Elle ne devrait pas se trouver là, pourtant, elle étend progressivement sa présence dans l’Hexagone. Il y a quelques jours, l’Institut Pasteur a alerté sur la présence dans le pays de souches de Shigella sonnei hautement résistantes aux antibiotiques.
Shigella, késako ? Une bactérie pathogène responsable de la shigellose, maladie pouvant causer des diarrhées sanglantes. Où ce pathogène sévit-il traditionnellement ? La shigellose est-elle une maladie grave et existe-t-elle un traitement ? Et pourquoi sa présence en France est-elle problématique ? 20 Minutes fait le point.
Qu’est-ce que la shigellose et où sévit-elle ?
La shigellose, ou dysenterie bacillaire, est une maladie causée par la Shigella, « une entérobactérie, ou bactérie du tube digestif », explique l’Institut Pasteur. Soit la même famille de bactéries que les salmonelles ou E.Coli. « La shigellose est une maladie diarrhéique très contagieuse, responsable d’épidémies à travers le monde. Elle se transmet par voie oro-fécale, par exemple via des aliments ou de l’eau souillés par des matières fécales, détaille l’institut. Elle sévit par conséquent essentiellement dans les régions tropicales, et en particulier dans les pays en développement où le manque d’hygiène et d’infrastructures sanitaires favorise les flambées épidémiques ». Dans un rapport publié en 2005 sur « les directives pour la lutte contre la shigellose », l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle ainsi qu'« au cours des vingt dernières années [depuis 1985], des flambées épidémiques de grande ampleur ont éclaté en Afrique, en Asie du Sud et en Amérique centrale ».
Après contamination, la bactérie envahit les cellules de la paroi intestinale puis de la muqueuse du côlon, « entraînant une inflammation importante associée à une sévère destruction des tissus. Apparaissent alors des symptômes tels que douleurs abdominales, vomissements, diarrhées glairo-sanglantes et fièvre ».
Le plus souvent, « le malade guérit spontanément » en 3 à 4 jours. Pour autant, ce pathogène constitue « un problème sanitaire majeur », d’autant qu’une quantité infime de cette bactérie, « 10 à 100 bacilles, suffit à provoquer la maladie », souligne l’Inserm. D’où sa très haute contagiosité dans des régions du globe où les populations ont peu ou pas accès à des traitements antibiotiques. Ainsi, « en Amérique centrale, la plus récente des épidémies de grande ampleur, de 1969 à 1973, a provoqué plus de 500.000 cas et 20.000 décès », rapporte l’OMS. A l’heure actuelle, « la shigellose tue environ 200.000 personnes dans le monde par an, dont 65.000 enfants de moins de 5 ans », rappelle l’Institut Pasteur.
Pourquoi l’Institut Pasteur lance-t-il l’alerte en France ?
Ce sont les chercheurs du Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella, rattachés à l’Institut Pasteur, qui surveillent cette bactérie sur le plan national depuis de nombreuses années. D’après une étude publiée récemment dans la revue Nature Communications, des souches de Shigella sonnei hautement résistantes aux antibiotiques ont émergé ces toutes dernières années dans l’Hexagone. La présence de ces souches ultrarésistantes, dites « XDR » (pour extensively drug-resistant), a été mise au jour pour la première fois en France en 2015.
Dès lors, « les scientifiques ont constaté que la proportion de ces souches XDR, résistantes à quasiment tous les antibiotiques recommandés pour le traitement de la shigellose, a augmenté de façon importante jusqu’à atteindre un pic en 2021 : 22,3 % de toutes les souches de Shigella sonnei étaient hautement résistantes cette année-là (correspondant à 99 cas) », souligne l’Institut Pasteur. Parmi les traitements habituellement délivrés aux personnes contaminées par la shigellose, « la souche XDR résiste aux trois grandes classes d’antibiotiques délivrés en première intention – fluoroquinolones, azithromycine et céphalosporines de troisième génération », s’inquiète l’Institut.
Comment contenir la circulation de ces souches XDR ?
L’analyse par séquençage génomique a révélé que toutes ces souches XDR françaises appartenaient « à une même lignée évolutive devenue antibiorésistante vers 2007 en Asie du Sud », retrace l’Institut Pasteur, avant de gagner des pays industrialisés et de renforcer leur antibiorésistance. Désormais, pour les cas les plus sévères, « les seuls antibiotiques efficaces sont les carbapénèmes ou la colistine, administrés par voie intraveineuse, ce qui rend le traitement plus agressif avec un suivi plus complexe en milieu hospitalier », préviennent les chercheurs.
Parmi les cas observés en France se trouvent des voyageurs revenant d’Asie du Sud-Est, ainsi que des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH). Et selon les observations des chercheurs de l’Institut Pasteur, les contaminations observées parmi les HSH ont été causées par une souche qui circule en Europe depuis 2020, ainsi qu’en Amérique du Nord et en Australie, et qui « représentait 97 % des souches XDR en France en 2021 ». Un constat qui « devrait être pris en compte par les cliniciens et les laboratoires dans le cadre des consultations pour infections sexuellement transmissibles (IST), prescrit l’institut ».
L’émergence de ces souches XDR inquiète à l’échelle planétaire, au point d’avoir justifié le classement par l’OMS de Shigella sonnei parmi les 12 « pathogènes prioritaires » pour lesquels de nouveaux traitements (vaccins ou antibiotiques) doivent être rapidement trouvés.
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