Faut-il ou non, prescrire du baclofène à fortes doses aux personnes alcooliques ? Le 24 avril, un comité d’experts missionné par l’Agence du médicament a jugé l'efficacité du médicament "cliniquement insuffisante" dans le traitement de l'alcool-dépendance. Dans cet avis rendu public, le comité estime que ce décontractant musculaire présente "un risque potentiellement accru de développer des événements indésirables graves (y compris des décès, NDLR) en particulier à des doses élevées" et que cela peut conduire "à considérer que le rapport bénéfice-risque est négatif".
L'ANSM statuera "au plus tard à la rentrée"
Prescrit à cet effet depuis 2014 dans le cadre d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait publié une étude coréalisée par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et l’Inserm, concluant que le niveau de sécurité du médicament était "préoccupant" lorsqu’il est utilisé à fortes doses chez les personnes alcooliques. Dans la foulée, l’ANSM réduit la dose de prescription à 80 mg par jour, contre 300 mg auparavant "compte tenu du risque accru d’hospitalisation et de décès".
Mais il y a un an, le laboratoire Ethypharm a fait une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) afin de commercialiser le baclofène dans le traitement de l'alcoolisme de façon officielle et définitive. L'étude du comité d'expert missionné par l'Agence du médicament était la première étape du processus. La prochaine sera une commission temporaire mêlant experts et associations de patients les 3 et 4 juillet. L'ANSM statuera "au plus tard à la rentrée" de septembre sur cette question, a indiqué son directeur général, Dominique Martin, mais elle "attend d’avoir l’ensemble des avis – sociétés savantes, associations de patients et experts de la commission – avant de se prononcer et de prendre sa décision d’AMM".
La saisie du conseil d'Etat
La controverse autour de ce médicament dure depuis plusieurs mois. Une patiente a saisi le conseil d’Etat le 24 janvier pour réclamer le droit de prescrire du baclofène à fortes doses aux personnes alcooliques. "Il y a une vraie urgence : 40 000 personnes sont en danger immédiat de rechute dans leur addiction à l’alcool", a déclaré son mari Thomas Maës-Martin, fondateur du collectif Baclohelp cité par Ouest France. Deux recours ont été déposés : l’un en annulation pour contester l’interdiction et l’autre pour demander sa suspension en urgence.
"Bien sûr, il y a des effets secondaires au début d’ordre psychiatrique essentiellement, concède Thomas Maës-Martin, raison pour laquelle ce médicament doit être donné par des médecins compétents. Mais ça passe au bout de trois mois et le baclofène peut sortir des gens de 30 ans d’alcoolisme en quelques mois". Mais le Baclofène est-il réellement efficace dans le sevrage des personnes dépendantes à l’alcool ?
Baclofène, un placebo ?
L’étude ALPADIR publiée dans Alcohol and Alcoholism en mai 2017, a démontré que le baclofène ne provoque pas de différence majeure par rapport à un placebo. 320 adultes alcooliques ont été recrutés dans les services d’addictologie français. Du Baclofène a été prescrit à la moitié d’entre eux, tandis que les autres volontaires ont reçu un placebo. Il a été observé après six mois de traitement que la molécule avait une faible efficacité : 12 % des patients sous médicament n’ont pas consommé d’alcool pendant 20 semaines consécutives, contre 10,5 % dans le groupe placebo.
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