
Alors que les Etats européens s'apprêtent à voter sur la réautorisation du glyphosate, un principe actif herbicide «cancérigène probable», trois Américains ayant souffert des conséquences sanitaires de son utilisation témoignent.
Respectivement en février et en août 2016, Teri McCall et John Barton ont attaqué en justice la multinationale spécialisée dans les pesticides et OGM, Monsanto, dans une class action (action de groupe) réunissant plus de 230 plaignants. Sabine Grataloup, elle, a témoigné au Tribunal Monsanto. Ils accusent la firme de Saint Louis de connaître les risques sanitaires causés par son herbicide phare, le Roundup, depuis longtemps, notamment les liens entre l’exposition au produit et la contraction de lymphomes non hodgkiniens, et de l’avoir caché au public.
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John Barton, 68 ans : «Dès que j’ai appris que j’avais un cancer, j’ai arrêté d’utiliser du Roundup»
«Je suis un agriculteur de la troisième génération. Toute ma vie, on m’a dit que le principal ingrédient du Roundup, le glyphosate, n’était pas dangereux. Pendant cinquante ans, j’ai versé des milliers de litres de cet herbicide de Monsanto sur mes champs de coton. En 2015, j’ai fait examiner des grosseurs dans mon cou. On a découvert que j’avais un lymphome non hodgkinien de stade 3. Quand vous entendez le mot «cancer», c’est comme si on vous coupait le souffle. Même si vous avez un soutien familial, la souffrance est immense. J’ai commencé à vraiment travailler dans les champs en 1975, plus ou moins quand le Roundup a été commercialisé. Nous l’utilisions contre les mauvaises herbes. Nous en versions même sur le coton pour faciliter la récolte. Je suis parti à la retraite en 2006, et j’en ai encore utilisé après. Dès que j’ai appris pour mon cancer, j’ai arrêté. Monsanto continue de dire que le Roundup n’est pas dangereux. Je veux que les citoyens, pas seulement américains (1), mais aussi européens, puissent connaître les risques qu’il y a à utiliser du glyphosate. Que ce ne soit pas une multinationale, qui fait du profit aux dépens des vies, qui décide à leur place. Mon père et mon frère sont morts de cancers. Mon fils a travaillé sur la ferme, il a maintenant des problèmes osseux. On doit aller à Los Angeles pour trouver des médecins en mesure d’identifier ce qu’il a.»
(1) En août 2016, John Barton a rejoint une class action contre Monsanto aux Etats-Unis.
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Teri McCall, 65 ans : «Je veux que les gens sachent que, contrairement à ce que Monsanto nous dit, le Roundup n’est pas un produit chimique sûr»
«J’ai décidé d’attaquer Monsanto en justice, peu après que le décès de mon mari, en décembre 2015 d’un lymphome non hodgkinien. Nous avions découvert qu’il était atteint d’une rare forme, extrêmement grave, de ce cancer, juste trois mois auparavant. Jack a utilisé, sans protection, du Roundup dans notre ferme pendant trente ans, sans se douter des risques que cela impliquait. Il était pourtant conscient des dangers que représente l’utilisation des produits chimiques mais il a cru ce que disait Monsanto. Notre chien le suivait partout quand il le répandait et il a eu les mêmes types de lymphomes, dans le cou. Il a énormément souffert. Je n’ai découvert qu’il y avait un lien entre l’exposition au Roundup et les lymphomes non hodgkiniens qu’après la mort de mon mari car j’étais trop occupée à prendre soin de lui et à essayer de le sauver. Je veux que les gens sachent que, contrairement à ce que Monsanto nous dit, le Roundup n’est pas un produit chimique sûr. Il se retrouve dans tellement d’aliments et dans l’eau que nous ingurgitons tous les jours. On en retrouve dans notre sang. Il fait partie de notre corps maintenant. Les personnes en charge de protéger la santé publique doivent maintenant faire leur travail et chercher la vérité sur ce produit, sans être influencées par ces grandes entreprises, comme Monsanto. Je n’ai pas réalisé, au début, ce que cela impliquait de mener une telle procédure judiciaire. Mais je n’ai aucun regret de l’avoir fait. Je ne veux voir personne d’autre souffrir, comme mon mari a souffert à cause du Roundup.»
Photo Yuri Van Geenen
Sabine Grataloup : «Nous avons longtemps crié seuls dans le désert»
«Théo est né il y a dix ans avec de graves malformations de l’œsophage et du larynx. Il subira sa 52e opération fin octobre. Nous portons plainte [l’arbitrage entre civil et pénal est en cours, ndlr] contre les fabricants d’herbicides à base de glyphosate, dont Monsanto, impliqués dans ses malformations. Quand j’ignorais être enceinte, j’ai désherbé ainsi notre carrière d’équitation car une publicité vantait l’innocuité du produit. Or, c’est à ce stade clé que l’œsophage et la trachée se forment chez le fœtus. Les chirurgiens nous ont dit que les études pouvant expliquer le cas de Théo pointaient vers les pesticides, mais qu’aucun lien direct n’avait pu être établi. Un an après, j’ai fait le rapport avec le glyphosate. Puis d’autres études ont appuyé ces soupçons. Et la journaliste Marie-Monique Robin a mis en évidence les liens entre glyphosate, cancers et malformations.
«Nous avons longtemps crié seuls dans le désert, alerté en vain Sarkozy et ses ministres. Mais quand j’ai témoigné au «Tribunal Monsanto» [un procès citoyen non reconnu avec de vrais juges et de vraies victimes], j’ai vu que beaucoup de familles étaient concernées. Et j’ai vu comment les industriels manœuvrent pour faire pression sur les politiques et les scientifiques. Théo devra faire face toute sa vie aux conséquences de son exposition in utero à un produit qui n’aurait pas dû être sur le marché. Il est essentiel que cela n’arrive pas à d’autres et que les politiques aient le courage d’agir.»
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