aussi de la sensibilisation en entreprise et cela intéresse beaucoup les responsables RSE. Il y a un travail d'information à mener sur les symptômes et leur impact, ainsi que sur les solutions à mettre en place : créer des espaces de repos, penser à la ventilation ou à la possibilité d'ouvrir les fenêtres dans l'espace de travail, choisir des matières respirantes pour les uniformes, nommer une référente sur ces questions, mettre en place des jours de télétravail en cas de pics de symptômes, etc.»
Michel Mouly, gynécologue obstétricien, cancérologue : mieux former sages-femmes et gynécologues
Son engagement: Tout le parcours hospitalier du Dr Michel Mouly s'est fait au service d'une amélioration des prises en charge globales : à l'Institut Gustave Roussy (Villejuif), en développant la célioscopie pour opérer en préservant le corps des femmes, en se formant à l'hormonologie française avec ses confrères de l'hôpital Necker, ou à l'hôpital Cochin où, chef de clinique, il s'est investi sur le sujet de l'endométriose. «Lorsque en 2005, une étude européenne est revenue sur les conclusions de l'étude américaine de 2002 (laquelle établissait un lien entre traitements hormonaux et cancers de la femme, NDLR), je suis intervenu au niveau international auprès des généralistes et des confrères gynécologues pour rétablir cette vérité, rassurer», souligne-t-il aujourd'hui. En vain : quand en 2002, 2,5 millions de femmes prenaient les traitements d'hormones de substitution. En 2021, elles n'étaient plus que 450 000 en 2021. J'en ai eu assez et ai écrit un premier livre, Ménopause. Tout peut changer (Éd. Robert Laffont, Versilio), pour dire à mes confrères que nous devions sortir des congrès et donner aux femmes une vision positive de cette question. Nous sommes depuis 2021 passés de 4,5 à 6% de femmes traitées et c'est déjà énorme.
Michel Mouly, gynécologue obstétricien, cancérologueSans les hormones bio identiques que nous prescrivons en France, les femmes développent plus facilement du diabète, du cholestérol, et sont davantage exposées à la maladie d'Alzheimer
Sa vision : «Par provocation, je dis que l'espérance de vie des femmes n'aurait pas dû croître autant. Car pendant 40 ans, si elles ne prennent pas d'hormones, on laisse leur corps sans nourriture». Sans les hormones bio identiques que nous prescrivons en France, les femmes développent plus facilement du diabète, du cholestérol, et sont davantage exposées à la maladie d'Alzheimer. Les traitements ne provoquent pas le cancer du sein. Chez les patientes les plus exposées, qui auraient développé un cancer de toute façon, elles peuvent le révéler plus tôt mais dans ces cas précis, la prise d'hormones rend le cancer moins agressif. On a observé par ailleurs que chez celles qui prennent des hormones bio identiques et ne sont pas à risque, le traitement protège des cancers de l'appareil digestif (œsophage, colorectal, estomac et pancréas).
Sa proposition : «La France compte 4000 gynécologues, 27 000 sages-femmes : il faut que ces dernières aient le droit de prescrire les traitements hormonaux utiles à 80% de femmes, hors cas particuliers. Je suis en train de développer au Luxembourg une formation qui va dans ce sens. Il faut former tout le monde.»
Sophie Kune, fondatrice du compte Instagram @menopause.stories : plus de prévention
Son engagement : Sophie Kune a lancé son compte ménopause.stories il y a 4 ans et demi pour évoquer la ménopause sous l'angle de la conversation pour documenter le sujet. 30 000 abonnés la suivent sur son média. «Je travaillais en communication digitale et pour des raisons médicales, à 47 ans, j'ai été placée sous ménopause artificielle. Et là, pas de son, pas d'image, aucune information. Lancer ce podcast était au départ un cri du cœur pour dire à quel point j'ignorais tout. Très vite, j'ai reçu un écho en commençant à documenter le sujet.»
Sa vision : «On parle souvent de l'avance du Royaume Uni mais je le mets aussi sur le compte de la différence de nos systèmes de santé. Là-bas, compte tenu de la privatisation du leur, les femmes prennent en charge elle-même leur propre suivi. Lorsque j'ai pris la parole, Michèle Obama et Naomi Watts avaient elles, déjà, pris position aux États-Unis. Depuis les marques se sont emparées de la ménopause, notamment en cosmétique. Le contexte Meetoo a également fait évoluer les choses. En France, les choses bougent depuis deux ou trois ans.»
Ses actions : «J'insiste beaucoup sur le côté préventif. Certaines femmes comme moi ont des contre-indications à la prise de traitement hormonal. Mais on peut quand même faire attention. À son alimentation par exemple, en limitant les graisses et le sucre et en augmentant les protéines, et en faisant du sport. La ménopause doit être vue comme un rendez-vous avec soi-même pour redessiner un chemin de vie. Il ne faut pas avoir peur.»
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