
Julien Guillard avait 33 ans quand on lui a annoncé qu’il souffrait d’un lymphome. Sept ans plus tard, cet ancien employé agricole est guéri mais a fait de cette sorte de cancer du sang, reconnu depuis comme maladie professionnelle, un combat. Aujourd’hui, ce conducteur d’engin se retourne contre plusieurs de ses anciens employeurs pour « faute inexcusable ». Il espère obtenir réparation pour le « préjudice moral » qu’il a subi et pour ouvrir la voie à d’autres victimes des produits sanitaires qu’il accompagne, via l’association Phyto-Victimes dont il est le vice-président. Son dossier sera examiné ce mercredi par le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes. Il a livré son témoignage à 20 Minutes.
« La poussière volait, mon pulvérisateur fuyait »
« Après un stage de découverte dans une ferme en 3e, ça m’a plu, j’ai eu envie de travailler dans le monde agricole. J’ai commencé dans la Sarthe, où j’ai utilisé tout un tas de produits phytosanitaires sans faire attention, sans réelle protection ni sensibilisation aux risques. Je me souviens du Gaucho, qui permettait d’enrober les graines avant de les semer. On mettait tout ça dans une bétonnière, la poussière volait, je saignais du nez, j’avais mal à la tête. Mon ancien patron, qui est depuis décédé d’un cancer de la prostate, faisait comme ça, on n’avait pas le choix, pas les informations. Quelques années plus tard, je suis recruté dans une boîte de paysagisme à Strasbourg. Là, je suis chargé de nettoyer les bordures, les pavés… J’ai un pulvérisateur avec une lance, le problème c’est qu’il fuit, je suis trempé tout le temps dans le dos, j’en ai partout. A l’intérieur, c’est de l’herbicide, probablement du glyphosate. Je travaille comme ça pendant cinq ans. »
« Je tousse, j’ai du mal à respirer »
« A mon arrivée à Nantes en 2007, je sors du monde agricole et deviens chauffeur de camion-grue dans les travaux publics. Mais en 2015 je tousse, j’ai du mal à respirer, je ne peux plus dormir couché donc je passe mes nuits assis, sur le canapé. Je ne vais pas chez le toubib, des restes du monde agricole, où l’on ne se plaint pas trop… jusqu’en février 2016 où j’ai une gastro. Le médecin s’aperçoit tout de suite que quelque chose ne va pas. La toux, les marbrures sur mon torse, la fatigue… Les examens s’enchaînent et le lendemain, elle me dit : « Vous avez 33 ans, vous êtes plutôt en bonne santé mais vous avez un cancer, un lymphome. Le traitement va être douloureux mais normalement vous n’allez pas mourir. Ça va être dur mais on va y arriver. » Ma femme est alors enceinte de 7 mois, mon fils a 4 ans… On me parle rapidement d’une potentielle reconnaissance en maladie professionnelle, mais je ne fais pas les démarches immédiatement. »
« Les pesticides et les gaz, reconnus comme les causes de mon cancer »
« J’enchaîne les chimios et les problèmes qui s’en suivent. Au total, j’en fais neuf, jusqu’à la rémission, en août. Je finis par monter mon dossier de maladie professionnelle… et alors que c’est souvent très long et compliqué pour les victimes, j’obtiens gain de cause en à peine 8 mois. C’était le 19 avril 2017, le jour de mon anniversaire. La commission a établi que les pesticides, mais aussi les gaz d’échappement étaient en cause. Dans mon travail de chauffeur, mon poste était juste à côté des pots, j’avais les retours de fumée quand les vents étaient contraires… Satisfait, je décide de poursuivre le combat avec l’association Phyto-Victimes, que je découvre. Mon idée, c’est de retourner dans les lycées agricoles pour sensibiliser aux risques. Les mentalités ont évolué mais il y a toujours les mêmes comportements. Avec le Covid, on a aussi vu les limites des protections, les difficultés à les porter, parfois en raison des conditions météo. Sans compter le lobbying des industriels, qui minimisent les risques. »
« Clore mon dossier et montrer l’exemple »
« Aujourd’hui, j’attaque trois de mes anciens employeurs pour « faute inexcusable », non pas parce que je leur en veux, mais parce que j’ai des droits, donc j’y vais. Si je gagne, je serai indemnisé pour le préjudice moral subi. Car niveau santé, même si le cancer est sous contrôle, tout n’est pas réglé. J’ai parfois des douleurs neurologiques, aux jambes. Il y a aussi l’épée de Damoclès, la possibilité que je développe un Parkinson. Ou encore les impacts sur la famille, comme la phobie de mon fils concernant tout ce qui a trait au médical. L’objectif est enfin d’avoir une caisse de résonance pour les autres victimes. Mon association, qui se bat pour la création d’un réel fonds d’indemnisation, en a aidé 650 en dix ans, et il y a plus de 200 procédures en cours. Donc je veux clore mon dossier mais aussi montrer l’exemple. Dire aux gens concernés qui lisent cet article qu’on peut les aider. C’est très important pour moi. »
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