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Vers un test sanguin universel pour détecter précocement le cancer

C'est le "Graal" de la recherche sur le cancer qui pourrait être atteint : des chercheurs ont mis au point un test sanguin capable de détecter précocement les tumeurs en examinant l'ADN et les protéines du cancer dans le sang. Appelé CancerSEEK, ce nouveau test a donné un résultat positif dans environ 70% des cas sur huit types de cancers communs chez plus de 1.000 patients. Ces résultats, publiés le 18 janvier 2018 dans la revue Science, ont été obtenus par une équipe de chercheurs de l'Université Johns Hopkins à Baltimore aux Etats-Unis. L'équipe, qui demande des brevets sur CancerSEEK, estime le coût à moins de 500 dollars par échantillon. "C'est un montant très intéressant", explique à Science le pathologiste moléculaire Anirban Maitra du MD Anderson Cancer Center à Houston, au Texas, car il se situe dans la gamme des autres tests de dépistage du cancer tels que la coloscopie.

Le cancer résulte de mutations dans l'ADN de cellules du corps et qui leur confèrent notamment la capacité de proliférer hors de tout contrôle du système immunitaire. "Pour de nombreux cancers chez les adultes, il faut de 20 à 30 ans" pour que les cellules cancéreuses se répandent dans le corps, créant ce que l'on appelle des métastases, et faisant évoluer la maladie "vers un stade avancé", précisent les auteurs. Selon eux, "la majorité des cancers localisés peuvent être guéris par la chirurgie seule", ce qui n'est quasiment plus le cas une fois que le stade métastatique est atteint. "Un objectif majeur de la recherche sur le cancer est donc la détection des cancers avant qu'ils ne se métastasent à des sites distants", expliquent-ils, l'idée étant que plus le cancer est diagnostiqué précocement, plus grandes sont les chances de rémission.

Des tests sanguins pour détecter le cancer, une course à l'innovation

Lorsqu'elles meurent, les cellules cancéreuses répandent une partie de leur ADN muté dans le sang. Jusqu'à maintenant, des chercheurs avaient montré que des analyses de sang pouvaient ainsi révéler la sensibilité d'un cancer avéré à un traitement spécifique. Mais la détection de l'ADN libéré par les tumeurs au stade précoce est encore difficile car dépasse souvent la limite de détection des technologies précédemment évaluées, avec "moins d'1 molécule par mililitre de plasma" expliquent les inventeurs de CancerSEEK. C'est pourquoi des sociétés telles que Grail, lancée en 2016 par le géant du séquençage Illumina et qui a mobilisé un milliard de dollars d'investissement, s'appuient sur une approche big data, qui consiste à séquencer des centaines de gènes chez des milliers de patients cancéreux à la recherche d'un ensemble de marqueurs ADN définitifs.

Mais les chercheurs et collaborateurs de l'Université Johns Hopkins ont constaté que l'amélioration du taux de détection diminuait quand ils ajoutaient trop de gènes à leur test. "Plus vous analysez les bases de l'ADN, plus vous êtes capable de trouver des mutations, mais finalement vous atteignez un point de rendements décroissant", explique Joshua Cohen, un des chercheurs, à Science. Ils ont donc réduit leur test à la détection de seulement 16 gènes souvent mutés dans différents cancers et 8 protéines caractéristiques de types spécifiques de cancer. Le résultat était un panel hautement sélectif et relativement petit de marqueurs d'ADN et de protéines permettant "non seulement d'identifier la présence de cancers relativement précoces mais aussi de localiser l'organe d'origine de ces cancers", d'après les auteurs. Ces résultats pourraient placer l'équipe de chercheurs de l'Université Johns Hopkins, menée par Nickolas Papadopoulos, en tête dans la compétition en cours pour commercialiser un test sanguin universel de dépistage du cancer.

Le cancer était détecté dans 33 à 98 % des cas selon le type de cancer

Le test a été évalué chez 1.005 patients atteints de cancers non métastatiques de stade I à III de l'ovaire, du foie, de l'estomac, du pancréas, de l'œsophage, du colorectum, du poumon ou du sein, responsables de 60% de la mortalité par cancer aux Etats-Unis. Résultat : la capacité à détecter un cancer était de 70% et variait d'un maximum de 98% pour le cancer de l'ovaire à un minimum de 33% pour le cancer du sein. Pour les cinq cancers dépourvus de tests de dépistage parmi les huit examinés - cancers de l'ovaire, du foie, de l'estomac, du pancréas et de l'œsophage - la sensibilité variait de 69% à 98%. Une autre difficulté à surmonter était d'identifier, à partir du test sanguin, l'organe touché par la tumeur. En effet, il arrive souvent que "les mêmes mutations géniques conduisent à plusieurs types de tumeurs", exposent les chercheurs. C'est là que les protéines également détectées par CancerSEEK sont intéressantes. "Etant donné que les mutations (…) ne sont généralement pas spécifiques à un tissu, la grande majorité des informations de localisation proviennent de marqueurs protéiques", expliquent les auteurs. Grâce à ce petit coup de génie, CancerSEEK a aussi pu réduire à deux sites possibles l'origine du cancer chez 83% des patients. Le site précis a même pu être prédit dans 39% des cas pour les cancers du poumon (score le plus faible) et jusqu'à 84% des cas pour les cancers colorectaux.

FAUX POSITIFS. Le test a rarement trouvé un cancer qui n'était pas là. Seulement 7 des 812 (soit moins de 1%) des témoins en bonne santé ont été testés positifs. "Les nouveaux tests sanguins pour le cancer doivent avoir une très grande spécificité, dans le cas contraire, trop de personnes en bonne santé recevront des résultats positifs, ce qui entraînera des procédures de suivi inutiles et de l'anxiété", exposent les auteurs. Maitra et d'autres soulignent cependant des mises en garde. L'une est que les protéines liées au cancer utilisées par le test reflètent les lésions tissulaires et peuvent également apparaître chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires telles que l'arthrite. Cela signifie que le taux de faux positifs de 1% sera probablement plus élevé dans les populations moins saines, note à Science le chercheur en protéomique Lance Liotta de l'Université George Mason de Manassas, en Virginie.

Encore du chemin à faire pour une détection suffisamment précoce

Les 1.005 patients examinés avaient déjà des symptômes de cancer, ce qui signifie qu'ils étaient déjà à un stade relativement avancé. CancerSEEK ne fonctionnera probablement pas aussi bien chez les patients asymptomatiques dont les tumeurs plus petites peuvent perdre moins d'ADN, estime le Dr Anirban Maitra auprès de l'AFP. Dans l'étude, "la sensibilité pour les cancers au stade le plus précoce (stade I) était la plus élevée pour le cancer du foie (100%) et la plus faible pour le cancer de l'œsophage (20%)". Au final, le test a détecté 43% des cancers très précoces de stade 1. L'équipe de Johns Hopkins pense que Cancer-SEEK est prêt à être testé comme outil de dépistage. "Un test ne doit pas être parfait pour être utile", affirme Papadopoulos à Science.

Pour ceux qui ont eu deux tests positifs, l'étape suivante sera l'imagerie pour trouver la tumeur. Mais cela soulèvera d'autres questions : le test détectera-t-il de petites tumeurs qui ne grossiront jamais assez pour causer des problèmes et qui seront traitées de toute façon, à un coût, à un risque et à une anxiété inutile pour le patient ? Papadopoulos pense que le problème est gérable parce qu'une équipe d'experts évaluera chaque cas. "Le problème n'est pas un surdiagnostic, mais un surtraitement", précise-t-il à l'AFP.

UNE ETUDE EN COURS. En collaboration avec Johns Hopkins, le Geisinger Health System en Pennsylvanie a déjà commencé à utiliser CancerSEEK sur des échantillons de sang de femmes volontaires âgées de 65 à 75 ans qui n'ont jamais eu de cancer. L'étude de 50 millions de dollars sur cinq ans, qui vise jusqu'à 50.000 femmes, est financée par un groupe philanthropique privé, la Fondation Marcus.

Avec AFP

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