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Pourquoi certaines patientes choisissent-elles Twitter ou Instagram pour raconter leur maladie ? - 20 Minutes

Illustration de Twitter. Certrains malades utilisent les réseaux sociaux pour partager leur histoire, s'entraider et pousser des coups de gueule. — Pixabay
  • De plus en plus de témoignages sur la maladie ou le handicap émergent sur les réseaux sociaux, en punchlines sur Twitter ou clichés sur Instagram.
  • Une façon d’informer ses pairs, de mettre en lumière une autre réalité de la maladie et de militer.
  • 20 Minutes se penche sur ce phénomène en donnant la parole à deux Twittos influentes sur les réseaux sociaux, une psychologue spécialiste des pratiques numériques et une patiente qui a monté trois réseaux sociaux fermés pour des malades.

« Sans Twitter, il est probable qu’aucun médecin n’aurait jamais trouvé ce dont je souffre », tranche Sasha, non binaire (qui ne s’identifie ni comme homme, ni comme femme), qui témoigne sur ce réseau social de son quotidien compliqué. Souffrant d’une maladie orpheline (le syndrome d'Ehlers-Danlos, ou SED) et d’un trouble de stress post-traumatique, cette personne autiste partage ses petites victoires et coups de gueule sur Twitter comme Instagram.

« J’ai également un handicap à la colonne vertébrale qui fait que je suis en fauteuil roulant… Quand on aime, on ne compte pas, et souvent c’est difficile à imaginer pour les personnes valides qu’on puisse cumuler plusieurs handicaps et/ou maladies chroniques ! », ironise Sasha. Comme cette personne, de plus en plus d’internautes témoignent de leur quotidien sur les réseaux sociaux, dévoilent en souriant leur perruque et leur cathéter, se lancent dans des eggheadchallenge

Mais pourquoi dévoiler ainsi son intimité de malade sur un réseau social aussi ouvert (et parfois violent) que Twitter ou Instagram ?

Transmettre pour se soigner

Raconter en images ou en mots ses questionnements existentiels, sa colère, ses blessures a toujours eu une vertu curative. « Il y a cette notion d’"extimité", de mettre son intime à l’extérieur, qui peut avoir un impact cathartique, analyse Vanessa Lalo, psychologue et spécialiste des pratiques numériques. Delphine Blanchard, qui a partagé un thread dimanche 18 août (retweeté 700 fois) sur sa dialyse à domicile, explique : « tu deviens acteur de tes soins. Quelque part, tu fais la paix avec la maladie en la partageant. »

« Bénéficier d’encouragements sur ces réseaux sociaux est très puissant au niveau psychologique, ajoute Laure Guéroult-Accolas, fondatrice des trois réseaux cancer du sein, du poumon et gynéco. On met en scène son épreuve, pour en faire quelque chose d’artistique, d’humoristique, de vindicatif, en fonction de sa personnalité et de son talent. »

Twitter pour les amateurs de punchlines, ou Insta pour les amoureux de selfies, demandent aussi moins d’investissement, de temps, de connaissances scientifiques et numériques que pour nourrir un blog. « J’aimerais beaucoup en faire un livre, confie Sasha. Malheureusement, j’ai très peu d’énergie au quotidien et cela représente un gros travail. Je ne pense pas que j’aurais la force nécessaire pour le faire. »

Surtout, ces plateformes ouvertes permettent de toucher un grand nombre de personnes. Si Delphine a petit à petit abandonné son blog pour s’investir sur Twitter, c’est aussi parce que « c’est plus instantané et interactif, un peu comme une place publique. Ecoute qui a envie d'écouter ». « Le livre ou le blog vont viser un public spécifique, souvent déjà converti à la cause. Sur Twitter ou sur Instagram, on va toucher des personnes qui n’avaient pas forcément cherché ces informations, confirme la psychologue Vanessa Lalo. Sur Facebook, on est plus dans l’entre-soi et les gens ne vont pas forcément se partager ce type de post. »

Faire connaître certaines maladies autrement

Avec ce côté « de l’autre côté du miroir », certains internautes espèrent faire comprendre leur ressenti, leurs besoins et quotidien. Et sur Instagram, certaines prennent à rebours l’adage d’embellir sa vie pour poster leur crâne chauve ou lit d’hôpital. Un coup de projecteur concret et humain sur certaines maladies ou traitements parfois méconnus. « Dans un livre médical ou une brochure, il peut y avoir un aspect froid », remarque Vanessa Lalo. Ces témoignages démédicalisent les soins, on met des images, on pose d’autres mots, on s’intéresse plus à la psychologie, reprend-elle. C’est beaucoup plus puissant comme transmission. »

Douleur, humiliation, victoires, l’internaute est immergé dans une vie et un parcours émotionnel auxquels il a rarement accès. « Avec l’espoir sans doute de briser le tabou de la maladie, de faire de la prévention et de rappeler qu’on peut tous être touchés », reprend la psychologue.

Entraide entre pairs

Ce genre de témoignage vise également à trouver un soutien, une entraide. Une écoute entre pairs qui peut faire sortir de la solitude et de l’isolement souvent partagés quand on est cloués au lit par une chimiothérapie ou une fatigue chronique. « Sur Instagram et Twitter, c’est encourageant de montrer des photos de la vraie vie, de la réalité de la maladie chronique et du handicap, de se soutenir mutuellement dans nos moments difficiles, partager nos petites et grandes victoires, et de l’information, assure Sasha. Le quotidien des patients malades chroniques et/ou handicapés reste très "confidentiel" et souvent entre nous. Le fait que Twitter soit un réseau public m’a permis de faire beaucoup de rencontres très enrichissantes. C’est d’ailleurs grâce à la pair-aidance que j’ai pu me faire diagnostiquer pour le SED. »

Et certaines échangent aussi des conseils pratiques. « Les patients manquent beaucoup de retour d’expérience, appuie Delphine Blanchard. Par exemple, dans mon centre, il n’y avait aucun patient dialysé à domicile. C’est une fois installée que je me suis rendue compte que c’est une organisation lourde. » Voilà pourquoi elle partage ses astuces pour détourner des applications de son smartphone pour mieux organiser ce soin en ambulatoire.

De patient, la personne devient alors conseillère, experte, partenaire, utile. « Sur un post, on ne se justifie pas, on ne répond pas aux questions, on décide ce qu’on livre, insiste la psychologue. Comme une façon de reprendre la main : ce n’est pas parce que je suis malade que je n’existe pas. Certains patients m’expliquent que sur les réseaux sociaux, personne ne sait qu’ils sont en fauteuil roulant. Dans la réalité, dès qu’on voit la maladie, soit on détourne le regard, soit on prend en pitié cette personne. Sur un réseau social, on est juste un internaute au même titre que tous les autres. » Où que l’on habite, quel que soit son parcours, on peut se faire entendre. « Alors que l’accès aux soins, aux soins de support, aux associations est plus facile à Paris qu’ailleurs en France, les réseaux sociaux se dévoilent plus démocratiques », analyse Laure Guéroult-Accolas.

Tribune pour faire avancer des causes

Twitter semble davantage servir de tribune, de porte-voix aux coups de gueule que les autres réseaux sociaux. « Facebook est moins utile dans le cadre de la militance, car c’est un cercle plus restreint », rappelle Sasha. Problème, surgir sur la timeline d’un total inconnu, qui n’a rien demandé, peut déboucher sur un échange peu courtois. Delphine Blanchard a dû faire face à un certain nombre d'attaques. « Au début, je le prenais très à cœur. Maintenant, je me dis que Twitter est une communauté, on ne peut pas être copain avec tout le monde… », philosophe-t-elle. Même topo pour Sasha. « J’ai subi énormément de violence et de harcèlement sur Twitter, du simple fait d’être une personne handicapée, ou d’oser dire que nous sommes prioritaires dans les files d’attente par exemple. Mais je prends ce risque, quand je m’en sens capable, pour continuer à mettre la lumière sur nos existences et répéter qu’on a le droit de vivre. » Si tous les combats n’aboutissent pas, certaines se félicitent d’avoir vu en quelques mois le sujet des violences médicales émerger, grâce notamment aux réseaux sociaux.

Remettre du lien

Illustration d'inclusion de personnes handicapées.
Illustration d'inclusion de personnes handicapées. - Pixabay

Cette nouvelle forme de militantisme permet aussi de recréer du lien et donc, d’améliorer les soins. « Twitter, c’est plus co-construire en partenariat avec les soignants que le blog, avance Delphine Blanchard. Cela permet de voir le contexte et les contraintes des gens… Par exemple, on peut découvrir que certains actes d’infirmières qu’on pense parfois maltraitants découlent de normes liées aux institutions. » Ce dialogue virtuel pourrait participer à une meilleure compréhension des réalités de chacun. Même espoir pour Sasha. « Je témoigne surtout pour faire comprendre et mettre en lumière notre quotidien aux personnes valides, pour qui bien souvent on n’existe tout simplement pas. Ce qui me soulage, c’est de savoir que je recevrai du soutien de la part des personnes qui comprennent ce que je vis, et peut-être ouvrir les yeux à une personne valide qui ne se rend pas compte de ce qu’on vit comme difficultés au quotidien, ou fait partie du problème… »

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