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Cannabis thérapeutique. La Bretagne prête à se lancer - Le Télégramme

Un comité d’experts, créé par l’Agence du médicament (ANSM), a donné son feu vert, le 26 juin, à une phase d’expérimentation du cannabis thérapeutique sur deux ans. La création d’une filière française de production est en projet, et la Bretagne compte bien y occuper une place de choix.

Alors qu’une brèche du marché pharmaceutique s’ouvre au cannabis thérapeutique, une lutte d’influences se déroule sous les dorures des ministères. Un lobbying discret, motivé par d’énormes enjeux financiers. Imaginez : selon un calcul du Syndicat professionnel du chanvre, une légalisation du cannabis médical « serait susceptible de bénéficier à un nombre estimé à 2 311 626 patients » pour soulager leurs douleurs chroniques. Et encore, ce chiffre considérable ne tient compte que d’un nombre limité de pathologies retenues par le Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) créé par l’Agence du médicament. Celui-ci a validé, le 26 juin, le principe d’une phase d’expérimentation de deux ans. Elle pourrait débuter sous quelques mois, s’il reçoit le soutien de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

Qui produira alors les plants de cannabis nécessaires ? Qui les transformera en huiles, en solutions buvables, en capsules ? Des entreprises étrangères, au Canada ou en Israël, lorgnent déjà le potentiel marché français. Dans son Livre blanc publié le 20 juin dernier, le Syndicat professionnel du chanvre concède même qu’il faudra « s’appuyer sur des importations tout en privilégiant une production nationale croissante ».


Un lobby breton actif

Cette filière française en projet suscite des convoitises dans plusieurs régions et départements. Dans la Creuse, par exemple, où le député LREM Jean-Baptiste Moreau a pris une longueur d’avance médiatique. Le lobby breton, constitué d’élus, de cultivateurs et d’industriels régionaux, moins visible, demeure très actif. Parmi ses leaders, Paul Molac, député morbihannais du groupe Libertés et Territoires. « La filière nord-américaine est déjà très développée. Il faut structurer une même filière en Bretagne, de l’extraction à la transformation, jusqu’à la vente aux entreprises pharmaceutiques », prône-t-il. Une volonté partagée par l’association Bretagne chanvre développement : « La Bretagne a toujours été la région privilégiée pour la culture du chanvre. En 1853, on comptait 200 000 hectares cultivés et 100 000 emplois directs. Il faut renouer avec cette tradition ancestrale », martèle Pierre-Yves Normand, son président. La région bénéficierait, de plus, d’un climat idéal pour la pousse des plants : pas de fort écart de température, ni de pluviométrie. Paul Molac, lui-même ancien cultivateur de chanvre, fait l’éloge du produit : « Il ne nécessite pas de pesticides car il étouffe les autres herbes et il capte beaucoup de CO2 ». Pierre-Yves Normand avance même qu’un producteur pourrait vendre « sa matière à usage médical à 2 500 euros l’hectare ». Une somme rondelette par rapport à d’autres cultures plus traditionnelles…


Une vingtaine d’agriculteurs formés en Bretagne

« Le savoir-faire, on l’a », clame encore le président de Bretagne chanvre développement, qui affirme que l’association a formé, depuis dix-huit ans, une vingtaine d’agriculteurs à la production en plein champ, à destination, entre autres, du bâtiment. Produire du cannabis avec des taux plus forts en cannabinoïdes à intérêt thérapeutique, comme le CBD, est donc à portée de main… Il suffit d’utiliser les bonnes variétés de chanvre.

Sauf qu’aujourd’hui, un cultivateur français est noyé dans une zone grise entre des législations française et européenne différentes. « Il ne sait pas s’il a le droit de vendre ses fleurs (NDLR : elles contiennent les concentrations les plus fortes en cannabinoïdes) à des industriels. Car au-delà d’un taux de THC (substance psychotrope du cannabis) de 0,2 %, elles sont considérées comme de la drogue par la législation française », affirme Pierre-Yves Normand. L’espoir des cultivateurs bretons est qu’à l’activation de la phase d’expérimentation du cannabis thérapeutique, s’ajoutent des dérogations qui permettront la vente de ces fleurs aux industriels. « C’est la condition sine qua non pour commencer à expérimenter en France », poursuit le président de Bretagne chanvre développement.


La société morbihannaise Olmix sur les rangs

Un industriel breton a pris les devants : Olmix. Basée à Bréhan (56), cette société est spécialisée dans la valorisation des algues. « Nous disposons d’usines de bioraffinage. Or, bioraffiner de l’algue ou du cannabis, c’est à peu près le même process. D’ailleurs, nous avons déjà lancé des expérimentations. Pas en France, car, sans autorisation, on pourrait nous fermer nos usines. Mais les essais faits à l’étranger donnent d’excellents résultats », renseigne une source interne à l’entreprise.

Trouver la bonne recette médicale en fonction des pathologies n’est pas si simple, selon Pierre-Yves Normand : « On doit étudier l’ensemble des 110 cannabinoïdes de la plante. Le CBD n’est qu’un de ceux-là. D’autres ont également un intérêt thérapeutique. Aujourd’hui, seul le cannabis naturel propose ce spectre complet ». Et de conclure : « On entre dans une ère où ce sera au patient de choisir entre un produit naturel cultivé près de chez lui ou un cannabis de synthèse, venu de l’étranger, sur lequel on n’a pas encore de recul ».

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