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Quand des rêves altérés annoncent une crise suicidaire - Le Monde

C’est peut-être un nouvel outil pour aider à prédire les risques suicidaires, et ainsi réduire le fardeau des décès volontaires qui, bien qu’en baisse, concernent environ 700 000 personnes par an dans le monde. Des travaux récents d’une équipe française montrent en effet qu’on retrouve une altération des rêves chez 80 % des personnes hospitalisées pour crise suicidaire (définie par des idées suicidaires ou par une tentative de suicide), avec une progressivité dans les mois qui la précèdent.

Le psychiatre et spécialiste du sommeil Pierre Geoffroy (hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, GHU Paris) et ses collègues ont interrogé sur leurs nuits quarante personnes hospitalisées dans une unité de post-urgence psychiatrique pour crise suicidaire, rapportent-ils dans l’édition de janvier-février 2023 du Journal of Clinical Psychiatry.

Les chercheurs se sont en particulier intéressés à trois types d’« événement » : les mauvais rêves (contenu désagréable), les cauchemars (mauvais rêves qui réveillent) et les cauchemars avec un scénario suicidaire. Résultats : parmi les 31 femmes et 9 hommes étudiés, âgés en moyenne de 29 ans, seulement 8 (20 %) n’avaient pas eu d’altération de leurs rêves avant la crise suicidaire. Et chez les 32 évoquant des rêves altérés, soit 80 % de l’effectif, 27 (67,5 %) ont dit avoir eu des mauvais rêves, 21 (52,5 %) des cauchemars et 9 (22,5 %) des cauchemars avec scénario suicidaire. Environ un sur six (17,5 %) avait eu les trois types d’altération du contenu des rêves. Les deux groupes – sans ou avec rêves altérés – étaient comparables en matière d’âge, de sexe, d’activité physique, de conditions socio-économiques, précisent Pierre Geoffroy et ses collègues. Par ailleurs, la majorité des patients souffraient de troubles anxieux ou de dépression, et d’un sommeil de mauvaise qualité – voire de véritables insomnies pour 60 % d’entre eux.

Comprendre les mécanismes intimes

Si des liens entre cauchemars et tentatives de suicide ont déjà été suggérés par plusieurs études, l’originalité des travaux publiés dans The Journal of Clinical Psychiatry est d’avoir examiné la trajectoire de l’altération des rêves. Les chercheurs français constatent ainsi que les mauvais rêves apparaissent en moyenne cent onze jours avant la crise suicidaire, les cauchemars quatre-vingt-sept jours avant, et les scénarios suicidaires rêvés quarante-cinq jours avant.

Cette progression, avec jusqu’à trois étapes, qui commence donc près de quatre mois avant la crise conduisant à l’hospitalisation, devrait servir de signal d’alarme pour les principaux intéressés et leur médecin, estime le professeur Geoffroy. « Bien sûr, des mauvais rêves ou des cauchemars ne sont pas pathologiques en soi, rappelle-t-il. C’est leur apparition et répétition dans un contexte de dépression qui doit alerter, et plus encore l’intensité du vécu dans ces rêves altérés et leurs répercussions dans la journée. Certains de ces patients se sentent littéralement acculés par leurs scénarios suicidaires. »

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