Marc Gauthier est un élu. Il en a tout à fait conscience, sachant qu’il a donné beaucoup de sa personne pour être à la hauteur de l’engagement. Assis sur son canapé à Bordeaux, entouré de ses deux gros chats, il a l’œil qui frise. Prêt à lâcher une vanne, à la moindre occasion. Et si son élocution est un peu heurtée, « merci Mademoiselle Parkinson », son esprit n’a rien perdu de sa vivacité. Après tout, il n’a que 63 ans. À regret, il entame sa retraite d’architecte.
Il est atteint de la maladie de Parkinson, diagnostiquée en 1996. Après deux années de « lune de miel », sans trop de symptômes, est venu le temps de « la débâcle », avec de lourdes dyskinésies, ces mouvements involontaires des jambes, des bras qui l’handicapent vraiment. Il ne marchait quasiment plus depuis plusieurs années, lorsque...
Marc Gauthier est un élu. Il en a tout à fait conscience, sachant qu’il a donné beaucoup de sa personne pour être à la hauteur de l’engagement. Assis sur son canapé à Bordeaux, entouré de ses deux gros chats, il a l’œil qui frise. Prêt à lâcher une vanne, à la moindre occasion. Et si son élocution est un peu heurtée, « merci Mademoiselle Parkinson », son esprit n’a rien perdu de sa vivacité. Après tout, il n’a que 63 ans. À regret, il entame sa retraite d’architecte.
Il est atteint de la maladie de Parkinson, diagnostiquée en 1996. Après deux années de « lune de miel », sans trop de symptômes, est venu le temps de « la débâcle », avec de lourdes dyskinésies, ces mouvements involontaires des jambes, des bras qui l’handicapent vraiment. Il ne marchait quasiment plus depuis plusieurs années, lorsque son médecin neurologue, le professeur Dominique Guehl du CHU de Bordeaux, lui propose de participer à une expérience scientifique.
« Je suis d’un naturel curieux et fonceur. Pour preuve, j’ai été maire de la commune de Saint-Michel-de-Rieufret, en Gironde pendant douze ans. Parkinsonien, architecte et maire ! » Quoi de plus naturel pour lui, que de participer corps et âme à une œuvre de santé publique. « J’ai été choisi parce que je correspondais bien aux critères attendus par les scientifiques et les chirurgiens. J’étais à la fois très altéré par la maladie sur le plan cognitif – je ne marchais plus, je me cassais la figure plusieurs fois par jour – mais j’étais actif sur le plan intellectuel et très demandeur. Parce que pour réussir à me remettre debout, il fallait que j’accepte les différentes opérations, les tests, les réglages, des mois de mobilisation en Suisse. Être acteur au sein de cette équipe géniale a été une aventure, on est tous devenus des copains, une famille avec des chefs et des sous-chefs. En fait, on s’est bien marré tous ensemble. »
« Il fallait travailler sur les réglages. Six mois d’exercices, d’analyses, d’observations, de gadins, de rééducation. Ce travail a créé des liens entre nous »
Un « gentil cobaye »
Si les médecins et les chercheurs refusent de qualifier Marc Gauthier de « cobaye », lui, ne se gêne pas. « Mais si, mais si, je suis un cobaye, un gentil cobaye d’ailleurs, car j’étais toujours prêt à toutes les expérimentations. J’avais déjà été opéré en 2004 : une stimulation profonde du cerveau. Ma femme Nathalie avait plus la trouille que moi : deux trous à la perceuse dans le crâne, où l’on a introduit un fil qui rejoint un boîtier – genre pacemaker – implanté sous la peau au niveau du torse. Des heures sur la table d’opération, éveillé pour que je puisse répondre à toutes les questions. Même pas peur. Bon après, ça a un peu amélioré mes dyskinésies des bras, mais pas le reste. »
« Au début, ça dysfonctionnait, les chutes étaient nombreuses. Il valait mieux faire des vannes que se décourager »
En novembre 2021, retour au bloc. Marc Gauthier est opéré par l’équipe du centre NeuroRestore au CHU de Lausanne, en Suisse : Jocelyne Bloch, Grégoire Courtine et Eduardo Martin-Moraud. Toujours pas peur. « On a juste introduit une neuroprothèse dans la moelle épinière, en bas du dos. Rapide, efficace. Beaucoup moins traumatisant. Quelques jours après, il fallait travailler sur les réglages, se souvient Marc. Six mois d’exercices, d’analyses, d’observations, de gadins, de rééducation avec un kiné. Toutes ces épreuves ensemble, ce travail a créé des liens entre nous. »
Nathalie, son épouse, était du voyage. Six mois, dans un hôtel ouvert aux patients du CHU de Lausanne « un 3 étoiles, impeccable ! » Marcher, tomber, se relever, s’asseoir, et « se casser la gueule ». Avec le neurotransmetteur, sans le neurotransmetteur. « On s’est quand même beaucoup marré, au début ça dysfonctionnait, les chutes étaient nombreuses. Il valait mieux déconner, et faire des vannes que se décourager. Et puis, on a fini par trouver le bon réglage, bingo. J’ai bien tenu le coup, parce que me casser la figure, c’était mon quotidien depuis longtemps. C’est Nathalie qui me ramassait. Je me suis plusieurs fois cassé l’arcade sourcilière d’un côté, de l’autre, même le nez. Là, c’était différent, chaque chute nous apprenait quelque chose. Ce n’était pas un échec. »
Marc Gauthier évoque aussi avec tendresse, ses deux grands fils, avec qui il n’a « jamais joué au foot ». Deux fils qui ont fait barrage, l’ont protégé toute sa vie : « Personne n’avait intérêt de se moquer, sinon… C’est bizarre, j’ai été un drôle de père, observe-t-il, pas tout à fait un père. »
« Au CHU de Lausanne, j’ai vu marcher un paraplégique. Ce qu’ils font là-bas est révolutionnaire »
Un espoir fou pour les malades de Parkinson
Tout à l’heure, il est rentré chez lui après avoir fait une course. Un petit bonheur retrouvé : « J’ai couru pour attraper le bus ! Un 100 mètres. Courir pour ne pas rater le bus, c’est venu presque naturellement. Et lorsque je suis monté, ébouriffé et essoufflé, j’étais ému. J’ai appelé Nathalie, elle ne m’a pas cru, pourtant c’est vrai. Je n’avais pas couru depuis trente ans. Dans la foulée, j’ai appelé l’équipe de Lausanne, ils n’en revenaient pas ! »
Il raconte tout, en vrac, l’avant, l’après. Sa vie qui prend une nouvelle tournure, son amitié avec les scientifiques, la reconnaissance. Le sentiment discret d’être à l’origine d’un espoir fou pour les malades de Parkinson et même pour les paraplégiques, il a même baissé ses doses de L.Dopa (dopamine) depuis l’opération.
Il pense à ses fils quand ils vont le voir debout, taper dans un ballon de foot et peut-être plus encore. « Pendant mon séjour au CHU de Lausanne, je n’étais pas seul, j’ai vu marcher un paraplégique, ajoute-t-il. Ce qu’ils font là-bas est révolutionnaire. Mon neurotransmetteur est tellement simple, il suffit juste d’une petite télécommande, je la mets sur « on » le matin. Et c’est parti. Depuis que je suis rentré, j’ai été à Ikea avec Nathalie. Normal pour vous, incroyable pour moi, je n’allais nulle part et surtout pas dans les lieux publics depuis quinze ans. Je ne prenais plus l’ascenseur, sinon je me cassais la figure à cause du « freezing », ce blocage des pieds propre aux parkinsoniens. J’ai pris l’avion, l’aéroport les doigts dans le nez, le train. Mon vœu, aujourd’hui, ultime : faire du ski nautique. Je pratiquais quand j’étais jeune et je rêve de retrouver cette sensation. »
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