L’Association française des malades de la thyroïde organise, vendredi 8 septembre, un rassemblement devant l’Assemblée nationale, à Paris, pour demander</a> le retour à l’ancienne formule du Levothyrox. De nombreux patients décrivent des effets secondaires « épouvantables » imputés au changement de composition de ce médicament et dénoncent un « scandale sanitaire ». Explications.
Le Levothyrox, un médicament incontournable
Le Levothyrox est un médicament sous forme de comprimé destiné à corriger</a> l’hypothyroïdie, liée à l’insuffisance de production d’hormones par la glande thyroïde ou à son absence. Il permet aussi de freiner</a> la sécrétion de TSH, une hormone qui stimule la thyroïde.
En France, cette hormone de synthèse est prescrite à 3 millions de patients, dont 80 % de femmes. Le traitement est quotidien et doit être</a> pris à vie par les personnes ayant subi une ablation de la thyroïde – 40 000 opérations sont réalisées chaque année, selon l’Assurance maladie.
La substance active, la lévothyroxine sodique, figure au 8e rang des plus vendues en pharmacie, après le paracétamol, l’ibuprofène ou l’amoxicilline, selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) datant de 2013.
Le Levothyrox, produit par le laboratoire allemand Merck, domine très largement ce marché, et se situe même au premier rang des boîtes vendues sur ordonnance. Comme l’explique l’ANSM, il fait partie des rares produits « non substituables ». Le médecin peut interdire</a> qu’il soit remplacé par le générique équivalent, car il a une « marge thérapeutique étroite » : le dosage adapté à chaque patient est difficile à trouver</a> et un très faible changement de composition peut avoir</a> des effets importants.
Un changement de composition controversé
Le laboratoire Merck a mis sur le marché fin mars 2017 une nouvelle formule du Levothyrox. Les changements ne concernent pas la molécule active, mais les « excipients », c’est-à-dire les autres substances qui permettent de donner</a> sa forme au médicament (comprimé, gélule, sirop), d’améliorer la conservation ou de modifier</a> le goût.
L’ANSM avait constaté en mars 2012 que la dose de substance active du Levothyrox avait tendance à varier</a> d’une boîte à l’autre ou au cours du temps. Par ailleurs, un des excipients, le lactose, pouvait entraîner</a> des intolérances. Ce dernier a donc été remplacé par du mannitol, un édulcorant très répandu sans effet notoire à petite dose (bien qu’il puisse être laxatif à haute dose) et de l’acide citrique a été ajouté afin de stabiliser</a> le médicament. Au passage, la couleur des boîtes et des blisters a été modifié.
Le laboratoire a informé les 100 000 professionnels de santé par un simple courrier le 27 février. Les pharmaciens étaient invités à terminer</a> les stocks de l’ancienne formule pour ne pas faire</a> coexister</a> les deux types de boîtes. Il était recommandé aux médecins prescripteurs de « confirmer l’équilibre thérapeutique » par un suivi spécifique uniquement pour les personnes à risque : femmes enceintes, enfants, personnes âgées, patients atteints d’une maladie cardiovasculaires.
Des milliers de témoignages d’effets secondaires
La nouvelle formule du Levothyrox a donc été introduite progressivement et parfois sans information, puisque les médecins et pharmaciens n’avaient pas tous lu attentivement la lettre du laboratoire. Mais des milliers de témoignages de patients sont apparus progressivement sur des forums et dans la presse, évoquant des effets secondaires « épouvantables » : crampes, vertiges, pertes de mémoire, fatigue extrême, insomnies, désordres digestifs…
Plusieurs personnes, contactées par Le Monde, ont expliqué qu’elles n’avaient pas forcément identifié tout de suite le lien avec la prise du médicament. Beaucoup ont toutefois eu l’impression de « repartir à la case départ », au moment où leur traitement n’était pas correctement dosé. L’une des difficultés est que les effets secondaires des dérèglements thyroïdiens peuvent être très différents d’un patient à l’autre.
Lire aussi : Levothyrox : le cri d’alarme de malades de la thyroïde
Pétitions, plaintes et traitements alternatifs
Dès fin juin, une pétition pour revenir</a> à l’ancienne formule du Levothyrox a été mise en ligne. Elle recueille désormais plus de 200 000 signatures. Plus de 5 000 déclarations d’effets secondaires liés à ce médicament ont été remontées aux autorités sanitaires grâce à la plate-forme signalement-sante.gouv.fr, qui a même enregistré un pic de 1 200 déclarations le 23 août, contre 20 à 50 en temps normal.
Fin août, une avocate de 58 ans a déposé une plainte contre le laboratoire Merck pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Le 4 septembre, la comédienne Anny Duperey, elle-même traitée pour hypothyroïdie, a lancé un « cri d’alarme » dans Le Parisienet adressé une lettre ouverte à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, décrivant les symptômes qu’elle ressentait (maux de tête, crampes, fatigue…) et demandant le retrait de la nouvelle formule.
L’Association française des malades de la thyroïde a organisé une manifestation le 8 septembre, avec le soutien de personnalités impliquées dans les questions de santé publique, comme le toxicologue André Cicolella, l’avocate Marie-Odile Bertella-Geffroy, l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi ou Philippe Even, président de l’Institut Necker.
Parallèlement à la mobilisation médiatique, de nombreux patients ont demandé à changer</a> de traitement, en se faisant prescrire</a> la lévothyroxine sous forme de gouttes buvables. Les pharmaciens constatent une explosion de prescriptions de L-Thyroxine, qui ne représentait jusqu’à présent que 1 à 2 % des ventes. Or il est très compliqué au laboratoire qui le fabrique, Serb, d’augmenter la production rapidement. Pour éviter</a> des risques de rupture de stock, l’ANSM a demandé le 31 août aux médecins et pharmaciens de réserver</a> « en priorité » ces produits aux enfants et aux patients ayant des problèmes de déglutition, qui n’ont pas d’alternative. D’autres patients ont fait le choix d’interrompre totalement le traitement – ce que déconseillent formellement toutes les associations de patients et autorités médicales.
Le laboratoire refuse tout retrait du produit
En dépit de la polémique et des pétitions, le fabriquant du Levothyrox a confirmé qu’il n’était « pas du tout question de revenir à l’ancienne formule ».« Nous comprenons la détresse des patients, mais il n’y a pas de solution miracle. Il faut voir</a> avec son médecin s’il y a un besoin de nouveau dosage, et si ce n’est pas le cas, il faut attendre</a> que le corps s’habitue », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) une porte-parole de Merck, qui rappelle que le changement avait été réalisé à l’initiative de l’ANSM et « dans l’intérêt du patient ».
« A ce stade, il n’y a aucun effet indésirable dont la cause est liée au médicament. Les symptômes relatés sont classiques d’un dysfonctionnement thyroïdien, lié à une quantité de principe actif moins importante »
Interrogé en août par Le Parisien, le laboratoire a précisé que cette nouvelle composition du produit ne coûtait pas moins cher que l’ancienne et que sa mise au point avait nécessité un investissement de 32 millions d’euros sur cinq ans.
Les autorités sanitaires pointent un défaut d’information
Les associations de malades, comme Vivre sans thyroïde, regrettent que les patients n’aient pas été informés dès le départ de l’existence d’une nouvelle formule « afin d’éviter tout effet nocebo » (l’inverse de l’effet placebo). Seuls les professionnels ont été avertis du changement de composition, par le biais jugé peu efficace d’un courrier papier. Dominique Martin, directeur général de l’agence de santé, a concédé dans Le Monde qu’il y avait eu « un défaut d’information aux patients ». Après la publication de témoignages dans la presse, l’ANSM a publié un questions-réponses sur son site le 17 août, et a mis en place un numéro vert à destination des patients le 23 août (0800-97-16-53), qui a été submergé d’appels – plus de 150 000 en une semaine.
Lire aussi : Levothyrox : l’Agence du médicament reconnaît un défaut d’information aux patients
Agnès Buzyn a été interpellée le 24 août par une question écrite du sénateur LR de Savoie Jean-Claude Carle sur « les mesures qu’elle entend mettre</a> en place pour répondre</a> à l’inquiétude et à la souffrance des patients ». Le 7 septembre, elle a reçu des associations de patients concernés. Reconnaissant que « certains patients ont ressenti des effets secondaires indésirables et très gênants », la ministre a assuré que ces symptômes devraient « s’estomper avec le temps » et qu’il n’y avait « pas de mise en danger de la vie des gens ».
Pour la ministre de la santé, « ce n’est pas un scandale sanitaire, c’est une crise. Il n’y a pas de faute, il n’y a pas de fraude (…). L’enjeu, c’est l’information. » Un paramètre qui n’a sans doute pas suffisamment été pris en compte dès le départ.
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