Utilisé à haute dose et en continu, cet anti-inflammatoire non stéroïdien perturbe la production de testostérone chez l’homme.
Chaque année, quelque 18 millions de boîtes d’ibuprofène s’écoulent en France. Efficace pour soulager les maux de dents ou les maladies rhumatismales, cet anti-inflammatoire disponible sans ordonnance sous des marques comme Advil ou Nurofen est aussi très apprécié des sportifs. Ils l’utilisent à haute dose pour prévenir l’apparition des courbatures et améliorer leur récupération. Un usage préoccupant car l’ibuprofène induit un déséquilibre hormonal chez l’homme pouvant altérer la fertilité, révèle une étude franco-danoise publiée dans les Comptes rendus de l’académie américaine des sciences (PNAS).
«De toutes les molécules que j’ai testées, l’ibuprofène est la plus efficace pour provoquer des déséquilibres hormonaux à la fois chez l’adulte et le fœtus»
«De toutes les molécules que j’ai testées, l’ibuprofène est la plus efficace pour provoquer des déséquilibres hormonaux à la fois chez l’adulte et le fœtus», lance Bernard Jégou, coordinateur de ces travaux et directeur de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset, Rennes). Avec son équipe, il a déjà démontré cet effet perturbateur endocrinien chez la femme enceinte. Leurs travaux parus l’an dernier ont mis en évidence un risque de non-descente des testicules multiplié par 4 ou 5 chez les fœtus exposés à de l’ibuprofène pendant au moins deux semaines lors des deux premiers trimestres de la grossesse. L’aspirine et le paracétamol présentent également des risques non négligeables. Ce risque est même multiplié par 16 quand les trois produits sont pris pendant la grossesse. En cause: une perturbation hormonale qui bloque la production de la testostérone.
Un effet retrouvé par les chercheurs franco-danois chez 31 coureurs non professionnels âgés de moins de 35 ans habitués à prendre ce médicament. Lors de cet essai clinique randomisé en double aveugle, une moitié a pris 1200 mg d’ibuprofène par jour pendant six semaines, tandis que l’autre a pris un placebo.
Au bout de seulement 14 jours, les chercheurs ont constaté une forte hausse du taux d’hormone hypophysaire (LH), qui influence la production de testostérone, chez les participants qui ont pris l’anti-inflammatoire. En revanche, la production de l’hormone masculine est restée stable. «Ceci est le signe d’un hypogonadisme compensé. Les testicules qui peinent à produire la testostérone sont hyperstimulés par l’hypophyse pour maintenir le taux de testostérone», explique le chercheur. Ce déséquilibre hormonal est habituellement rencontré chez 10 % des hommes âgés. Chez ces derniers, l’hypophyse se fatigue au fil des ans et inévitablement le taux de testostérone chute.
«Ces effets s’installent très rapidement et sont maintenus pendant plusieurs semaines, alors vous imaginez les risques encourus par les sportifs sur toute une saison ou toute une carrière»
Si l’essai chez les sportifs n’a pas permis de montrer cette évolution, l’impact sur la production de l’hormone masculine est confirmé sur des fragments de testicules humains exposés à des fortes doses d’ibuprofène. Les tests menés en laboratoire montrent aussi des effets délétères sur la production d’autres hormones testiculaires participant notamment à la production des spermatozoïdes.
«Ces effets s’installent très rapidement et sont maintenus pendant plusieurs semaines, alors vous imaginez les risques encourus par les sportifs sur toute une saison ou toute une carrière? On risque d’altérer leur santé physique, reproductive mais aussi psychologique», souligne Bernard Jégou.
À ce stade, les conséquences sur le long terme d’une prise continue et élevée d’ibuprofène ne sont pas connues. Ils ignorent, en particulier, si les effets sont réversibles. «À la lumière de ces résultats, on se demande si ces effets sont observés avec d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens, relève le Pr Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’université de Bordeaux qui n’a pas participé à ces travaux. Des millions de personnes en France utilisent l’ibuprofène pour soulager leurs rhumatismes, il serait intéressant d’étudier des cohortes de ces patients pour savoir si des effets similaires sont retrouvés.»
Les deux spécialistes se veulent toutefois rassurants. Ils insistent sur le fait que les bénéfices sont bien plus importants que les risques pour les malades qui ont besoin de ce médicament au quotidien.
En revanche, «l’usage préventif chez les sportifs n’a aucun sens, martèle Bernard Jégou. En plus d’être inutile, il les expose à des risques rénaux, cardiovasculaires et d’hémorragies digestives».
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