"Ne pas se réjouir trop vite". Depuis mars, Juliette, 49 ans et Marie*, 33 ans, vivent "tant bien que mal" avec des symptômes en "montagnes russes". "Le matin, c’est le calendrier de l’Avent : vous vous réveillez, vous lancez les dés, vous ne savez pas ce que vous allez avoir comme symptômes dans la journée", raconte Marie*, une psychologue clinicienne de 33 ans, sans antécédent médical.
Tachycardie, difficultés respiratoires, brûlures thoraciques, troubles nerveux, phlébite… Depuis le 10 mars, où les premiers symptômes de type "grippaux" sont apparus, elle oscille entre des "jours meilleurs en ayant l’impression d’être guérie" et des "grosses rechutes inquiétantes", nécessitant une hospitalisation à deux reprises, mais sans avoir été testée.
"Rechute totale, comme au premier jour"
"Mi-avril, j’allais mieux alors mon cardiologue m’a dit de faire de l’exercice, j’ai fait du vélo d’appartement pendant 10 minutes, je me suis retrouvée clouée au lit pendant 48 heures car mon cœur battait à 150", raconte-t-elle, avec "l’impression de respirer dans une paille".
Seule et "dans l’inconnu", sa médecin généraliste lui affirmant qu’elle "somatisait", elle (@lapsyrevoltee) décide de créer le hashtag #aprèsJ20, pour "fédérer" les malades dans son cas. Des centaines de personnes, 80% de femmes assez jeunes, la contactent rapidement. C’est le cas d’Aziza, 36 ans, agent RATP en congé parental d’éducation. Très sportive et en bonne santé, elle connaît des symptômes du coronavirus (fièvre, courbatures, fatigue intense, perte d’odorat et de goût) depuis le 21 mars, avec une "rechute totale, comme au premier jour, fin avril". Elle souffre alors de migraines, puis rapidement de tachycardie avec "le cœur qui s’emballe" et "d’un essoufflement malgré peu d’efforts".
Manque d’info pr les gens qui continuent à avoir des symptômes au delà de J20. Ca serait bien de mettre en commun nos ressentis pr se sentir moins seul.e alors j’ouvre ce sondage/fil pr ceux qui galèrent encore après J20. Commentaires bienvenus
— Lapsyrévoltée (@lapsyrevoltee) April 12, 2020
Le RT est doux #COVID19 #apresJ20
"C’est la résultante du Covid"
Comme Marie, cette mère de trois enfants se sent délaissée par le corps médical. "Je suis allée plusieurs fois aux urgences et tous les médecins m’ont répété que c’était l’anxiété et psychologique", regrette-t-elle, malgré une "sérologie positive" indiquant qu’elle a été en contact avec le coronavirus SARS-CoV-2.
Selon Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), sollicité par ces patients aux syndromes persistants, "l’hypothèse forte retenue est une réaction de type inflammatoire de la machinerie du système immunitaire". "Ce n’est plus le Covid, c’est la résultante du Covid, c’est-à-dire que le système immunitaire se met en marche pour nettoyer ce virus et cela entraîne une grande fatigue", précise l’infectiologue.
D’ailleurs, plus de la moitié de ces gens aux symptômes persistants ont des tests Covid négatifs, leurs prises de sang ne montrent aucune trace d’infection et leurs scanners sont normaux, selon Benjamin Davido. De son côté, Roland Tubiana, infectiologue à la Pitié-Salpétrière (APHP), assure qu’il n’y "a pas de conclusion ni même d’interprétation sérieuses à ce stade", surtout que "beaucoup de patients n’ont pas eu de diagnostic prouvé virologiquement initialement".
Un manque de diagnostic qui plonge les malades "dans la honte". "Pour les médecins, si le symptôme n’est pas objectivable et bien c’est psychique", regrette Marie, qui réclame "un parcours de soin fléché pour qu’on ne soit pas laissé à l’abandon, qu’on nous dise ce qu’on doit faire à J25 ou J40", précise-t-elle.
L’impression "d’être comme ma grand-mère"
"Mon médecin prend symptôme par symptôme et ne réfléchit pas de manière globale, je n’avance pas", explique également Juliette, 49 ans, malade depuis mi-mars avec des symptômes "en montagnes russes" et qui habite à Cherbourg (Manche). Agent de production dans la construction de pales d’éoliennes, Juliette a tenté de reprendre son travail, "très physique", le 12 mai, pensant être "guérie".
Résultat, "au bout de trois heures ça n’allait plus du tout", "j’étais très essoufflée, il ne faut pas se réjouir trop vite". Depuis, Juliette connaît une "grosse rechute", avec de nouveaux symptômes, en plus de la fièvre et de la tachycardie. "J’ai des inflammations aux tympans et mal à la mâchoire, les médecins ne suivent plus", énumère-t-elle, avec l’impression "d’être comme ma grand-mère de 95 ans". Alors, elle vit "au jour le jour", se faisant à l’idée d’être "handicapée pendant plusieurs mois" car "souvent rappelée à l’ordre".
Selon Benjamin Davido, ces patients pourraient représenter 5 à 10% des malades du Covid-19, soit plusieurs milliers de personnes en France, affirmant que cela touche principalement des "femmes jeunes sans antécédent médical", plus sujettes à "l’anxiété" ou à une "dérégulation du système immunitaire".
* le prénom a été changé
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