Tout juste commercialisé et aussitôt retiré. Deux jours seulement après le début de la commercialisation du Baclocur en tant que seul médicament à base de baclofène autorisé pour traiter l’alcoolisme, la justice a ordonné l’arrêt des ventes, mercredi 17 juin. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ainsi donné raison à une association de patients, « Baclohelp », qui juge trop faible la dose limite imposée pour prescrire ce médicament.
En attendant une décision sur le fond, ce jugement en urgence (référé) aboutit à un retour à la situation antérieure : d’autres médicaments à base de baclofène peuvent à nouveau être prescrits aux patients alcooliques, sans obligation légale de dose limite, a expliqué le tribunal dans un communiqué jeudi. Ce dernier a justifié sa décision par le « risque de rupture de traitement » que la limitation des doses autorisées avec le Baclocur faisait courir aux patients qui prenaient auparavant des quantités plus importantes de baclofène.
« Un sursis à l’arrêt des soins leur est accordé », a, de son côté, réagi Baclohelp, en jugeant toutefois « bien imprudent de se réjouir » puisque « cette suspension est une étape technique préalable » avant la décision sur le fond.
Longue controverse
Cette suspension est une nouvelle étape dans la longue controverse entre les partisans du baclofène et les autorités sanitaires, qui mettent en garde contre ses risques. Le baclofène était autorisé dans le traitement de l’alcoolisme depuis 2014 grâce à une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Ce produit est utilisé depuis les années 1970 comme relaxant musculaire, mais son usage a peu à peu été détourné vers le traitement de l’alcoolisme.
Cet usage alternatif a explosé en 2008 avec la parution du livre Le Dernier Verre, d’Olivier Ameisen. Ce cardiologue, mort depuis, racontait dans son ouvrage comment ce médicament avait supprimé son envie de boire.
Puis, en octobre 2018, l’Agence du médicament (ANSM) avait accordé au Baclocur (laboratoire Etypharm) une autorisation de mise sur le marché (AMM) faisant de lui le seul médicament à base de baclofène autorisé contre l’alcoolisme. Cette décision était entrée en vigueur lundi avec le début de la commercialisation du Baclocur.
Précautions
Mais en accordant une autorisation de mise sur le marché au Baclocur, l’ANSM avait souligné que « ce médicament n’[était] pas anodin et [devait] être manié avec beaucoup de précautions ». En effet, si son efficacité est jugée sans équivalent par ses partisans, l’ANSM insiste sur ses risques. L’Agence s’appuie sur une étude menée avec l’Assurance-maladie. Selon elle, le baclofène à fortes doses (plus de 180 mg par jour) fait plus que doubler le risque de mort par rapport aux autres médicaments contre l’alcoolisme, et accroît de 50 % le risque d’hospitalisation.
C’est pourquoi l’ANSM avait imposé des conditions lors de sa mise sur le marché : le Baclocur ne pouvait être prescrit aux alcooliques qu’à une dose maximale de 80 mg/jour, et après échec des autres traitements. Cela avait conduit l’association Baclohelp à déposer un recours en justice, après plusieurs autres démarches similaires, notamment devant le Conseil d’Etat.
Dans sa décision, le tribunal administratif souligne par ailleurs les « insuffisances du dossier présenté par le laboratoire », qui font « naître un doute sérieux quant à la légalité » de l’autorisation de mise sur le marché dont il a bénéficié.
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