Paris, le mardi 29 août 2017 – Le 20 juillet est paru au Journal officiel un arrêté attendu de longues date par les associations de lutte contre le Sida : il procède au retrait du VIH de la liste des affections empêchant l’accès à des soins funéraires de conservation. Le texte s’appliquera à partir du 1er janvier 2018 et est le fruit d’une mobilisation soutenue de l’ensemble des organisations de défense des patients séropositifs qui ont longtemps dénoncé cette exclusion des malades, qui ne semblait s’appuyer sur aucune réalité médicale.
Une très mauvaise nouvelle pour les thanatopracteurs
Cependant, dès la publication du décret, les syndicats de thanatopracteur avaient fait part de leur désapprobation. Le président du Syndicat professionnel des thanatopracteurs indépendants et salariés (SPTIS) ne cachait ainsi pas sa volonté d’étudier les voies de recours contre cet arrêté. Il considérait en effet que les mesures prises par le gouvernement pour renforcer la sécurité des thanatopracteurs sont insuffisantes. Avant de s’engager sur le terrain judiciaire, le syndicat semble cependant avoir décidé d’utiliser la voie pétitionnaire, très en vogue. Un texte a ainsi été publié la semaine dernière sur le site Change.org. L’organisation qualifie la levée de l’interdiction de « très mauvaise nouvelle pour nous, thanatopracteurs, thanatopractrices et professionnels du funéraire. Nous refusons le terme de discrimination. Les soins de conservation sont un procédé invasif, où le risque de piqûre ou coupure est réel, malgré le port des équipements de protection individuelle recommandés. Nous, thanatopracteurs, acceptons de pratiquer des toilettes mortuaires, un acte qui est identique au soin, à l'exception des actes invasifs de conservation (Sutures et incisions) et qui permet de se recueillir dans les mêmes circonstances auprès du défunt » assurent les spécialistes, qui exigent donc l’annulation pure et simple de l’arrêté.
Des déclarations outrancières
Un tel retour en arrière est inenvisageable pour les associations de lutte contre le Sida qui signent ce mardi 29 août une lettre ouverte au président du SPTIS. Ils rappellent tout d’abord que ce syndicat a été largement associé au choix des pouvoirs publics de lever l’interdiction : plusieurs réunions de concertation ont en effet été organisées par la Direction générale de la santé en présence du SPTIS. « Information que vous semblez omettre de communiquer aux personnes à qui vous adressez votre pétition, nombreux étant les signataires indiquant que cette décision aurait été prise sans concertation, ce qui est donc totalement faux » épingle la lettre ouverte. Les associations de lutte contre le Sida s’indignent par ailleurs de la proposition faite par les thanatopracteurs de substituer les soins de conservation par la toilette mortuaire. Au-delà de 36 heures après le décès, cette dernière est insuffisante pour assurer aux proches du défunt les mêmes conditions de recueillement que des soins de conservation, affirment les associations « Oser dire que les proches du défunt peuvent se recueillir dans les mêmes conditions est donc faux, et même outrancier au regard de l’expérience de nombreux proches depuis trente ans » dénoncent les organisations.
Un faux sentiment de sécurité
Si les thanatopracteurs souhaitent le maintien de l’interdiction, c’est qu’ils considèrent qu’elle a assuré leur protection tout au long des trente dernières années et permis l’absence de transmission du VIH. Mais les associations de lutte contre le Sida font remarquer que 25 000 personnes vivent avec le VIH sans le savoir en France : des soins de conservation ont donc très probablement été réalisés sur des défunts séropositifs. L’absence de contamination est donc bien plus certainement liée au bon respect des pratiques d’hygiène qui doit s’imposer en toutes circonstances. A cet égard, les associations relèvent que « cette interdiction (…) entraînait un sentiment de fausse sécurité pour les thanatopracteurs ». Enfin, outrées par le ton de la pétition des thanatopracteurs dont elles estiment qu’elle contribue à « entretenir des représentations erronées et stigmatisantes pour les personnes vivant avec le VIH », les associations de lutte contre le Sida espèrent que le SPTIS la retirera.
Pas d’inconscience chez les associations de lutte contre le Sida
Doit-on voir dans cette bataille, une irréconciliable défense aveugle des intérêts de chacun ? Si les associations de lutte contre le Sida sont volontiers militantes, on sait que leur priorité est d’abord d’éviter de nouvelles transmissions. On se souvient à cet égard que l’organisation AIDES a toujours adopté une position mesurée concernant la levée de l’interdiction du don du sang par les homosexuels masculins, soulignant qu’une contamination par ce biais serait particulièrement grave (et dommageable pour l’image des séropositifs et des homosexuels). Il est très probable que concernant les soins funéraires, la position des associations soit animée par le même souci d’équilibre entre la lutte contre la discrimination des séropositifs et la volonté d’éviter de nouvelles contaminations. En l’occurrence le risque est ici si faible (si les précautions sont prises) que la revendication des associations apparaît légitime.
Quand Jean-Luc Romero refuse une triste invitation
De l’autre côté, il n’est pas exclu que les thanatopracteurs ressentent une certaine crispation : ils pourraient craindre que leur métier n’incite pas au même degré de considération que d’autres. D’ailleurs, dans un article publié aujourd’hui, Helène Tiprez Secrétaire Générale du SPTIS signale qu’elle a proposé à Jean-Luc Romero président d’Elus locaux contre le Sida « de me suivre lors d’un soin de conservation afin qu’il se rende compte de la réalité du terrain et des différentes étapes du protocole de soin…Il a refusé ! Il (…) crie à la discrimination sans savoir de quoi retourne véritablement l’acte qu’il prône sans réserve, un peu irresponsable et démagogique n’est-ce pas ? » s’interroge la responsable du SPTIS qui témoigne par ce billet qu’elle est loin d’avoir entendu la réponse des associations.
Aurélie Haroche
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