
Le virus Usutu sera-t-il le prochain Zika ? “C'est vrai qu'il coche un peu toutes les cases”, reconnaît Yannick Simonin. Enseignant-chercheur à l'Inserm et l'université de Montpellier (Hérault), il vient de rapporter le premier cas en France d'infection humaine par le virus Usutu. Comme bien d'autres, cet agent pathogène émergent identifié en 1959 en Afrique australe, au Swaziland, n'a jamais beaucoup fait parler de lui et n'a donc été que très peu étudié jusqu'à présent. “C'est la même chose qu'avec le virus Zika : tant que ces agents circulent sans déclencher de réels problèmes sanitaires, on s'y intéresse peu, explique Yannick Simonin. Mais Zika nous a appris qu'il fallait être vigilant.” Et ce n'est pas le cas français qu'il rapporte dans Emerging Infectious Disease (une revue des Centres de contrôle des maladies américains) qui dira le contraire.
Une paralysie faciale due au virus Usutu
Tout a commencé en 2015 après le constat d'une importante mortalité affectant les oiseaux autour du Rhône. Les analyses montrent que nombre de ces volatiles sont infectés par Usutu. Dans le même temps, des prélèvement de moustiques sont réalisés sur 7 sites différents en Camargue avec le concours de l'Institut Pasteur et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Le virus Usutu est en effet connu pour être transmis par la piqûre du moustique le plus commun en France, Culex pipiens. “Nous ne nous attendions pas vraiment à trouver le virus Usutu étant donné qu'il était encore considéré comme rare en Europe. Mais à notre grande surprise, tous les sites testés se sont révélés positifs. Et nous avons découvert un taux important de moustiques porteurs. Le virus qui est ressorti comme très très présent, c'est Usutu.” Or si le pathogène est répandu chez les petits oiseaux (essentiellement les merles, moineaux, mésanges...) et qu'il se retrouve aussi chez les moustiques communs, il est probable qu'il infecte également l'homme.
En 2017, l’équipe de Yannick Simonin décide d’en avoir le cœur net : “Nous avons fait une analyse rétrospective en récupérant des échantillons de liquide céphalo-rachidien de patients hospitalisés aux CHU de Nîmes et de Montpellier pour un screening en PCR.” Une technique qui permet de déceler des agents pathogènes à partir de fluides corporels. Les chercheurs retrouvent la trace du micro-organisme dans les prélèvements d’un patient âgé de 39 ans. Celui-ci avait été admis en novembre 2016 au service de neurologie de Montpellier pour une soudaine paralysie faciale. “Le côté droit de son visage ne pouvait plus bouger. Il avait des fourmillements dans tous le corps, surtout du côté droit, et de petits déficits moteurs”, explique Olivier Sillam, le neurologue qui l’avait pris en charge à l'époque. IRM, analyses sanguines, tests divers... Après une batterie d’examens, le patient sort de l’hôpital au bout de trois jours sans diagnostic précis, puis les symptômes finissent par disparaître.
Le virus Usutu circule activement
D’autres personnes ont-elles déjà pu être infectées par le virus Usutu ? “On n’en sait rien parce qu’on ne cherche pas, explique Yannick Simonin. Mais avec les arbovirus comme Usutu, au sein d’une population infectée, il y a une proportion importante de personnes qui ne présentent aucun symptôme.” En Europe, quelques cas avaient déjà été décrits : 10 en Italie, 3 en Croatie... “En Allemagne, en 2012, un donneur de sang a été identifié comme porteur du virus”, rappelle Yannick Simonin. S’il n’y a pas encore lieu de s’alarmer, il s’agit de garder le virus à l’œil. “Ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui, c’est que le virus circule activement. Et il est d’ailleurs à l’origine d’une mortalité aviaire importante dans certaines zones. On a même recensé des décès dans des zoos, y compris des rapaces. Cela donne une indication.” Reste à mieux savoir aussi d’où il vient : “Les petits oiseaux migrateurs venus d’Afrique sont les suspects n°1, mais le réservoir n’a pas été formellement identifié. Les chauves-souris, qui sont de véritables sacs à virus, ou certains rongeurs pourraient aussi y contribuer.”
Avec cette présence de plus en plus importante du virus, et en considérant que son vecteur — le moustique Culex — est abondant en Europe, il importe maintenant de mieux comprendre Usutu. “Comme tous les virus à ARN, il mute rapidement, car il se produit beaucoup d’erreurs dans la réplication de cette information génétique. Ce qui maximise le risque de voir surgir une mutation qui confère un avantage sélectif au micro-organisme, détaille Yannick Simonin. C’est ce qui est arrivé au virus Zika en 2013 avec une mutation responsable des malformations congénitales observées durant l’épidémie de 2015-2016. “Nous avons déjà trouvé deux souches différentes dans les résultats des prélèvements de moustiques réalisés en Camargue en 2016 et que nous publirons dans les prochains jours.” Par ailleurs, il s’agit d’étudier le tropisme du virus, “sa capacité à infecter de préférence tel ou tel type de cellules”. “Or on lui trouve un tropisme neuronal très important qui laisse penser qu’il peut être à l’origine d’atteintes neurologiques”, explique le chercheur.
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/qu-est-ce-que-le-virus-usutu-transmis-par-un-moustique-et-qui-a-infecte-pour-la-premiere-fois-un-homme-en-france_124993Bagikan Berita Ini
0 Response to "Qu'est-ce que le virus Usutu qui a infecté pour la première fois un homme en France ?"
Post a Comment