Sur le pourtour méditerranéen français, un département public, l’EID (l’Entente Interdépartementale de Démoustication méditerranéenne), s’occupe depuis près de 60 ans de gérer les populations de moustiques pour éviter toute nuisance pour les touristes. Il fait de la démoustication ciblée et avec des produits qui respectent la biodiversité.
Depuis 15 ans, il fait aussi face à une nouvelle invasion, celle du moustique Tigre. Son savoir-faire dépasse les frontières.
Nous décidons de partir dans le sud de la France, pour rejoindre une équipe de l’EID sur le terrain, précisément dans ce que l’on appelle "la petite Camargue", à une trentaine de kilomètres de Montpellier.
Le Grau du Roi, Aigues mortes, la Grande Motte, ce sont quelques-uns des lieux de vacances dans lesquels nous sommes nombreux à nous rendre chaque été. Lovés entre les plages de la Méditerranée, le delta du Rhône et les marais de l’ouest de la Camargue, l’endroit est idyllique à un détail près, c’est aussi un nid à moustiques.
"Vous voyez cette végétation à salicornes basses, c’est un milieu très favorable aux moustiques", nous lance Didier Caire, un des 150 agents permanents de démoustication qui gère un territoire de plus de 300.000 hectares.

Priorité à la démoustication des espèces locales
Didier Caire connaît parfaitement cette zone et les endroits où habitent les moustiques, surtout les deux espèces les plus gênantes pour les humains, "Aedes Caspius" et "Aedes Detritus".
L’agent nous montre la carte de la végétation spécifique, et les endroits où on a le plus de chance de les trouver : "Vous voyez en rouge, en rose et en mauve, les endroits prioritaires et en bleu et en jaune, les endroits secondaires peu productifs en moustiques et que l’on ne visite qu’exceptionnellement."
Traitements biologiques et ciblés
Depuis 60 ans, ces agents spécialisés ont acquis une solide expérience en matière de démoustication. Aujourd’hui, il n’est plus question d’utiliser massivement des insecticides pour éradiquer les moustiques, il faut plutôt les traquer de manière très ciblée en ne traitant que les endroits à risques où l’on a repéré des larves. "Les œufs sont pondus sur le sol et quand il y a une mise en eau, comme la pluie de ces deux derniers jours, les œufs éclosent et cela donne des larves de moustiques. Là, c’est très court, nous avons trois ou quatre jours entre le moment de la larve et l’émergence du moustique qui prend son envol. Il faut faire vite", précise Didier Caire.
L’équipe très mobile peut aller, grâce à un petit engin tout-terrain, dans quasi tous les sentiers qui sillonnent les marais. Le produit utilisé est un biocide, "le bacille de Thuringe", un insecticide biologique que la larve du moustique doit, en fait, ingérer. "Il n’a donc pas d’effet toxique sur l’environnement, ni sur les autres animaux, ni même sur les insectes voisins des moustiques et évidemment pas sur les mammifères et donc pas sur l’homme", explique Didier Caire.
Mais parfois, les lieux d’épandage sont plus étendus ou difficiles d’accès. Alors, ce sont des pilotes qui prennent le relais. Ces pilotes chevronnés, spécialisés dans l’épandage aérien, viennent parfois en aide aux pompiers lors d’incendies. Depuis quelques années, ils participent, eux aussi, à la démoustication.
Hugo Ménard, l’un de ces pilotes, insiste sur la précision du largage. "Nous avons un système GPS complet qui est dédié au traitement et qui permet, grâce à des codes couleurs, de voir où nous sommes passés et où nous devons encore passer. Notre viseur permet d’être très précis, de l’ordre de quelques centimètres, à très basse altitude."

Le moustique Tigre et les labos confinés
Nous prenons la direction du laboratoire confiné du département de démoustication. Pour y entrer, il faut montrer pattes blanches, sas sécurisés et douche d’air pour éviter que les insectes invasifs du labo ne s’échappent dans la nature. Il est vrai que les scientifiques de l’EID élèvent et étudient dans ces labos, le moustique Tigre. Depuis 15 ans, ces moustiques exotiques ont, eux aussi, pris leur quartier dans cette zone et ils sont très invasifs et très agressifs.
Grégory L’Ambert, entomologiste et responsable de la Cellule Méthodes et Recherche nous le confirme. "Il y a 15 ans, le moustique Tigre était retrouvé dans un petit jardin à Menton, à la frontière italienne. 15 ans plus tard, il est présent dans 51 départements français, d’Est en Ouest, il est présent en Alsace, mais aussi en Île de France. C’est sûr, il arrivera et s’installera en Belgique."
Chasser le moustique Tigre, c’est lui couper l’eau
C’est un moustique potentiellement dangereux pour l’homme, il peut transmettre des maladies comme le Chikungunya, la Dengue ou Zika. Mais cela ne sert à rien d’utiliser l’avion pour des épandages car ses habitudes de vie sont très différentes de celles de nos moustiques autochtones.
Grégory L’Ambert veut donc mettre les points sur les "I". "Ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Les locaux se développent dans les marais en zone rurale, et l’on va voir des millions de larves se développer en même temps, le moustique tigre va se développer dans des endroits urbains, proches de l’homme, et là ce sont de tout petits gîtes mais très nombreux avec quelques larves seulement (..) une fois installé, il ne se déplace pas, à plus de 150 mètres de son habitat. Si ce n’est en profitant d’une voiture ou d’un moyen de transport humain. C’est la mondialisation qui est à l’origine de sa colonisation chez nous."
Pour surveiller sa progression, l’EID a déposé 3000 pièges pondoirs dans toute la France. Mais la meilleure façon de lui barrer la route, c’est de vider, au moins une fois par semaine, tous ces récipients qui traînent et qui contiennent de l’eau stagnante, sur nos terrasses et dans nos jardins. Si nous ne voulons pas devenir, nous-mêmes, des nourrices à moustiques tigres, en leur donnant le gîte pour leurs larves, le petit seau avec un reste d’eau et le couvert, notre sang puisqu’ils nous piquent.
Reste le cas où, il y a un malade atteint par exemple de chikungunya. Là, les autorités doivent traiter le domicile et les alentours pour éviter une épidémie. Et pour le moment, avec sa surveillance, et cette stratégie, du cas par cas, la France s’en sort plutôt bien. En 2017, il y a eu 17 cas de chikungunya, alors qu’à la même période, à Rome, il y a eu une épidémie qui a touché 500 personnes.
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