Search

Levothyrox : les grandes leçons de la crise

A partir de ce lundi l'ancienne formulation du Levothyrox est à nouveau disponible en pharmacie. Mais à titre temporaire. Et seulement pour les patients qui n'ont pas réussi à s'acclimater à la nouvelle formulation lancée en mars. En attendant l'arrivée de produits alternatifs pour les déséquilibres thyroïdiens à partir du 15 octobre. Après avoir déclaré qu'il n'y aurait pas de retour en arrière, la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn a finalement cédé à la pression de l'opinion et le laboratoire allemand Merck s'est exécuté au prix d'un défi logistique. 

Que ce soit une bonne chose, on le saura dans les semaines qui viennent. Alors que le laboratoire s'est basé sur les 9.000 signalements d'effets secondaires, transmis à l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), beaucoup de professionnels craignent un retour massif vers l'ancien Levothyrox, y compris des patients bien adaptés au nouveau. En France, près de trois millions de personnes prennent ce type de médicament.

Une situation inédite

Inédit, ce retour à une ancienne formule est la conséquence d'un changement d'excipient (l'enrobage du principe actif) qui s'est transformé en crise sanitaire, avec une pétition réunissant plus de 280.000 signatures et des plaintes en justice. « Du jamais vu en santé » assure Olivier Mariotte, de la société de conseil Nile Consulting. « Tout le monde pensait avoir fait son travail et respecté le cahier des chargesL'ANSM était dans son rôle en demandant un changement de formule pour améliorer la qualité du produit et elle a averti les médecins et les pharmaciens, dit-il. Quant au laboratoire Merck, son étude de bioéquivalence a été réalisée selon les règles ». Alors comment expliquer une telle crise ? 

A cause des patients, qui se sont sentis négligés et dont certains ont vu se multiplier les effets secondaires (vertiges, maux de tête, perte de cheveux...). « Beaucoup de médecins n'ont pas écouté leurs patients lorsqu'ils évoquaient leurs symptômes, d'autant plus qu'ils étaient peu spécifiques et pas toujours associés à des marqueurs biologiques objectifs », reconnaît Delphine Family, généraliste à Paris. Selon un sondage du site Internet du Vidal, de 1 à 10 % des patients traités avec le médicament ont consulté, et le traitement des trois-quarts d'entre eux a dû être adapté. 

Une pharmacovigilance inadaptée

L'ANSM n'a pas été plus attentive. Destinataire le 2 juillet d'une lettre de l'association « Vivre sans thyroïde » qui détaillait les cas de 49 patients se plaignant d'effets secondaires, elle n'a pas davantage réagi, comme le relate Muriel Londres, sa porte-parole. 

Enfin, le système de pharmacovigilance est largement inadapté. « Pour qu'un signalement soit retenu, beaucoup de centres régionaux de pharmacovigilance demandent aux patients de s'authentifier ce qui est dissuasif, souligne Claude Touche, le président de l'éditeur de logiciels eveDrug. En outre, l'ANSM est la seule agence en Europe qui ne transmet pas à l'Agence européenne du médicament les effets secondaires « non graves ». » Comme ceux du Levothyrox le plus souvent.  

Mais ce sont les réseaux sociaux qui ont été le véritable amplificateur de cette colère. Les patients se sont aussi tournés vers la justice. Les chances d'aboutir au pénal étant limitées en raison de « la difficulté à démontrer la faute », selon Christophe Leguevaques, avocat au barreau de Paris, ce dernier les incite à une action collective au civil pour « défaut d'information » et « préjudice d'angoisse » contre Merck. La plateforme qu'il a ouverte pour recueillir les plaintes a enregistré plus de 800 inscriptions le premier jour.

C'est à la demande de l'ANSM que Merck a développé la nouvelle formule du Levothyrox. Il s'agissait de limiter les variations de concentrations d'un lot à l'autre et dans la durée. Une étude portant sur 200 volontaires sains a prouvé la bioéquivalence. Mais avec ce produit, la dose efficace est proche d'un sur ou sous-dosage qui entraine des effets secondaires. Dans ces conditions, il aurait fallu une étude supplémentaire. Une approche adoptée en Belgique, lorsque Takeda a modifié son traitement de la thyroïde. Le changement était aussi indiqué sur les boîtes. Pas en France.

Let's block ads! (Why?)

https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/030639535183-levothyrox-les-grandes-lecons-de-la-crise-2118490.php

Bagikan Berita Ini

Related Posts :

0 Response to "Levothyrox : les grandes leçons de la crise"

Post a Comment

Powered by Blogger.