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«Flurona»: y a-t-il vraiment eu un premier cas de «fusion» entre le Covid et la grippe en Israël ? - Libération

Contrairement à ce que laissent penser certaines publications, cela fait déjà plusieurs mois que des cas de co-infections sont identifiés, même s’ils restent rares à ce stade.
Question posée par Sandrine le 2 janvier 2022.

Bonjour,

Vous nous interrogez au sujet des multiples publications qui assurent, sur les réseaux sociaux, que serait en train d’émerger le «Flurona», «mélange de grippe et Covid détecté en Israël». A l’origine, l’information provient des médias israéliens, et notamment du magazine en ligne The Times of Israel. Dans un article publié dimanche, celui-ci rapporte que le premier cas israélien «d’une personne infectée par la grippe saisonnière et le Covid-19 en même temps» a été confirmé jeudi par les autorités sanitaires du pays. Et l’article ajoute que «les deux infections ont été découvertes chez une femme enceinte non vaccinée qui présentait des symptômes légers», selon les précisions données par l’hôpital où elle était prise en charge.

Contrairement à ce qu’avancent certaines publications virales, cette combinaison entre grippe saisonnière et Covid-19 ne résulte pas d’un nouveau virus, ou d’une «fusion», mais simplement de ce que l’on appelle une «co-infection». Autrement dit, deux virus responsables de maladies différentes affectent un même individu en même temps, et sont tous les deux sources de pathologies.

Le mot «Flurona» – qui n’a rien d’officiel puisqu’il s’agit d’un surnom imaginé par des internautes israéliens à partir de la contraction entre «flu», diminutif d’«influenza» (grippe en anglais), et «coronavirus» – pourrait pourtant laisser penser qu’un virus a été découvert. «Ce terme est trompeur», estime donc Etienne Decroly, directeur de recherche pour le CNRS à Marseille et membre de la Société française de virologie. La grippe saisonnière et le Covid-19 étant causés par «deux familles de virus très distinctes», «aucun risque avéré d’émergence d’un virus chimérique, ou de recombinaison entre ces virus, n’a été démontré à ce jour», veut rassurer le virologue.

Quelques cas français

L’information a été largement reprise dans des médias du monde entier – s’agissant de la France, par la presse locale en particulier – avec des titres ayant induit en erreur les lecteurs. Parfois utilisées isolément, les expressions «premier cas» ou encore «pour la première fois» ont contribué à faire passer, à tort, ce premier cas israélien de co-infection pour le premier cas au niveau mondial. Pourtant, l’article du Times of Israel invitait lui-même à ne pas tomber dans cette extrapolation, en précisant que «des cas de patients atteints à la fois de la grippe et du Covid-19 sont apparus aux Etats-Unis dès le printemps 2020».

D’ailleurs, le «Flurona» n’est que la traduction d’un «fait connu depuis des décennies», insiste Alexandre Bleibtreu, infectiologue au service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (à Paris) : «Il est possible d’être infecté par deux pathogènes en même temps, que ce soit deux virus ou un virus et une bactérie.» Ainsi, les infections à la fois par le Covid-19 et la grippe n’ont rien d’inédit, selon le médecin, puisque des cas avaient été détectés «dès la première vague», et ce «y compris en France, y compris à la Pitié Salpêtrière». Ces co-infections sont «rares mais pas exceptionnelles», résume Bruno Lina, professeur de virologie au CHU de Lyon, qui a pour sa part recensé «un ou deux cas» dans son institut.

Omicron bloquerait l’interférence virale

L’émergence de doubles infections est rendue possible par «la co-circulation de virus à tropisme respiratoire associée à une baisse des mesures barrières», explique Alexandre Bleibtreu. De fait, d’une part le coronavirus responsable du Covid-19 et les virus respiratoires classiques (ceux qui causent la grippe, la bronchiolite, ou encore le virus respiratoire syncytial) circulent désormais concomitamment – alors qu’immédiatement après l’émergence du Sars-Cov-2, note Bruno Lina, «la tendance était à la disparition complète des autres virus». Et, d’autre part, tandis qu’au début de la crise, l’ensemble des gestes barrières étaient globalement bien appliqués et des confinements avaient été mis en place, empêchant les autres virus respiratoires de circuler puisqu’ils se transmettent eux aussi par voie aérienne, ce n’est plus le cas aujourd’hui. «La lassitude, le relâchement dans les mesures barrières réduit la protection contre tous ces virus respiratoires», analyse le virologue lyonnais, par ailleurs membre du Conseil scientifique.

Qui plus est, les co-infections seraient favorisées par l’explosion des contaminations avec omicron. Ce variant du coronavirus serait en effet capable de bloquer une réponse immunitaire qui se produit normalement après infection par un virus : «l’interférence virale». Que Bruno Lina détaille ainsi : «Quand une cellule est infectée, elle envoie des signaux aux autres cellules autour d’elle, pour leur dire de se défendre en produisant de l’interféron – une substance que l’on fabrique tous et qui rend naturellement les cellules résistantes à toute infection virale.» A l’arrivée, ce phénomène «empêche les virus de venir s’accumuler les uns après les autres chez un même individu» (avec néanmoins un niveau de protection moindre chez les personnes fragiles et âgées). Or, même si ce ne sont à ce stade que des hypothèses, «on a l’impression qu’omicron est capable d’éteindre cette fonction interférente de manière assez significative», pointe Bruno Lina.

Cumulées, la co-circulation des virus respiratoires et la progression du variant omicron, renforcées par un relâchement dans les gestes barrières, rendent «probable» l’apparition de nouveaux cas de co-infection, «sans qu’ils ne deviennent extrêmement fréquents», estime le professeur de virologie.

Mortalité accrue en cas d’infections successives

Faut-il s’en inquiéter ? Actuellement, les données disponibles ne permettent pas de mesurer les dangers éventuels des co-infections, et notamment de savoir si elles pourraient favoriser le développement de formes graves du Covid-19. Dans son article, le Times of Israel indique que le ministère de la Santé israélien a lancé une étude pour déterminer si, dans le cas de cette femme enceinte, «une combinaison des deux virus a pu aggraver la maladie». Cependant, comme le rappelle Bruno Lina, «ces situations sont tellement peu fréquentes qu’on ne peut pas établir de loi générale» sur leurs conséquences à ce stade.

En revanche, ce qu’on sait grâce aux données préliminaires d’études sur les infections successives, c’est que contracter les virus responsables du Covid-19 et de la grippe l’un après l’autre augmente les risques. «Une mortalité accrue a été rapportée chez les personnes infectées par les deux virus, en comparaison avec celles qui n’avaient eu que le Covid-19 ou que la grippe», précise Bruno Lina.

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