L'âge n'est pas le seul facteur pour expliquer la surmortalité depuis le Covid 19. Les conditions de vie, de travail, d'accès aux soins sont prépondérantes pour comprendre les ravages de cette pandémie dont on craint toujours le retour.
Ce constat, qui valait déjà pour la Seine-Saint-Denis, est désormais vérifié à l'échelle de l'Ile-de-France. « A âge égal, les zones les plus défavorisées ont payé le plus lourd tribut durant l'épidémie de Covid », résume Isabelle Gremy, médecin épidémiologiste et directrice de l'Observatoire régional de Santé (ORS). Comme il l'avait fait à l'échelle du 93, l'ORS a passé à la loupe toutes les intercommunalités d'Ile-de-France dont nous révélons ici le bilan contrasté.
25 700 décès en deux mois
« Jusqu'au déconfinement, l'Ile de France est de loin la première région touchée, devant Mayotte et le Grand Est » relève l'Insee dans une publication ce 30 juin. Toute cause confondue, ces décès représentent 18 % des décès au niveau national (contre 12 % en moyenne sur la même période entre 2015 et 2019).
Jusqu'à présent, seul le nombre de décès par département était disponible. Et encore, il a fallu attendre pour les obtenir. Car au départ, les décès sont enregistrés là où les défunts succombent. Le décès d'un habitant du Val-d'Oise, par exemple, dans un hôpital Parisien était comptabilisé dans comme un décès à Paris. Il a fallu attendre plusieurs semaines pour savoir avec précision qu'il s'agissait du décès d'un Val-d'Oisien. C'est ce qu'on appelle les « décès domiciliés ».
En clair, il fallait savoir, non pas où étaient morts les défunts terrassés par le Covid, mais où ils vivaient, et comment, pour mieux comprendre l'épidémie. Suivant les secteurs, les déclarations n'étaient pas toutes numérisées mais devaient se faire physiquement, par le biais des services d'Etat civil. L'Insee a recueilli ces informations auxquelles l'ORS a eu accès.
Mais cela ne suffisait pas encore pour tirer de solides conclusions. Pour comparer des territoires qui n'ont pas les mêmes pyramides des âges par exemple, encore faut-il des échantillons de population similaires. « C'est ce qu'on appelle la méthode de taux standardisés, qui permet de comparer les communes et agglomérations entre elles » explique Catherine Mangeney, socio-démographe à l'ORS qui a cosigné l'étude. La comparaison est faite avec la moyenne sur la même période (mars et avril) depuis 2015.
Plaine-Commune, Est-Ensemble, Roissy-Pays-de-France écarlate
La surmortalité est en hausse dans toutes les agglomérations, avec des écarts toutefois très contrastés. En rouge écarlate, Plaine Commune, Est-Ensemble, Roissy-Pays de France. A l'échelle communale, à Sarcelles et Gonesse (Val-d'Oise), Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne), Fleury-Mérogis et Grigny (Essonne), à Villeneuve-la-Garenne et Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Epinay et le Bourget (Seine-Saint-Denis), le taux de mortalité a plus que triplé. La distinction s'est faite dès la première quinzaine du mois de mars. Ce n'est que sur la deuxième quinzaine du mois d'avril que la tendance a ralenti, un mois et demi après le début du confinement.
A noter aussi, des villes au profil moins populaire et pourtant en rouge foncé aussi, comme Ormesson (Val-de-Marne) ou Le Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Aucune explication formelle n'est avancée. Tout juste émet-on des hypothèses de clusters ou décès en Ehpad, parmi les pistes à explorer. D'autres études, plus précises encore sont d'ores et déjà annoncées pour mieux comprendre les facteurs déterminants de la surmortalité.
Au Millénaire (Paris 19e), où se trouve le siège de l'ARS, l'équation surmortalité/précarité n'étonne guère. « On le savait, mais le virus a été un accélérateur des inégalité s, touchant plus fortement les territoires où se concentre la pauvreté, estime Aurélien Rousseau, son directeur général, avec des populations plus exposées aux contaminations, dans leurs logements, leurs emplois, fragilisées par davantage de comorbidités » (diabète, obésité, NDLR). Les « emplois clés », comme on nomme ceux qui ont continué à travailler en première ligne, soignants, caissiers, agents d'entretien… Des villes où la densité de logement est plus importante, la pauvreté accentuée, et le réflexe d'aller chez le médecin à la première toux, moins répandu.
Des annonces pour le Ségur de la santé ?
À l'heure où le gouvernement doit présenter le « plan Marshall » de la santé, sans doute la semaine prochaine, quel impact aura ce constat sur les arbitrages pour l'Ile-de-France? « Il faut aider le système de soins à tenir compte du profil social des patients, et sur les territoires populaires, on va devoir mettre plus de moyens », réagit Aurélien Rousseau, qui ne dit rien des propositions transmises au ministère pour l'Ile-de-France. Il rappelle au passage que la santé, c'est « la prévention, les soins mais aussi l'accès au droit, la qualité du logement… ».
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