Leur combat sera sans doute long. Comme celui du céréalier charentais de Bernac Paul François. Les parents d'un garçon de 10 ans atteint de graves malformations congénitales ont décidé de poursuivre en justice des fabricants d'herbicides à base de glyphosate, dont le géant américain Monsanto, responsables, selon eux, du handicap de leur fils Théo. "Nous allons porter plainte. Ça devrait être fait d'ici une quinzaine de jours", a déclaré ce mercredi le père du garçonnet, Thomas Grataloup, qui habite près de Vienne dans l'Isère.
Selon lui, cette procédure serait une première en France pour ce type de pathologie. La procédure, dont l'arbitrage entre civil et pénal est en cours, doit viser à établir la "responsabilité respective" des fabricants mis en cause "dans les malformations congénitales" de l'oesophage et du larynx de Théo, ont précisé les conseils parisiens de la famille, Mes William Bourdon, Amélie Lefebvre et Bertrand Repolt. "Si l'atrésie de l'oesophage (ndlr: dont souffre Théo) est une malformation jusqu'ici considérée comme rare, sa survenance après une exposition au glyphosate n'est pas inédite, ni isolée", ont-ils ajouté, évoquant un cas similaire "déjà connu" en Argentine. Ils souhaitent donc de la justice la reconnaissance d'"un lien de causalité" entre exposition à l'herbicide et malformations.
"Tératogène"
En août 2006, la mère de Théo, Sabine, alors enceinte sans le savoir "de trois-quatre semaines", a été exposée au glyphosate lors du désherbage chimique d'une carrière d'équitation que le couple possède en Isère. Le produit qu'elle avait utilisé, "sans protection particulière", était l'herbicide Glyper, un générique du Roundup de Monsanto. "C'était marqué (sur les bidons) qu'il ne fallait pas respirer les vapeurs mais il n'y avait aucune information - et il n'y en a toujours pas - sur le caractère tératogène (ndlr: susceptible de créer des malformations) du produit", a indiqué Thomas Grataloup. L'exposition de la mère serait intervenue à la période où, "précisément, la trachée et l'oesophage se séparent chez le foetus", a-t-il expliqué.
En raison de ses malformations, Théo respire depuis sa naissance par un "trou dans sa gorge" à la suite d'une trachéotomie. Cet automne, il doit subir une 52e opération pour rendre son quotidien moins inconfortable. Selon son père, le petit garçon ne parle que par un "trou dans la gorge", ses "cordes vocales étant inutilisables". Il est interdit d'activités nautiques sous peine "d'avoir immédiatement de l'eau dans ses poumons et de se noyer". Opéré en Suisse et en France, Théo mange depuis un an et demi normalement alors qu'il était nourri jusqu'à alors par un "trou dans l'estomac" avec des poches nutritives (gastrostomie).
"Tribunal Monsanto"
En 2010, le couple a tenté d'avertir les pouvoirs publics en écrivant à la Présidence de la République, au Premier ministre et aux ministères de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Santé. "Rien ne s'est produit", a regretté Thomas Grataloup, malgré l'intervention des députés Julien Dray (PS) et Jacques Remiller (UMP) qui ont posé chacun une question écrite au gouvernement. Depuis un "tribunal Monsanto", un "procès citoyen" organisé fin 2016 à La Haye, le couple se dit encore plus convaincu que les fabricants d'herbicides comme Monsanto "étaient au courant de certains dangers du glyphosate, qu'ils n'ont rien fait (...) et qu'ils font tout pour que ça continue". Le renouvellement de la licence dans l'UE du glyphosate, l'un des herbicides les plus utilisés dans le monde, suspecté d'être cancérogène, fait l'objet d'un bras de fer à Bruxelles. Son autorisation actuelle s'achève fin décembre.
Le comité d'experts chargé du dossier, où siègent des représentants des Etats membres, se réunit jeudi et vendredi à Bruxelles. Aucun vote n'est attendu pour le moment, les positions des Etats membres restant trop floues. A ce jour, la France est l'un des seuls pays, avec l'Autriche et l'Italie, à s'opposer publiquement à la proposition de la Commission européenne de renouveler pour dix ans la licence du produit. Le gouvernement français s'est cependant dit ouvert à une période d'autorisation réduite, à cinq ou sept ans par exemple.
Charente: l’intoxication de Paul François va être rejugée
La décision est tombée le 7 juillet dernier, nouveau coup de massue confirmant que Monsanto n’épargnera rien à Paul François (photo archives Phil Messelet). Premier agriculteur à avoir fait condamner le géant américain de la chimie pour son intoxication au Lasso, un herbicide, en 2004. Paul François, le céréalier de Bernac, va devoir repasser par la case tribunal. Il a gagné en première instance, a gagné en appel. À chaque fois, les magistrats ont dit que oui Monsanto, qui produit aussi le fameux Roundup, était responsable de l’empoisonnement de l’agriculteur charentais. Et a condamné le mastodonte américain à entièrement indemniser le petit céréalier charentais.
Mais le 7 juillet, la Cour de Cassation a fait droit au pourvoi déposé par la firme américaine. Et renvoyé tout le monde devant les juges, estimant que Monsanto aurait dû être poursuivi pour "défaut de produit". Précision de taille: la cour de cassation ne juge que la forme, pas le fond. "C’est donc reparti pour deux à trois ans de procédure", lance, las, le céréalier de Bernac Ce pourvoi, Paul François le pressentait depuis la décision de la cour d’appel de Lyon, en septembre 2015. "C’est leur façon de faire". Attaquer, contre-attaquer, faire durer le déplaisir. Il est donc reparti pour deux à trois ans de procédure, d’expertises, de contre-expertises, de conclusions des avocats de Monsanto mettant en doute jusqu’à la réalité de son intoxication, de ses crachats de sang, de ses pertes de connaissance. Malgré les cinq mois d’hospitalisation, les 63 jours à la Pitié-Salpêtrière.
Paul François, qui sortira un livre chez Fayard en octobre, va aussi devoir faire face aux conséquences judiciaires de cette procédure qui dure depuis déjà 13 ans. "Les gens croient que je suis riche grâce à ce procès. Mais à ce jour, Monsanto n’a pas versé un seul euro. Et j’ai 50.000 euros de frais de procédure que je n’ai pas encore payés. Et il faut continuer", dit-il. C’est aussi l’une des stratégies du producteur de pesticides: tout faire pour que les frais de la procédure gonflent, jusqu’à ce que l’adversaire se lasse.
Paul François: "Jusque-là, des gens connus, qui ne veulent pas que ça se sache, m’ont aidé, m’ont soutenu même financièrement. Mais là, alors que je m’y étais toujours refusé, on va lancer une souscription, sûrement en octobre, pour la suite de la procédure", dit-il, en espérant que ses deux premières victoires judiciaires seront suivies d’une troisième. Définitivement historique cette fois.
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