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Santé mentale des jeunes : la lettre de Thelma, 18 ans, souffrant de troubles psychologiques depuis quatre ans - Sud Ouest

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Le témoignage de Thelma, une lycéenne bordelaise de 18 ans en proie à des troubles anxieux depuis ses 14 ans, est précieux. Avec ses propres mots, elle décrit les éléments déclencheurs de son mal-être, mais aussi son chemin pour le dépasser.

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« Hier encore. J’avais ce rêve de bien reproduire le schéma parental en ayant mon bac et en faisant de longues études. Malheureusement on vit dans le XXIe siècle, rempli de réformes, de problèmes mondiaux. Problèmes qui touchent toutes les générations, dont les plus jeunes qui comprennent tout et sont impactés. Ma génération a le sentiment de ne pas être consultée, qu’on ne nous demande pas notre avis, et même si on le donne, de ne pas être écouté parce que ces problèmes sont des problèmes « d’adultes ».

Je suis arrivée en seconde au lycée, à Bordeaux, alors qu’en troisième, mes profs m’avaient dit que ça se passerait mal pour moi. Du coup, j’ai ressenti la pression dès la rentrée, cette compétition qui commence. J’ai rapidement développé des troubles du comportement alimentaire. À cette époque, le burn-out de ma mère a créé un gros changement dans mon quotidien à la maison et à l’école. J’ai donc consulté un psychiatre, j’ai pris du temps pour recréer une relation avec la nourriture et je me suis lâchée la grappe à calculer ce que je pouvais manger ou pas, mon poids, à quoi je ressemblais…

Ça m’a pris du temps, puis j’ai mieux vécu mon année de première, entre l’été et les confinements, qui ont produit chez moi comme une respiration forcée hors du lycée. Un cocon. Mais après comment reprendre le rythme ? Ma première semaine de terminale fut l’élément déclencheur. On te fait comprendre qu’il va falloir te démarquer, avoir des bonnes notes tout le long de l’année si tu veux obtenir ton bac et te classer dans parcoursup. C’est cette semaine-là où j’ai fait ma première crise d’angoisse. J’ai cru m’étouffer sans pouvoir respirer, sans comprendre pourquoi il m’arrivait ça, pourquoi je pleurais autant. J’ai complètement paniqué et c’est l’infirmière scolaire qui m’a expliqué : « Attaque de panique ».

Les semaines d’après, l’ambiance à la maison était tendue parce que personne ne comprenait que je ne voulais plus aller au lycée, que je ne pouvais plus. Je me réveillais tous les matins en pleurs sans pouvoir respirer. Parfois je vomissais sur la route du lycée ou je faisais des malaises. J’ai toujours aimé l’école, je suis de nature très sociable. Moi, tellement bavarde, impossible de sortir un mot. Je ne voulais plus sortir, plus parler, rester chez moi dans ma chambre et c’est tout.

J’ai vu beaucoup de psys, dont une qui m’a proposé une hospitalisation psychiatrique. Mais je savais très bien que si je tenais, c’est parce que j’étais chez moi dans ma chambre avec mes parents, mon copain, mon chat et quelques amis qui comprenaient ce qui se passait. Beaucoup de gens ont dit ou pensé que j’étais flemmarde, une « chômeuse » déscolarisée. Mais si peu ont essayé de comprendre, même moi je ne comprenais pas et je m’en suis voulu avant d’accepter que non je n’étais pas folle, je n’étais pas nulle, arrêter de m’en vouloir.

Sortir de chez moi le matin, réviser, me concentrer, gérer mes émotions, sans qu’elles débordent dans tous les sens. Impossible. J’avais constamment peur de ce qui m’arrivait et de ce que je pensais devenir. Qui était cette autre personne, pourquoi j’avais perdu cette petite fille que selon mes parents rien n’arrêtait ? Peur de grandir, de devenir adulte, de perdre mes proches, de devoir gérer un monde qu’on nous laisse dans un piteux état, à cause de décisions prises par des gens qui seront morts dans trente ans. Un sentiment d’injustice et de trouille mêlées.

Mais le temps fait tout. Ainsi que le travail avec une psy qui enfin me convenait. J’ai donc pris le temps et j’ai essayé de me donner les outils pour réagir à mes propres sentiments. Les gens autour de moi au fil de discussions ont appris à réagir eux aussi, à ne pas me brusquer, à me laisser le temps d’aller mieux et comprendre aussi que non les progrès ne sont pas constants, on ne peut pas aller mieux d’un coup. J’apprends encore maintenant à gérer tous ces symptômes, à ne plus m’en vouloir. J’ai encore du mal à aller au lycée mais j’ai passé mes épreuves de spécialité et j’en vois enfin le bout. Car après la tempête il y a toujours du beau temps, et la tempête te rend plus fort.

Il y a tellement de choses que j’aimerais exprimer sans avoir les mots. Les limites du langage sont un fardeau, surtout quand pour nommer ce qui t’arrive il n’y a qu’une expression : « Phobie scolaire », alors qu’en fait j’aime l’école. Je me rends compte que des gens se sont battus pour que j’ai cette chance d’être scolarisée en tant que jeune fille, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. Mais comment aller bien dans sa tête après 2020, alors que tous les jeunes en bavent, sont perdus, n’ont plus forcément les passions qu’avaient leurs parents et qu’on leur demande de se choisir un avenir alors qu’ils ont 15 ans ? Comment continuer à aimer l’école lorsque tu passes de la maternelle et la primaire – des endroits de sociabilité, d’amusement et d’éveil intellectuel – au collège et au lycée où tu ne peux pas parler sous peine d’être puni, où tu dois te battre pour réussir alors que tu n’es même pas majeur ? Pourquoi personne n’en parle ? Pourquoi au lycée on ne nous dit pas de faire ce qu’on peut ? Et mettre en place des interventions pour que les gens qui ont traversé la même chose que moi donnent de l’espoir et des conseils ? J’en aurais eu tellement besoin. »

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