CORONAVIRUS - La colchicine, nouveau remède miracle contre le Covid-19 ? Une étude clinique canadienne met en avant l’efficacité de ce traitement anti-inflammatoire. Mais de nombreux spécialistes appellent à la prudence.
- Propos recueillis par Matthieu DELACHARLERY
Une lueur d'espoir au-delà du vaccin ? Une vaste étude clinique montre que la colchicine, un médicament bien connu des pharmaciens, est efficace pour traiter le Covid-19 et réduire les risques de complications liées à la maladie, a annoncé vendredi soir l'Institut de Cardiologie de Montréal. Présenté par l'auteur de ces travaux comme "le premier médicament oral au monde", il suscite cependant la défiance du corps médical, à l'instar de l'hydroxychloroquine.
Pour en savoir plus, LCI a contacté le Professeur Mathieu Molimard, qui dirige le service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux.
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Qu’est-ce que la colchicine ?
La colchicine est un puissant anti-inflammatoire. Extrait de la fleur de colchique, il se présente sous la forme de comprimés. Ce médicament, délivré uniquement sur ordonnance, est d'ordinaire utilisé dans le traitement et la prévention des crises de goutte, qu’il permet de soulager. Il est aussi prescrit dans la prise en charge de maladies plus rares, comme la fièvre méditerranéenne familiale ou bien encore le syndrome de Behçet. "Ce n’est pas un anti-inflammatoire classique, il s’agit plus exactement d’un antimitotique, voire d’un anti-cancéreux, précise le Pr Mathieu Molimard. Grosso modo, la colchicine agit dans l’organisme en empêchant la division cellulaire et la migration des cellules".
Un médicament qui a l'avantage de coûter peu cher mais dont les effets sont toutefois potentiellement dangereux pour la santé humaine. "Toute variation de sa concentration dans votre organisme, même légère, peut éventuellement entraîner des effets indésirables, potentiellement graves. En d’autres termes, la dose thérapeutique est proche de la dose toxique", prévient la Société française de pharmacologie et de Thérapeutique. Un traitement qu'il advient donc de magner avec une extrême prudence, met en garde à son tour le Pr Molimard. "Ce médicament suscite la défiance du corps médical, car il y a des morts chaque année. Les effets indésirables révélateurs d’un début d’intoxication les plus fréquents sont la diarrhée. Et il n’existe, à ce jour, aucun antidote disponible", souligne le spécialiste.
Que dit exactement l'étude canadienne ?
L'étude de l'Institut de Cardiologie de Montréal (ICM) a été menée dans plusieurs régions du monde, au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud et en Afrique du Sud. Elle a porté sur une cohorte de 4.488 patients positifs au Covid-19, symptomatiques ou pas, qui ont été divisés en deux groupes : l’un se voyant administrer un traitement de colchicine, l’autre recevant un placébo. "La colchicine a réduit de 21% le risque de décès ou d’hospitalisations chez les patients atteints de Covid-19 comparativement au placebo", affirme l'ICM dans un communiqué diffusé vendredi soir sur son site internet. Pour 4.159 des patients, la colchicine a "entraîné des réductions des hospitalisations de 25%, du besoin de ventilation mécanique de 50%, et des décès de 44%", fait valoir l'institut.
Pour le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du Centre de recherche de l'ICM et chercheur principal de l'étude Colcorona, ce traitement doit être prescrit dès les premiers symptômes. "Nous pensons qu’il faut tenter d’administrer la colchicine le plus tôt possible après le diagnostic de Covid-19 pour qu'elle soit efficace", précise le chercheur québécois dans le reportage de TF1 en tête de cet article.
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À ce jour, on compte 27 études dans le monde testant la colchicine chez des patients infectés par le Covid-19, sans parvenir pour l'heure à démontrer son efficacité. S'il parle de "résultats intéressants" en évoquant l'étude canadienne, le Professeur Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, tempère auprès de TF1 : "Les précédentes études avaient montré des résultats plus mitigés. Attendons d'abord la publication scientifique et la mise en œuvre de nouveaux essais, car une seule étude ne suffit pas.
Des résultats en trompe-l'œil
Pour le Professeur Molimard, les résultats de cette étude, au-delà de sa médiatisation, soulèvent des interrogations."Il ne s’agit pas d’une étude complète. À la base, elle devait porter sur 6.000 patients. Or, ce n'est pas le cas. C’est un peu comme donner les résultats d’un tiercé à la mi-course", souligne cet expert. Il s'étonne en outre que les résultats de l'étude soient publiés par voie de communiqué de presse et non par le biais d'une publication scientifique. Par ailleurs, pointe-t-il du doigt, l’institut ne donne aucun chiffre, uniquement des pourcentages. "Cela peut correspondre à seulement quelques cas, et de ce fait cela ne démontre en rien l'efficacité du traitement", explique le chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux.
Autre limite observée dans ces travaux, l'Institut de Cardiologie de Montréal écrit noir sur blanc que les résultats de l'étude approchent la significativité statistique, sans pour autant l’atteindre. "Pour qu’une étude soit considérée comme fiable, le seuil est fixé à 5%. Au-delà de ce pourcentage, on estime que la fiabilité des résultats n’est pas suffisante pour en tirer des conclusions", observe le Pr Molimard. Une publication scientifique, en bonne et due forme cette fois-ci, devrait être publiée dans les prochaines semaines, promet pour sa part l'équipe de chercheurs.
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