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L'électrohypersensibilité, une souffrance selon l'Anses, malgré l'absence de lien avec les ondes

SANTÉ - Les électrosensibles souffrent et doivent être pris en charge, même s'il n'existe pas aujourd'hui de "preuve" de lien entre ce syndrome controversé et l'exposition aux ondes électromagnétiques, estime un rapport de l'agence sanitaire Anses salué comme une avancée par des associations.

L'existence même de l'électrohypersensibilité (EHS) fait débat entre une communauté médicale sceptique face à une pathologie qui ne se définit que par l'auto-déclaration des personnes qui en souffrent et des patients qui mettent en avant des symptômes handicapants.

Maux de tête, troubles du sommeil, nausées, irritabilité, fourmillements dans les doigts ou encore problèmes cutanés: l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, un organisme public, ndlr) répertorie des dizaines de symptômes, plus ou moins courants, que les électrosensibles attribuent à leur exposition aux radiofréquences des téléphones portables, antennes relais et autre wifi.

Un effet nocebo et de la prudence

"Il n'existe pas de critères de diagnostic de l'EHS validées à ce jour", note l'Anses dans cet avis publié mardi 26 mars. Mais "quoi qu'il en soit, les plaintes (douleurs, souffrance) formulées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue".

"C'est une avancée. On ne parle plus d'un effet nocebo exclusif", a indiqué à l'AFP le président de l'association Robin des Toits, Pierre-Marie Theveniaud, avant d'avoir pris connaissance de l'intégralité du rapport. L'effet nocebo, à l'inverse du placebo, est causé par la suggestion ou la crainte que l'exposition à un médicament ou à des facteurs environnementaux est nuisible.

L'Anses consacre une partie de son rapport à cet effet. Et précise en conclusion qu'il existe "dans la littérature une quinzaine d'études" très sérieuses, réalisées dans de bonnes conditions, par 12 équipes avec des protocoles différents, et dont les résultats sont "en faveur d'un rôle de l'effet nocebo dans les symptômes ressentis par de nombreuses personnes se déclarant EHS".

"Aucune autre explication scientifique à ces résultats n'a été avancée, et encore moins démontrée, jusqu'à présent", précise l'agence. Une déclaration assez claire, qui corrobore l'analyse de l'OMS de 2005. L'Anses prend quand même quelques pincettes, rappelant que ces études n'ont souvent pas été répliquées et qu'aucune analyse n'a pu être effectuée sur "les modalités de la première apparition des symptômes".

"Si les résultats des études de provocation montrent que l'effet nocebo joue incontestablement un rôle dans l'entretien de l'EHS, ils ne permettent pas de dire que cet effet est le facteur ou un des facteurs déclenchant(s) de l'EHS", précise l'Anses.

"Un pas dans la bonne direction"

Au-delà du constat des souffrances, les experts recommandent "une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaire et social" pour des patients qui subissent en plus parfois un "isolement psycho-social" en décidant de changer de mode de vie voire en déménageant dans des zones rurales isolées.

"La Haute autorité de santé pourrait sur le modèle de ce qu'elle a fait en 2011 pour la fibromyalgie, établir une sorte de guide des bonnes pratiques", a précisé à l'AFP Olivier Merckel, chef d'unité risques physique à l'Anses. Les patients se trouvent parfois face à des médecins peu à l'écoute. Le rapport met en avant le "besoin de reconnaissance" exprimé dans les témoignages des patients et leur "désir d'être pris au sérieux" par des médecins qui peuvent privilégier "une approche psychologisante du problème", accompagnée "d'un certain mépris" à l'égard des personnes venant les consulter.

"C'est un pas dans la bonne direction. Il faut maintenant que le lien de causalité soit reconnue", a de son côté estimé Jeanine Le Calvez, vice-présidente de l'association Priartém-Electrosensibles de France. Un pas que ne franchit pas l'Anses. "Aucune preuve expérimentale solide ne permet actuellement d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant EHS", concluent les experts qui ont examiné l'ensemble de la littérature disponible sur le sujet.

Les causes restent toutefois inconnues

Les études de "provocation", qui soumettent les sujets aux ondes en laboratoire, ne mettent pas en évidence l'apparition de symptômes ni de capacité des électrosensibles à percevoir les champs magnétiques. "Ca ne veut pas dire qu'un jour on ne découvre pas un tel lien", même si "à ce jour, les causes restent inconnues", note Olivier Merckel.

Le rapport, qui pointe du doigt "les limites méthodologiques" des recherches passées, plaide donc pour de nouvelles études, avec de nouveaux protocoles. Mais pour Pierre-Marie Theveniaud, il faudrait "diminuer les niveaux d'exposition" aux ondes de la population de manière générale. "Ce qu'on vit à l'heure actuelle n'est rien par rapport à ce qui se prépare, avec la 5G, on va être inondés d'ondes", s'inquiète-t-il, réclamant des études d'impact sanitaire avant le déploiement de la cinquième génération de téléphonie mobile.

Ce n'est pas la première fois que l'Anses se penche sur les effets des radiofréquences. En 2016, elle avait estimé que que les ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, les tablettes tactiles ou les jouets connectés pouvaient avoir des effets sur les fonctions cognitives -mémoire, attention, coordination- des enfants.

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