
Une étude internationale menée conjointement par 120 scientifiques, notamment de l'Institut Pasteur, a étudié l'impact de 75 composés pharmaceutiques sur le coronavirus. Certains résultats se révèlent prometteurs mais n'en restent néanmoins qu'au stade expérimental. Jean-Louis Montastruc, professeur en pharmacologie médicale au CHU de Toulouse, décrypte cette nouvelle étude.
L'étude a commencé il y a quelques mois, dès les premiers signes d’apparition de la pandémie de coronavirus. Dès le mois de janvier, le Dr Nevan Krogan, directeur du Quantitative Biosciences Institute de l’université de Californie à San Francisco (UCSF), a monté une équipe d’intervention rapide composée de nombreux chercheurs et praticiens de l’UCSF, des Gladstone Institutes, de l’Icahn School of Medicine du Mount Sinai (à New York) et de l’Institut Pasteur. Objectif : identifier des traitements potentiels du Covid-19.
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Au total, 75 composés pharmaceutiques qui sont soit en vente libre, soit prescrits sur ordonnance soit en phase de développement ont été testés. Une étape de sélection nécessaire : "Cette étape de screening est systématique et indispensable mais extrêmement préliminaire", indique Jean-Louis Montastruc, médecin et professeur en pharmacologie médicale au CHU de Toulouse, interrogé par La Dépêche sur ces travaux. "L'originalité de ce travail réside dans le fait de tester des protéines qui participent à l'infection virale, c’est-à-dire chercher des médicaments qui vont s'opposer à l'action de ces protéines." Contrairement à de nombreuses études qui se focalisent sur une approche antivirale de blocage du coronavirus.
Cette étude, publiée le 30 avril dans la revue Nature, met en évidence plusieurs molécules se révélant être des agents prometteurs dans la réduction efficace de l’infectiosité du Covid-19. "Ces scientifiques ont trouvé toute une série de molécules, mais certaines comme la progestérone, l'halopéridol et la clopérazine ne pourront pas être utilisées à cause de leurs effets indésirables", tient à préciser Jean-Louis Montastruc, spécialiste de l'évolution du médicament chez l'homme depuis plus de 40 ans.
L’effet antiviral le plus important a été observé in vitro avec la zotatitfine, actuellement en essais cliniques contre le cancer, et avec la ternatine-4/plitidepsine, approuvée par la FDA (administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments) dans le traitement du myélome multiple ; ce sont deux inhibiteurs de la traduction des protéines. L’antipsychotique halopéridol, administré dans le traitement de la schizophrénie, a également montré une activité antivirale contre le virus.
Gare au dextrométhorphane et à l'hydroxychloroquine
À l’inverse, les expériences en laboratoire ont révélé que le dextrométhorphane, un antitussif, favorisait l’infection virale. Les chercheurs appellent donc à la prudence quant à son utilisation, qui mérite, selon eux, une étude plus approfondie dans le cadre du coronavirus.
Cette nouvelle étude démontre également l'origine des effets indésirables cardiaques de l'hydroxychloroquine, qui fait déjà l'objet de multiples essais cliniques. Rien d'inédit, selon le professeur toulousain : "Le fait de démontrer que la molécule se fixe à la protéine hERG provoquant des troubles cardiaques, n'a rien de nouveau." Mais les résultats apportent une nouvelle preuve des risques associés à l’utilisation possible de cet agent pour traiter le Covid‑19.
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Testé dans un tube à essai mais pas encore chez l'homme
"Cette première étape de screening ne peut être validée que si les concentrations administrées chez l'homme sont suffisantes pour tuer le virus et ne donnent pas d'effets indésirables. À titre d'exemple, l'ivermectine, médicament antiparasitaire, est actif contre le coronavirus, mais à trop forte dose", explique Jean-Louis Montastruc. Il ajoute : "Entre le tube à essai et la démonstration de l'efficacité chez l'homme, il y a un immense fossé. Ces études ne sont absolument pas prédictives de ce qui se passe chez l'homme."
Ce qu'affirment également les chercheurs de l'étude en question : "Les chercheurs soulignent que bien que les médicaments identifiés dans l’étude soient prometteurs, ils n’ont été testés contre le virus que dans le cadre d’expériences en laboratoire. Par conséquent, ils ne préconisent à personne de les prescrire et/ou de les utiliser avant que leur innocuité et leur efficacité n’aient été confirmées par des essais cliniques."
Le Dr Krogan, à l'initiative de l'étude, précise que la prochaine étape consiste à creuser davantage l’intérêt thérapeutique des composés les plus prometteurs afin de les mener le plus rapidement possible aux essais cliniques : "Nous collaborons avec plusieurs sociétés pharmaceutiques et entreprises de biotechnologie afin d’évaluer la sécurité et l’efficacité antivirale des candidats médicaments ayant été identifiés comme prometteurs lors de nos expériences en laboratoire."
"Et si le virus mute ?"
Pour que ces candidats deviennent des médicaments et décrochent l'autorisation de mise sur le marché, de nouvelles étapes devront être validées : "Habituellement, pour le développement d'un médicament, entre la découverte de laboratoire et la commercialisation, il faut compter en général 10 ans. Pour le cas du coronavirus, la procédure serait accélérée. À la suite de cette étude, un produit pourrait être sélectionné puis soumis à des tests de toxicité chez l'animal et à des tests pharmacocinétiques qui prendront plusieurs mois, voire un an. Les premiers essais cliniques pourront alors être lancés. S'ils sont positifs, la procédure d'approbation du médicament serait elle aussi accélérée et prendrait quelques semaines", précise Jean-Louis Montastruc.
"Les applications pratiques ne sont malheureusement pas pour demain, ajoute-t-il.
Si un médicament est trouvé, il sera efficace contre le Covid-19 mais le sera-t-il s'il y a un rebond de l'épidémie ou si le virus mute ? s'interroge le spécialiste. Je n'ai pas la réponse et j'ai malheureusement l'impression que les virologues non plus."
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