- En deux semaines, environ la moitié des stocks de vaccins contre la grippe ont déjà été écoulés.
- Face à la demande sans précédent, alimentée par la crainte de circulation simultanée de la grippe saisonnière et du coronavirus, les pharmaciens redoutent de ne pas pouvoir faire face.
- Si les personnes à risque sont prioritaires jusqu’à fin novembre, il n’est pas sûr qu’il reste des stocks suffisants à ce moment-là pour répondre à la demande de la population générale.
A peine deux semaines après le lancement de la campagne annuelle de vaccination contre la grippe saisonnière, les stocks ont déjà bien fondu et le spectre d’une pénurie se fait de plus en plus menaçant. Dans de nombreuses pharmacies, les frigos sont déjà vides, et l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO), le deuxième syndicat de la profession, alerte sur des ruptures de stocks en raison « d’un manque de réactivité des laboratoires ».
Même constat du côté de la Fédération des pharmaciens d’officine (FSPF), qui a reçu de nombreux signalements d’adhérents déjà en rupture de stocks. Alors, y aura-t-il des vaccins pour tout le monde ? Si pour l’heure, seules les personnes à risque sont prioritaires pour se faire délivrer le vaccin antigrippal, la demande en population générale est exponentielle. Faute de vaccin anti-covid encore disponible, nombreux sont celles et ceux qui ne s’étaient jamais fait vacciner contre la grippe auparavant et qui souhaitent se faire vacciner aujourd’hui.
« Les gens ne comprennent pas qu’on n’ait pas de vaccin pour tout le monde »
Dans les officines, on sait déjà qu’il sera très compliqué de répondre à la demande. « On a vendu notre stock de quatre mois en deux heures, indique encore stupéfaite Monette Egarnes, préparatrice à la pharmacie 164, dans le 12e arrondissement de la capitale. Nous suivons les directives et ne délivrons le vaccin qu’aux personnes munies d’un bon de l’Assurance maladie, qui sont prioritaires. On a reçu une deuxième dotation, mais avec toutes les personnes à risques qui sont venues nous voir, le stock est déjà parti ».
Une dizaine de jours après le lancement de la campagne annuelle de vaccination contre la grippe, « on a déjà délivré 7 millions de doses, sur les 7,5 millions de doses initialement livrées, indique à 20 Minutes Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Cela signifie qu’au bout de dix jours, les stocks disponibles sur l’ensemble de la France n’étaient plus que de 500.000 doses, c’est rien ! L’année dernière, nous avons délivré 11 millions de doses sur toute la durée de la campagne de vaccination [de mi-octobre à fin janvier]. Cette année, nous nous sommes mobilisés pour répondre rapidement à la très forte demande tout en vaccinant plus de deux millions de Français dans les pharmacies. Mais il nous faut des stocks pour suivre la cadence ! ».
Au lancement de la campagne, le ministre de la Santé Olivier Véran l’a indiqué : les personnes à risque sont prioritaires pour recevoir le vaccin. Une directive communiquée à l’ensemble des professionnels de santé dans une lettre ministérielle du 13 octobre. Mais s’il est déjà compliqué de fournir un vaccin à l’ensemble des personnes à risques, répondre à la demande du reste de la population s’annonce quasi-impossible. « Nous n’avons pas assez de vaccins pour tout le monde, insiste Monette Egarnes. Des familles avec enfants viennent nous voir parce qu’elles veulent se faire vacciner, mais aujourd’hui, ce n’est pas possible. Une femme qui s’occupe de son père atteint d’un cancer est venue l’autre jour acheter un vaccin pour elle, sur les conseils du médecin de la famille, et je n’ai pas pu lui en délivrer un ! Le gouvernement a lancé sa campagne de vaccination en rappelant l’importance de la protection que cela apporte, donc aujourd’hui, les gens ne comprennent pas qu’on n’ait pas de vaccin pour tout le monde ».
Des livraisons retardées voire bloquées
Pourtant cette année, le gouvernement avait prévu plus large, prévoyant 15 millions de doses de vaccin, contre 13 millions l’année dernière. Et de son côté, Sanofi, qui produit le vaccin antigrippal, a augmenté sa production de 20 % par rapport à l’an passé, pour faire face à la hausse prévisible de la demande. Mais l’USPO dénonce aujourd’hui des retards dans les livraisons, bloquées car « l’industrie ne s’est pas alignée sur les demandes des patients ». Après avoir mené une enquête auprès de ses adhérents, l’USPO estime ainsi entre 70 et 90 % le nombre de pharmacies n’ayant déjà plus de stock, une dizaine de jours seulement après l’ouverture de la campagne vaccinale. Un chiffre très éloigné de la réalité selon le ministère de la Santé, qui assure que, « dans les régions les plus touchées, on arriverait à 18 à 20 % de pharmacies en rupture de stock », selon les chiffres de l’ordre.
Sur le terrain, « nous avons des retours d’autres pharmacies qui n’ont tout simplement pas reçu leur commande, sans la moindre explication, confie Monette Egarnes. On revit la même situation qu’avec la pénurie de masques au début de la première vague. Selon les directives du ministère, nous ne pourrons délivrer de vaccins aux personnes non prioritaires qu’à partir de fin novembre, mais aujourd’hui, nous ne savons pas quand nous serons à nouveau livrés, ni même si nous le serons ! Il y a forcément eu un manque d’anticipation… »
« On voit aujourd’hui que les primo-vaccinants, qui ne se vaccinaient pas les années précédentes, se sont mobilisés cette année très tôt pour recevoir leur vaccin, observe Gilles Bonefond. Mais le risque de pénurie est là aujourd’hui : nous attendions cette année deux millions de doses de plus de la part des laboratoires. Où sont-ils ? On ne comprend pas cette stratégie du compte-gouttes, de séquençage des livraisons, déplore Gilles Bonnefond. Pourquoi les laboratoires gardent-ils les vaccins dans leurs frigos plutôt que de les fournir aux pharmaciens ? Nous en avons besoin aujourd’hui, en raison de la demande importante des Français – qui est légitime – de se protéger de la grippe saisonnière, puisque la circulation simultanée avec le Covid-19 fait peur, et que le vaccin contre la grippe permet de se protéger d’un de ces deux virus. L’Etat se démène pour se procurer ces deux millions de doses supplémentaires pour les mettre à disposition des pharmacies, mais ce ne sera certainement pas avant fin novembre ou début décembre ». Pour la FSPF, « le ministère de la Santé [doit] prendre ses responsabilités et informer la population hors cible et les professionnels de santé prescripteurs qu’il n’y aura pas de vaccination antigrippale cette année en dehors des personnes fragiles ».
« On risque d’arriver trop tard »
Du côté du ministère de la Santé, on se veut plus rassurant, rappelant que 1,2 million de doses doivent être livrées prochainement. « Les années précédentes, les pharmacies n’obtenaient pas leurs commandes en totalité dès le premier jour de la campagne vaccinale, vous aviez toujours un approvisionnement dans la durée », précise-t-on avenue de Ségur. Pas de quoi rassurer les pharmaciens. « Si de nouvelles mesures restrictives sont annoncées, comme un reconfinement, on risque d’arriver trop tard et de ne pas être parvenus à vacciner toutes les personnes à risque à temps », redoute Gilles Bonnefond. Mais le ministère de la Santé rappelle en outre que l’épidémie de grippe n’est pas encore là : « Elle devrait arriver en décembre-janvier, voire encore plus tard », indique-t-il. Alors, y a-t-il un risque que des personnes prioritaires ne puissent pas se procurer leur vaccin ? « On ne sait pas », confie Gilles Bonnefond.
Et si l’Etat tente aujourd’hui de se constituer un stock supplémentaire de deux millions de doses de vaccin, il ne lui sera pas possible de repasser une commande plus importante auprès des laboratoires pour cette année, car la production du vaccin antigrippal répond à un calendrier très précis. Elle démarre chaque année au mois de février, une fois que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) envoie aux laboratoires sa recommandation de sélection de souches à mettre dans le vaccin, selon les informations indiquées par Sanofi.
Pour autant, Gilles Bonnefond ne veut pas non plus voir tout en noir. « Les chiffres signifient également que les Français fragiles se sont fait vacciner en nombre, tout comme les personnels des officines, des Ehpad et des hôpitaux, qui se sont plus massivement fait vacciner que les années précédentes ». Alors que la campagne vaccinale contre la grippe saisonnière a démarré il y a deux semaines, Gilles Bonnefond que « l’organisation d’une réunion avec le ministère de la Santé, les laboratoires et les pharmaciens dès les prochains jours, pour anticiper l’organisation de la prochaine campagne vaccinale ».
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