
Cela ne va pas faire plaisir aux autorités de santé, aux industriels de l'imagerie et à certains médecins, mais la controverse persiste autour du dépistage systématique du cancer du sein. Et elle refait surface à l'occasion d'Octobre rose, la campagne annuelle de sensibilisation au cancer du sein. Certains médecins osent remettre en question les bénéfices d'un dépistage systématique et aveugle. C'est notamment le cas de ceux qui se sont réunis au sein de l'association Cancer rose et militent « pour une information loyale, neutre et indépendante » sur le cancer du sein.
Pour ces médecins, la nouvelle brochure d'information sur le dépistage du cancer du sein publiée par l'Institut national du cancer (Inca) qui dit vouloir apporter aux femmes les éléments pour leur permettent de décider, en connaissance de cause, si elles veulent ou non participer au dépistage, laisse à désirer.
L'INCA, qui n'a pas réagi à nos sollicitations, affirme notamment que « de manière générale, plus les cancers du sein sont dépistés tôt, plus les chances de guérison sont importantes ». Ainsi les chances de survie sont de « 99 % pour une tumeur détectée au stade précoce ». Mais la survie mesure plutôt la durée de vie avec le cancer, explique l'équipe de Cancer rose dans un article consacré à une étude critique de cette brochure : « Par l'anticipation de la date de découverte du cancer, on a l'impression d'un allongement de la durée de vie après le cancer mais la durée de vie de la personne, elle, ne change pas »
Une vie gagnée
Un dépistage précoce aurait un intérêt explique Cécile Bour, médecin radiologiste membre de Cancer rose, si tous les petits cancers étaient destinés à devenir gros et mortels, comme dans le cas du cancer du col de l'utérus. Mais, pour les cancers du sein, on a différents cas de figure. « Il y a ceux qui resteront toujours petits et n'évolueront pas, ceux qui vont régresser spontanément, ceux qui vont progresser lentement et pour lesquels un traitement est nécessaire et enfin ceux qui connaissent une évolution fulgurante entre deux mammographies et sont fatals quoi qu'on fasse ».
Malheureusement on n'est pas aujourd'hui en mesure de pronostiquer l'avenir d'une petite lésion. Donc on intervient, de façon abusive dans de nombreux cas. Le taux de surdiagnostic est chiffré par l'Inca à 20 %, ce qui est déjà beaucoup, mais pour certaines études sérieuses réalisées à l'étranger (pays nordiques) il atteint plus de 50 %. Avec son cortège d'inquiétudes et de traitements pénibles et inutiles.
Dans cette même brochure de l'INCA, on peut aussi lire que les programmes de dépistage permettent, sur 10 ans, de « réduire la mortalité de 15 à 21 % ». Mais cela ne veut pas dire que sur 100 femmes dépistées, 20 ne mourront pas grâce au dépistage, expliquent les médecins de Cancer rose. Cela signifie que « sur 2.000 femmes non dépistées pendant 10 ans, 5 mourront d'un cancer du sein alors qu'elles ne seront que 4 (sur 2000), s'il y a un dépistage ». On aura gagné une vie.
L'étude Miller
« Il faut remettre les chiffres dans le contexte de la mortalité par cancer du sein, rappelle Cécile Bour. Si le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme, il n'est responsable que d'une très faible fraction des décès, comparé à l'ensemble des cancers ou aux maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité chez la femme».
Pour Cécile Bour qui a participé au dépistage pendant de nombreuses années avant de prendre ses distances, « ce n'est pas parce que vous transformez une personne en bonne santé en malade plus tôt dans sa vie que vous pourrez mieux la soigner ».
Et de se référer à l'« étude Miller » de 2014 qui avait comparé le destin, sur 20 ans, de deux groupes de 45.000 groupes femmes chacun, l'un procédant à un dépistage, l'autre pas. Ses conclusions avaient défrayé la chronique : il n'y avait pas de différence de mortalité entre les deux groupes, les taux de survie en cas de cancer étaient identiques, quel que soit le stade de la tumeur et 22 % de surdiagnostic dans le groupe dépisté avait conduit à des traitements inutiles sans bénéfice en termes de mortalité.
Cancer rose est une association dont les membres n'ont rien à voir avec des aficionados des médecines parallèles. Ce sont au contraire des tenants de la médecine s'appuyant sur les preuves scientifiques. Ils étudient les parutions les plus récentes de la presse médicale et scientifique, les relaient, les synthétisent, et les décortiquent pour les rendre plus accessibles sur leur site cancer-rose.fr
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