Le marché des victimes est ouvert. Dans l’affaire du Levothyrox, où l’on évoque près de 15 000 effets secondaires chez des personnes ayant pris la nouvelle formule de ce médicament pour stabiliser la thyroïde, il était attendu que la justice s’en mêle. Ce fut le cas. Avec l’ouverture d’une information judiciaire, et le dépôt de près de 200 plaintes au pénal par l’ancienne juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy, pour «mise en danger de la vie d’autrui», «tromperie» ou encore «non-assistance à personne en danger».

«3 500 plaignants»

Mais cela ne s’est pas arrêté là. A l’heure où l’on parle d’indemnisation, on pouvait s’attendre à ce que des avocats sentent les bonnes affaires. D’autant que la possibilité d’action collective a été ouverte, récemment, par la loi de santé de Marisol Touraine. Ce mercredi matin, c’est chose faite. De façon très médiatique, plus de cent assignations contre le laboratoire allemand Merck ont été déposées devant la justice française, dans le cadre d’une action collective dans l’affaire du Levothyrox. Une première audience a été fixée au 19 décembre devant le tribunal d’instance de Lyon. «Après ces 108 premières assignations, ce sont quelque 3 500 plaignants qui seront réunis à terme dans cette action collective et conjointe visant à obtenir rapidement l’indemnisation des malades de la thyroïde, a précisé à l’AFP Me Christophe Lèguevaques, à l’origine de cette démarche. Quelque 1 200 dossiers sont déjà en cours de constitution. Chaque jour, une trentaine sont déposés au cabinet.»

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C’est la bonne affaire. Christophe Lèguevaques sollicite dans le cadre de l’assignation une indemnité forfaitaire de 10 000 euros pour réparer les préjudices moraux subis par chaque demandeur. «Soit 5 000 euros de préjudice résultant du défaut d’information et 5 000 euros provenant du préjudice d’angoisse.» Et son cabinet touchant un pourcentage pour chaque plaignant. Pourquoi pas ? Les avocats ont aussi droit de vivre. Mais en l’occurrence, tout est cocasse dans cette action.

«Les laboratoires Merck savaient»

Rares en effet sont les experts qui mettent en cause le laboratoire. On a évoqué surtout un défaut grave d’information, imputable à l’Agence du médicament, mais aussi aux médecins prescripteurs qui ont manqué de réflexe, voire aux pharmaciens qui auraient pu prévenir leurs clients. Cette action collective ne s’en intéresse pas. «Nous voulons démontrer judiciairement la responsabilité des laboratoires Merck en raison d’un défaut d’information des patients sur les conséquences scientifiquement prévisibles du changement de formule du Levothyrox.» Selon l’avocat, «les laboratoires Merck savaient que 5 à 7% des malades devraient faire face à des troubles plus ou moins importants. Ils ont eu très vite des retours en ce sens mais n’ont réagi que début octobre».

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L’idée de cette action collective a été lancée en septembre via la plateforme MySmartCab. L’objectif ? «Regrouper un maximum de plaintes et engager une procédure au civil pour aller plus vite. Nous espérons avoir une décision l’an prochain», conclut Christophe Lèguevaques, bien sûr de lui.

Eric Favereau