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Pilule : « Les femmes qui ont pris du Lutéran ou du Lutényl doivent vérifier qu'elles n'ont pas de symptômes neurologiques », explique Isabelle Yoldjian, de l'ANSM - 20 Minutes

Illustration de pilules contraceptives. — A. GELEBART / 20 MINUTES
  • Après l’Androcur, d’autres pilules progestatives (le Lutéran et le Lutényl) font l’objet d’une alerte de l’ANSM, car elles augmentent le risque de tumeur du cerveau.
  • Un risque limité qui ne doit pas faire paniquer les patientes, mais les inviter à réévaluer avec leur médecin la balance bénéfice/risque. L’ANSM leur donne la parole via un appel à contributions.
  • Pour mieux comprendre la situation, 20 Minutes a interrogé Isabelle Yoldjian, cheffe du pôle gynécologie de l’ANSM.

Quelle pilule contraceptive prendre ? Le choix se restreint au fur et à mesure que les alertes de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) se multiplient. Après le scandale autour de Diane 35, les nouvelles recommandations sur l'Androcur, ce sont maintenant deux pilules progestatives, Lutéran et Lutényl, qui sont dans le viseur de l’ANSM.

En juin 2020, elle publiait une mise en garde concernant ces deux traitements et leurs génériques, qui augmentent le risque de méningiome, une tumeur du cerveau bénigne dans la plupart des cas. Une alerte basée sur une étude épidémiologique menée sur plus de 3 millions de patientes par Epi-Phar. En cette rentrée, l ’agence lance un appel à contributions jusqu’au 30 septembre pour que toutes les femmes qui suivent ces traitements puissent faire remonter leur expérience et leurs inquiétudes. Pour mieux comprendre cette alerte et l’intérêt de cette consultation, 20 Minutes a interrogé Isabelle Yoldjian, cheffe du pôle gynécologie de l’ANSM.

Dr Isabelle Yoldjian, cheffe du pôle gynécologie de l'ANSM.

Quels sont les risques pour les femmes qui sont sous Lutéran ou Lutényl et leurs génériques ?

L’enquête sur Androcur a mis à jour un surrisque de méningiome, il était donc logique de s’intéresser aux petits frères, deux autres macroprogestatifs. Une vaste étude épidémiologique a révélé début juin un surrisque de développer un méningiome pour une femme traitée par Lutéran et Lutényl. Avec un effet dose : plus on prend le traitement longtemps à dose élevée, plus le risque est important. En clair, une femme qui prend ces traitements plus de six mois risque environ 3,3 fois plus de développer cette maladie qu’une femme qui ne le prend pas. A partir de cinq ans, le risque est multiplié par 12,5 pour le Lutényl, et par 7 pour 3,5 ans sous Lutéran.

De quoi paniquer… Que dire aux nombreuses femmes qui prennent ce traitement depuis des années ?

Développer un méningiome, tumeur du cerveau bénigne, n’est pas systématique. Mais il est important d’avoir connaissance de ce risque pour faire en sorte de le limiter. Les femmes qui ont pris le traitement pendant de nombreuses années doivent vérifier qu’elles n’ont pas de symptômes neurologiques. Si c’est le cas, ou si elles ont plus de 35 ans et qu’elles prennent ces médicaments depuis plus de cinq ans, les professionnels de santé doivent leur proposer de réaliser une imagerie cérébrale.

A priori, il n’existe pas de risque d’arrêter ce traitement. En revanche, si une femme se retrouve soulagée en cas d’endométriose, elle peut décider de le poursuivre après discussion avec son médecin. Voilà pourquoi chaque patiente est invitée à réévaluer le bénéfice/risque avec son médecin.

L’ANSM a lancé un appel à contributions. Dans quel but, alors que vous aviez déjà publié des recommandations ?

Les résultats de l’étude épidémiologique ont été connus début juin. Il était important de mettre en place des mesures immédiates pour limiter ce risque. Mais on ne s’est pas penché sur les indications thérapeutiques. Ces appels à contributions vont enrichir la consultation publique, qui aura lieu le 2 novembre. Pour discuter avec les femmes, les associations de patientes et les professionnels de santé pour savoir quelles seraient les indications pour lesquelles le Lutéran et le Lutényl restent appropriés au regard du risque du méningiome. On devait, avant de prendre des mesures, s’assurer que tous les aspects étaient bordés et qu’on allait prendre en compte toutes les problématiques. La semaine dernière, nous avions reçu une quarantaine de contributions. C’est beaucoup. Pour le seul autre appel à contributions lancé par l’ANSM, nous en avions en tout une centaine.

Quelles seront les prochaines étapes ?

A l’issue de cette consultation publique, l’ANSM publiera des recommandations précises pour les femmes et les médecins afin de savoir comment bien utiliser ces traitements. Ces médicaments ont des indications très variées : contraception, douleurs de règles, endométriose, douleurs des seins, troubles précédents les règles, fibrome, préménopause… Peut-être que certaines ne sont plus justifiées. Plus largement, l’ANSM poursuit une vigilance sur les pilules progestatives. Car il en existe d’autres, ainsi que des stérilets à base de progestatif. A partir du moment où on s’intéresse à un produit, on enquête sur toute la famille…

Justement, vous aviez lancé la même démarche pour l’Androcur. Avec quelles conséquences ?

Pour Androcur, on a atteint ce qu’on souhaitait. On savait qu’il existait un surrisque de méningiome puisque c’était écrit dans la notice depuis une dizaine d’années. Ce qui n’était pas connu, c’était la quantification du surrisque : au bout de X années, le risque est multiplié par Y. Et à quelle dose. On a découvert que, dès six mois, le risque était multiplié par 7. On a obtenu une baisse considérable de l’utilisation d’Androcur, puisqu’on est passé de 90.000 patientes traitées avant les communications de l’ANSM en septembre 2018 à 11.000 en 2020. C’est-à-dire une baisse de prescription de l’ordre de 80 %. Avant l’alerte, la France représentait 60 % de la consommation de l’Androcur en Europe !

Androcur, Lutéran et Lutényl sont des progestatifs. Pourquoi ne pas avoir alerté directement sur ces trois traitements ? N’a-t-on pas perdu du temps ?

On ne pouvait pas tout faire en même temps, c’était beaucoup trop vaste. Entre 500.000 et 600.000 femmes prennent du Lutéran ou du Lutényl ou leurs génériques. Par ailleurs, le problème ne relève pas autant du hors autorisation de mise sur le marché (AMM) qu’Androcur. Pour ce dernier, on avait une surutilisation pour l’acné modérée ou l’hirsutisme, alors qu’il est normalement prescrit dans l’hirsutisme sévère lié au syndrome des ovaires polykystiques. De la contraception à la ménopause, une femme va facilement utiliser un jour ou l’autre le Lutényl ou le Lutéran. Enfin, il n’y avait pas de signal de pharmacovigilance sur Lutéran et Lutényl avant février 2019. Une étude de 2016 dévoilait moins de dix cas de pharmacovigilance. Toute la communication autour d’Androcur a certainement libéré la parole sur les autres pilules.

Le Lutéran n’est plus commercialisé depuis ce mois de septembre en France… Cette alerte est-elle encore utile ?

Oui, car le Lutéran n’occupe pas la part de marché prioritaire. Le Lutényl, et surtout les génériques de ces deux médicaments, sont beaucoup plus utilisés. C’est d’ailleurs pour cela qu’on évoque dans nos communiqués les molécules, acétate de nomégestrol (Lutényl et génériques) et acétate de chlormadinone (Lutéran).

Ces trois traitements sont censés soulager les femmes atteintes d’endométriose. Quelles alternatives auront-elles ?

Ces deux molécules ne font pas partie des recommandations de la Haute Autorité de santé en cas d’endométriose. On sait que ces traitements sont utilisés, mais il n’y a pas d’essai clinique qui prouve leur efficacité. Le traitement médical de première intention, c’est une pilule de 2e génération en continu pour éviter d’avoir ses règles. Ou le stérilet Mirena.

De plus en plus d’alertes concernent des contraceptifs. L’accès à la contraception en est-il freiné ?

C’est un sujet. Il existe une inquiétude des professionnels de santé sur un discrédit des hormones en général, pas seulement pendant la contraception. On doit avoir ces discussions globales avec les patientes en ayant à l’esprit que ce genre d’alerte risque d’entraîner un report vers des pilules qui peuvent provoquer des troubles thromboemboliques veineux.

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