Tolérance… zéro. Après l’alcool – avec des messages de santé publique pour une consommation nulle le temps de la grossesse –, c’est au tour de la prise de médicaments durant la grossesse de subir les foudres des autorités sanitaires, en l’occurrence de l’agence nationale de sécurité sanitaire des produits de santé (ANSM).
Les chiffres sont, il est vrai, éloquents, pour ne pas dire franchement inquiétants. En France, le nombre moyen de médicaments prescrits chez une femme enceinte durant sa grossesse est de 10. Cela constitue un record absolu. Aux Pays-Bas, c’est 8, de 2 à 7 en en Allemagne. Aux Etats-Unis et dans les pays au nord de l’Europe, entre 2 à 3. «Nous avons en France une prescription importante et persistante dans le temps», note Dominique Martin, directeur de l’ANSM. «C’est considérable et il y a urgence à faire baisser ce chiffre-là.»
Quand on entre dans le détail, chez 97% des femmes enceintes un médicament au moins a été prescrit, – donc par un médecin –, alors que dans les pays du nord de l’Europe, c’est à peine une femme sur deux. «Ce qui est troublant, poursuit Dominique Martin, c’est que cette consommation est finalement assez liée au niveau culturel de la jeune femme. Plus son niveau est élevé, moins elle prend des médicaments. On retrouve le gradient socio-culturel dans l’impact des mesures de santé publique.»
Les experts ne le disent pas ouvertement, mais l’affaire récente autour de la Dépakine, prescrite contre l’épilepsie, ou de la Depakote pour lutter contre les troubles de l’humeur, a fait accélérateur, montrant le danger, parfois gravissime, des prescriptions durant la grossesse. Ces deux médicaments, à base de valproate, se sont en effet révélés particulièrement dangereux pour l’enfant à naître ; près de 40% d’entre eux connaîtront des troubles neurologiques, et autour de 20% des troubles physiques.
Le ministère de la Santé reconnaissant, l’an dernier, que plus de 14 000 femmes enceintes avaient été «exposées» entre 2007 et 2014 à ce médicament. Plus inquiétant, l’histoire du valproate n’est pas finie : encore aujourd’hui, alors que les conditions de prescription ont été particulièrement renforcées, un nombre non négligeable de médecins continue à en prescrire à des femmes en âge de procréer. «Plus d’un professionnel de santé sur deux n’applique pas l’ensemble des conditions de prescription et de délivrance», précise ainsi Dominique Martin. Pour l’agence, il y a «nécessité pour le médecin de prescrire une balance bénéfice-risque de chaque prescription pour la mère, mais aussi pour l’enfant à naître». Mais aussi et surtout «informer de façon claire et juste sur cette balance les femmes en âge de procréer». «Il y a un grand absent dans ces mauvais usages du médicament, c’est le pharmacien», ajoutait récemment un spécialiste d’épidémiologie. «Le pharmacien revendique, à juste titre, un rôle de santé publique. Il pourrait être plus un peu plus directif quand il voit dans son officine une femme enceinte arriver avec une ordonnance.»
Dernier point, le manque de données. Pourtant, il y en a. L’Assurance Maladie, par le biais de son gigantesque système d’information, pourrait faire ainsi régulièrement un état des lieux sur les prescriptions chez les femmes enceintes, or très peu de travaux sont effectués. La création prochaine d’une cellule dédiée à la surveillance de l’activité «grossesse» dans l’agence du médicament est un début. Il reste étonnant qu’elle ne soit toujours pas en place.
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