
En 1948, Sciences et Avenir s'intéressait déjà aux épidémies annuelles de grippe... Nous rapportons ci-dessous le texte d'origine, dans le cadre du 70e anniversaire du magazine. Cliquez ici pour télécharger l'article original au format PDF.
Mars, avec ses brusques bourrasques avec ses variations de température, ses coups de froid qui surprennent après quelques jours de soleil, provoque une nouvelle épidémie de grippe. Mais depuis qu'on voit chaque année, chaque hiver et chaque printemps réapparaître ces petites épidémies sans lendemain, plus personne n'y prête attention : "Il a la grippe. dans huit jours ça ira mieux." Et, en effet, la grippe est bien cette maladie bénigne que chacun connait : une légère courbature. un peu de fièvre, le riez qui coule, de la fatigue qui persiste huit à dix jours et tout est fini.Pourtant, malgré cette apparente bénignité, la grippe est et reste un fléau grave qui préoccupe les hygiénistes du monde entier !
Qu'est-ce que la grippe ?
La grippe est une affection contagieuse, le contage se faisant d'un malade à un homme sain par l'intermédiaire des gouttelettes de salive. Ces gouttelettes contenant le virus grippal se déposent dans les fosses nasales, le larynx, la trachée et y provoquent une inflammation locale d'où les éternuements répétés, et l'écoulement nasal qui marquent le début de la maladie. Il faut insister sur ces premières manifestations de la maladie car ce rhume, ce coryza, par les éternuements qu'il provoque, entraîne de nouvelles projections de particules contagieuses et c'est à cette période que se dissémine la maladie. Le virus grippal ne s'arrête pas en si bon chemin, en deux à trois jours il va entraîner une nouvelle série de troubles : pulmonaires d'abord (souvent il se produit un peu d'œdème dans les poumons) puis nerveux, on sait avec quelle fréquence les malades se plaignent de douleurs, de maux de tête, de courbatures.
Le mécanisme de ces troubles est bien difficile à expliquer. Est-ce le germe lui-même qui les provoque, est-ce qu'il se contente au contraire de sécréter une toxine et est-ce cette toxine qui produit les troubles : nous n'en savons rien. Le problème est d'ailleurs de peu d'importance puisque, dans la grippe que nous connaissons, la guérison survient sans difficulté en trois à quatre jours...
La grippe ruine la sécurité sociale
A vrai dire la grippe n'est pas la maladie aussi bénigne que nous venons de le décrire. En effet, elle se complique assez souvent de congestion puImonaire heureusement peu grave et nous verrons plus tard qu'elle peut provoquer des maladies pulmonaires mortelles. La grippe est surtout une maladie très fatigante et il est souvent nécessaire de prendre sept à dix jours de convalescence. Or, ce simple fait entraîne des répercussions sociales bien imprévues. En effet, on peut se dire : "Qu'est-ce qu'une petite maladie qui entraînent dix jours d'arrêt de travail ? Elle est sans importance."
Cela serait de peu d'importance en effet s'il n'y avait qu'un seul grippé, mais cette maladie est malheureusement très contagieuse et l'année dernière plus de 50.000 Français en furent atteints. Or, 50,000 fois dix jours de repos coûtent 500.000 journées de travail. On conçoit que dans ces conditions les dirigeants de la Sécurité Sociale se préoccupent d'une maladie si coûteuse et attachent un intérêt tout particulier à la découverte d'un traitement efficace.
Les grandes épidémies
Si le public ne conserve de la grippe que le souvenir de cette maladie bénigne dont nous parlions plus haut, les hygiénistes se souviennent, eux, des grandes épidémies qui dévastèrent à plusieurs reprises le monde entier.
Au siècle dernier trois grandes, épidémies envahirent l'Europe, mais la plus grave, et la mieux connue, fut celle de 1918. La guerre n'est pas encore terminée, une petite épidémie de grippe se déclenche en janvier 1918 au Japon, brusquement elle s'aggrave. Lamaladie du début fait place à une affection redoutable qui se complique de broncho-pneumonie, d'oedème aigu du poumon, de méningite, une maladie qui tue un malade sur trois ! Et plus l'affection s'aggrave plus elle devient contagieuse ; en deux mois elle traverse la Chine, l'Asie, la Russie et l'Allemagne. Pendant le printemps, elle se développe dans les ports et affecte successivement tous les ports de la Méditerranée, de l'Atlantique et des Etats-Unis. Il lui a fallu exactement trois mois pour faire le tour du monde et pour rendre malades 100 millions d'individus I Et cette fois on est loin de la petite maladie sans gravité. Quand l'épidémie cédera, au début de 1919, elle aura fait 10.000 morts à Paris, 250.000 au Japon, 6 millions aux Indes.
Cette fois le problème est sérieux et l'on conçoit que tous les Instituts Pasteur, tous les laboratoires s'attellent à la tâche et cherchent à résoudre ce problème. Comment la grippe peut-elle se transformer en un fléau aussi redoutable ? Plusieurs causes ont été successivement étudiées. Il est certain que chacune d'entre elles joue un rôle, mais il est bien difficile à l'heure actuelle de déterminer leur importance réciproque. Certains se basant sur le fait que l'épidémie se développe surtout en fin d'hiver, en saison humide, attachent beaucoup d'importance aux conditions météorologiques. Les brusques variations de pressions barométriques, des vents, de la Lune et pour certains même les variations de l'ionisation de l'atmosphère pourraient exacerber l'épidémie. A vrai dire, toutes ces influences sont difficiles à prouver et restent le plus souvent du domaine de l'empirisme.
D'autres chercheurs s'attachèrent à un autre aspect du problème : ils constatèrent que la grippe est d'autant plus grave que le sujet qu'elle atteint est plus fatigué : les grippes les plus graves se voient surtout chez les convalescents d'autres maladies, chez les femmes enceintes, les surmenés et ils pensèrent que l'épidémie de 1918 avait été grave parce que les hommes, à la quatrième année de la grande guerre, étaient particulièrement fatigués et déprimés. A vrai dire cette théorie était bien hasardeuse et on se demande pourquoi il n'y eut pas d'épidémie grave en Europe sous l'occupation, où les conditions de vie étaient bien pires qu'en 1918.
Il reste une dernière hypothèse. Nous avons vu que la grippe même bénigne fatigue toujours le poumon, et que les grippés mouraient de broncho-pneumonie, d'œdème aigu du poumon, or ces affections ne semblent pas dues au microbe de la grippe lui-même, mais à d'autres microbes que connaît bien : pneumocoques. streptocoques. Aussi on a pensé que le virus de la grippe en se fixant sur le poumon ne provoquait pas par lui-même des lésions graves, mais qu'il se contentait de l'affaiblir, de le rendre plus vulnérable et, ensuite, les autres microbes pouvaient agir plus facilement et créer des maladies graves. Cette dernière éventualité, bien que la plus probable, n'est pas confirmée. Mais, quoi qu'il en soit, cesrecherches n'ont pas été inutiles car elles permettent d'établir quelques bons conseils à donner aux grippés.
Méfiez-vous de la grippe d'autant plus que vous êtes plus fatigué. Soyez prudent, après la grippe évitez les chauds et froids !
Le vaccin contre la grippe
Connaissant le virus de la grippe, on a naturellement cherché à préparer un vaccin contre cette maladie. Cette préparation a été réalisée pendant la guerre datte les pays anglo-saxons. On conçoit l'intérêt tout particulier que ces payspouvaient y attacher, à une époque où ils avaient besoin du maximum de rendement dans les usines, il ne faut pas oublier quela grippe leur faisait perdre plusieurs millions d'heures de travail par année et ce, d'autant plus, que les Anglais font souvent une grippe plus sévère que nous.
Le vaccin fut expérimenté avec soin et utilisé au cours même de la guerre, on dit mime que Churchill se fit vacciner. Mais les résultats ne furent pas aussi bons qu'on les attendait. L'hiver suivant l'épidémie de grippe fut atténuée, mais elle ne fut pas enrayée : 20 à 25 % des vaccinés furent touchés par l'infection grippale et surtout, deux ans après, l'effet de la vaccination avait complètement disparu. C'était un progrès certain mais ce n'était pas la certitude absolue : aussi, compte tenu des frais que représenterait cette vaccination renouvelée, ainsi que du faible danger que représente la grippe saisonnière, le projet de vaccination générale obligatoire contre la grippe, un instant envisagé, est maintenant abandonné.
Mais il est une période où il rendra d'inappréciables services, c'est au cours d'une grande épidémie de grippe mortelle. Ces épidémies ne durant jamais plus d'un an pourront donc être jugulées par un vaccin qui est efficace pendant deux ans. Grâce au vaccin, il sera maintenant possible de contenir l'affection en un point du globe (comme on l'a fait récemment en Egvpte pour le choléra) et l'on ne verra plus se développer autour du monde, ces brusques flambées épidémiques qui, tous les vingt-cinq ans, terrassaient plusieurs centaines de milliers d'individus.
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