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«Joint électronique»: Vapoter du CBD, une molécule dérivée du cannabis, peut-il rendre accro?

Un homme vapotant une cigarette électronique (illustration).

Un homme vapotant une cigarette électronique (illustration). — ALCALAY SARAH/SIPA

  • L’apparition en vente libre de liquides pour cigarettes électroniques à base de CBD, une molécule extraite du cannabis, rencontre un franc succès auprès d’un nombre grandissant de consommateurs.
  • L’explosion de la consommation de ce produit dérivé du cannabis, auquel vendeurs et consommateurs prêtent de nombreuses vertus, pose de nombreuses questions en matière de santé et de risque addictif.
  • Mais aujourd’hui, le CBD est dans un flou juridique total.

Le plaisir et la détente… sans la défonce ni l’odeur. C’est la promesse du CBD. Trois petites lettres pour désigner le cannabidiol, molécule extraite du cannabis et petit frère moins connu et moins puissant du THC (Tétrahydrocannabinol), le principe psychoactif de la plante. Facile à se procurer et (à peu près) légal, le CBD compte de plus en plus de discrets adeptes. Selon eux, le CBD détendrait, calmerait angoisses et coups de stress et atténuerait les insomnies. Mais de son côté, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rappelle que la commercialisation de e-liquide contenant du CBD est interdite. Alors, produit miracle ou drogue potentiellement addictive ?

« Ça détend, ça aide à dormir et on n’a pas les yeux explosés »

Véronique, qui « fume un petit » pète « de temps en temps » avec son mari, a testé le CBD pour la première fois il y a à peine un mois et demi en se demandant s’il pourrait remplacer ses joints occasionnels. « Un ami américain m’en avait parlé il y a quelques années mais à l’époque, ça ne me parlait pas du tout, se souvient-elle. Jusqu’à il y a quelques semaines, avec une collègue, on se baladait dans un marché et un vendeur de e-liquides à base de CBD y tenait un stand. Après lui avoir posé plein de questions, on s’est dit qu’on allait tester ».

Investissement : « 45 euros pour une petite fiole dosée à 300 mg ». Après avoir aussi acheté une e-cigarette dédiée au CBD, Véronique, qui vapote par ailleurs, a senti dès la première utilisation un effet de détente. « Le CBD a les mêmes effets sur le corps que l’herbe, mais sans la défonce, c’est beaucoup plus soft : on n’est pas complètement mou après en avoir vapoté », décrit-elle. « C’est très doux, confirme sa collègue Caroline, ça détend, ça aide à dormir et on n’a pas les yeux explosés après coup. C’est ça que j’aime bien aussi, c’est discret d’autant que ça ne sent rien, il n’y a pas d’odeur, à la différence d’un joint ».

Pas de recul sur les vertus supposées du CBD

Convaincue de ses vertus thérapeutiques, Véronique « conseille le CBD aux collègues un peu stressés ou sujets aux maux de tête » : « ça soulage : j’ai lu que ça joue sur les syndromes dépressifs, les angoisses ou encore les insomnies », énumère-t-elle. Elle estime par ailleurs que pour elle, qui en a un usage récréatif, « le CBD ne remplacera pas le cannabis, mais pour quelqu’un qui voudrait arrêter, c’est un bon compromis ».

« Les vendeurs de CBD en vantent les vertus, les consommateurs aussi, mais le fait est que l’on ne sait pas grand-chose. Le CBD est-il un bon substitut au fait de fumer du cannabis ? Je n’en sais rien, peu d’études ont été menées, donc rien ne permet de l’affirmer », répond le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue à l’hôpital de la Salpêtrière, défenseur du vapotage et auteur de l’ouvrage Le plaisir d’arrêter de fumer (éd. First).

« Ce que l’on sait, c’est que le CBD est peu toxique et n’a pas l’effet stupéfiant du THC : il ne se fixe pas sur les principaux récepteurs cannabinoïdes (CB1 et CB2) et aurait donc un faible pouvoir addictogène, ajoute-t-il. On sait aussi que le CBD a un effet myorelaxant et calmant, il entre dans la composition du Sativex (qui contient également du THC), un médicament adressé aux patients souffrant de sclérose en plaques ». Autre point relevé par le pneumologue : « Le cannabis est moins addictif que le tabac, compare-t-il, et en termes de toxicité pure, le CBD est moins nocif que la nicotine ».

« On peut craindre un risque potentiel d’addiction »

« A ce jour, il est scientifiquement établi que dans le cannabis, le principe actif, addictif et psychotrope, c’est le THC, qui a par ailleurs des propriétés thérapeutiques (antiémétique, stimulateur d’appétit, etc.). Les autres cannabinoïdes – on en recense environ 480-, on ne connaît pas vraiment leurs effets, confirme le Dr Dan Velea, psychiatre addictologue à Paris. Toutefois, des études menées notamment en Suisse sur des produits dérivés du chanvre, dont le CBD, rapportent que les autres cannabinoïdes n’ont pas vraiment de potentiel addictif. Mais ce qui ce qui pose problème, c’est l’ouverture des récepteurs cannabinoïdes, qui sont quand même stimulés, et ce point laisse craindre le risque potentiel d’addiction », poursuit-il.

L’addictologue, qui reçoit des patients fumeurs de cannabis et consommateurs de CBD, appelle à la prudence. « On pourrait tout à fait découvrir que le CBD peut être un bon palliatif au cannabis pour ceux qui en fument, mais aujourd’hui, rien ne nous permet de l’affirmer, ou de l’infirmer. C’est pour cette raison que je dis à mes patients qui m’interrogent que l’on n’en sait trop peu sur ses effets pour l’instant, d’où la nécessité de mener rapidement des études spécifiques sur le CBD ».

Un flou juridique

Ce flou thérapeutique -faute d’études scientifiques faisant consensus sur la question- se double par ailleurs d’un flou juridique. Si l’on ne dispose pas de chiffres officiels, les ventes de CBD ont suffisamment bondi pour booster l’offre en ligne mais aussi dans certaines boutiques, notamment de la capitale. Et si le CBD n’est pas expressément illégal, il n’est a priori pas légal non plus.

« Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la vente de CBD est interdite, pour le ministère de la Santé, l’heure est à la réflexion sur le statut à donner à ce produit et de son côté, l’agence internationale antidopage a déclassé le CBD, le retirant de la liste des substances dopantes, détaille le Pr Dautzenberg. Mais dans tous les cas, il faut sortir du flou juridique qui entoure le CBD : l’ANSM, le ministère de la Santé et le gouvernement doivent accorder leurs violons sur cette question ».

« Prendre la décision de commercialiser le CBD sans recul scientifique me semble hasardeux », hésite le Dr Velea. Mais pour le Pr Dautzenberg, cette légalisation de fait, sans réflexion, n'est pas non plus acceptable, et la solution globale à cette problématique serait de légaliser le cannabis. « A partir du moment où un produit devient l’objet d’une consommation massive, il faut réglementer, encadrer et informer, argumente-t-il. Depuis la loi Evin, la consommation de tabac a diminié de moitié quand, dans le même temps, celle de cannabis a explosé de plus de 60%! Si l'on découvre que le CBD est un moyen de réduire la consommation de cannabis, donc de THC addictif et psychoactif, alors c'est tant mieux. Mais pour y parvenir, ou non, il faut des études, une réflexion et une règlementation, pas moins ».

« Pour l’instant, le prix assez élevé du CBD dissuade les jeunes qui ne fument "pas encore" de cannabis de commencer en vapotant ce cannabidiol, estime le tabacologue. Mais la légalisation de sa commercialisation éviterait le grand vide et le grand n’importe quoi, notamment sur l’étiquetage de ces produits. Si la commercialisation des produits à base de cannabis est légale, cela permet d’en contrôler la composition et de fournir un tas d’éléments d’information aux consommateurs, cela permet d’éviter de lire que c’est bon pour la santé, et d’écrire que les jeunes et les femmes enceintes doivent s’en tenir à l’écart ».

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