- Certaines voix s’élèvent pour demander que le masque soit imposé dès le CP et non plus dès la sixième en France.
- Car les enfants sont certes moins contagieux que les adultes, mais certaines études montrent qu’ils jouent un rôle dans la transmission du coronavirus.
- La France, confrontée à une deuxième vague d’ampleur, doit changer son fusil d’épaule, plaident certains médecins, quand d’autres assurent que cette mesure n’est ni utile, ni réaliste.
La rentrée du lundi 2 novembre s’annonce tendue. Aujourd’hui, entre les masques dans les transports, en extérieur et en entreprise, il n’y a guère que le sourire des enfants qu’on peut encore croiser. De plus en plus de voix s’élèvent cependant pour réclamer qu’elle se fasse masquée… dès le CP.
Dans un contexte où la deuxième vague de coronavirus promet des jours difficiles aux hôpitaux, certains médecins estiment en effet que le masque obligatoire à partir de la sixième n’est pas suffisant. Pourtant, depuis des mois, des études françaises comme internationales assurent que les enfants de moins de 10 ans sont à la fois peu contaminés par le Covid-19 et peu contagieux. Alors, à quoi bon ?
Une idée déjà évoquée
L’épidémiologiste Dominique Costagliola assurait dans le Journal du Dimanche qu’il aurait fallu, dès la sortie du confinement, imposer le masque dès le primaire. Sa collègue Karine Lacombe a enfoncé le clou lundi matin sur LCI.
Pr K. Lacombe, sur l'école : "Les enfants peuvent contaminer et il faut agir aussi sur cette tranche de population : masques dès 6 ans, protocole plus strict, aération des salles de classe, voir ce qui se passe dans les cantines (...) Revoir tout ça pour être plus efficace"
— Amandine Rebourg (@Amandiine) October 25, 2020
« Enfin, des médecins très écoutés relayent notre combat », se félicite Michaël Rochoy, généraliste à Outreau et cofondateur du collectif Stop Postillons. Qui défend depuis juillet le port du masque à l’école dès 6 ans et a été à l’origine d’une pétition, publiée dans Le Parisien fin août, et signée par de nombreux médecins. Cette proposition a fait boule de neige ces derniers jours sur les réseaux sociaux, derrière notamment #petitshéros.
L’école joue-t-elle un rôle dans la circulation du virus ?
Le protocole défini par l’Education nationale est-il trop souple ? « Ce qui est vrai, c’est que les enfants font peu de formes graves du Covid-19. En revanche, ils sont contaminés, tranche Michaël Rochoy. La preuve, certains sont hospitalisés : il y avait au 1er septembre 30 hospitalisations chez les 0-9 ans et 29 chez les 10-19 ans. Au 23 octobre, il y en avait 80 et 56 dans les mêmes classes d’âge. » Si les courbes montrent bien cette augmentation, rappelons que les mineurs ne représentent que 20 patients sur les 2.500 en réanimation actuellement. « Aux Etats-Unis, une étude de l’Académie de pédiatrie a montré que 10,9 % des malades étaient des enfants de moins de 18 ans, alors qu’ils n’étaient que 2,2 % en avril, période à laquelle les écoles étaient fermées », reprend Michaël Rochoy. Signe que l’école joue un rôle dans la chaîne de transmission ?
Cette supposition va à l’encontre d’une des rares données rassurantes sur ce coronavirus : les enfants seraient de « petits » contaminateurs. Le Haut conseil de la Santé Publique a émis un avis le 9 septembre sur l’école, recommandant le port du masque à partir de 11 ans seulement. En précisant qu’il « prend en considération que les enfants sont peu à risque de forme grave et peu actifs dans la transmission du SARS-CoV-2. Le risque de transmission existe surtout d’adulte à adulte et d’adulte à enfant et rarement d’enfant à enfant ou d’enfant à adulte. »
« Pour le moment, dans aucun pays on a mis en évidence le fait que les enfants des écoles jouent un rôle important dans la propagation du virus », renchérit Fabienne Kochert, pédiatre et présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). Une version confirmée par les statistiques de Santé Publique France : 80 % des clusters au sein du milieu scolaire viennent de l’enseignement secondaire (45,7 %) et de l’enseignement supérieur (33,3 %).
Au niveau européen, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) dresse un bilan en demi-teinte sur la contagiosité : « lorsqu’ils présentent des symptômes, les enfants excrètent la même quantité de virus que les adultes et sont donc contaminants comme le sont les adultes. Le caractère infectieux des enfants asymptomatiques est inconnu. » Si, comme le disent quantité d’études, la moitié des infectés sont asymptomatiques, comment s’assurer que les enfants en primaire ne s’infectent pas à la cantine ? Puis contaminent les grands-parents lors du déjeuner familial ?
Des études contradictoires
Problème : sur cette question, les études scientifiques semblent contradictoires. Une étude française, basée sur 600 enfants en Ile-de-France, dévoilait en juin que les enfants seraient beaucoup moins contagieux que les adultes. Une donnée depuis contredite par plusieurs enquêtes, notamment en Israël, en Inde et au Canada. « Les études qui montrent que les enfants ne sont pas contagieux ont été menées quand les écoles étaient fermées, celles qui sont sorties à partir d’août montrent l’inverse », souligne Hélène Rossinot, médecin de santé publique. Ainsi, une enquête en Inde sur 85.000 cas confirmés de Covid-19, datant de fin septembre, conclut : « alors que le rôle des enfants dans la transmission a été débattu, nous identifions une forte prévalence de l’infection chez les enfants qui étaient en contact avec des cas du même âge. Nos analyses suggèrent que les interactions sociales entre enfants peuvent être propices à la transmission ».
Autre preuve que la contagiosité des enfants ne peut être balayée de la main : une étude sur une colonie de vacances en Géorgie, où 260 enfants ont été infectés sur 344 testés, a montré que les enfants les plus petits ont été les plus contaminés : 51 % des 6-10 ans, 44 % des 11-17 ans, 33 % des 18-21 ans. « L’actualisation des connaissances ne s’est pas faite », regrette Michaël Rochoy.
L’importance de la circulation virale
Pourtant, l’Organisation mondiale de la Santé recommande le port du masque seulement à partir de 12 ans. « Mais elle le conseille pour les 6-11 ans dans des zones où le virus circule beaucoup, nuance Michaël Rochoy. Dès août, j’avais prédit qu’on allait imposer les masques à l’école primaire après la Toussaint. » Même topo du côté d’Hélène Rossinot, convaincue dès l’été par cette mesure, mais pour qui elle est aujourd’hui primordiale, par principe de précaution. « La pandémie est devenue hors de contrôle en France. Or, le masque est là pour casser la transmission. Aujourd’hui, on sait comment on se contamine mais pas où, cela peut intervenir pendant le transport, à la cantine, en famille… »
« Globalement, les enfants sont moins atteints que les adultes et deux à trois fois moins contagieux, rassure Fabienne Kochert, présidente de l’AFPA. Quand on dit moins, ce n’est pas zéro ! Et tout dépend de la circulation virale. Si vous avez plus d’enfants atteints qui continuent à avoir des interactions avec des personnes fragiles, il y aura davantage de personnes malades ».
Réaliste ?
Faut-il donc changer la doctrine à l’école ? Tous sont d’accord sur un point : le masque seul ne suffira pas, et toutes les mesures barrières doivent être renforcées. « Il faut notamment organiser des classes avec un plus petit effectif, ce qu’ont fait les Allemands, mieux ventiler les classes, renforcer la distanciation, l’hygiène des mains », liste la pédiatre.
Mais porter le masque huit heures par jour (surtout pour les enfants qui portent des lunettes…) est certainement plus compliqué qu’ouvrir les fenêtres… Pour beaucoup de pédiatres, cette mesure n’est tout simplement pas réaliste. « S’il est mal porté, il sera une contrainte inutile, soupire Fabienne Kochert. Vous voyez comment les adultes portent le masque ? Imaginez chez les 7 ans qui ont le nez qui coule… » Pourtant, les enfants espagnols l’utilisent dès 6 ans et aux Etats-Unis, il est recommandé dès 2 ans… « Les enfants de 11 ans acceptent très bien le masque, réplique Michaël Rochoy. Si seulement la moitié des enfants de 7 à 11 ans le portent bien, ce serait déjà mieux. » Et Hélène Rossinot de renchérir : « Soyons honnêtes, on a tendance à sous-estimer la capacité des enfants à apprendre, comprendre et s’adapter. Quand on explique bien aux gamins, il n’y a aucun problème à le porter. Malheureusement, ce qui manque depuis le début de l’épidémie, c’est de la pédagogie. »
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