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Levothyrox : le Conseil d'Etat calme le jeu !

Paris, le samedi 16 décembre 2017 - C’est un fait suffisamment rare pour être souligné. Les décisions de justice relatives au Levothyrox tombent plus rapidement que les études scientifiques sur l'acceptabilité de la nouvelle formule du produit. Le 14 novembre dernier, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Toulouse venait donner raison à 25 plaignants en ordonnant à Merck Serono de délivrer aux demandeurs l’ancienne formule du médicament. Si le laboratoire a fait appel de la décision, celui-ci a d’ores et déjà indiqué procéder à l’importation de 200 000 boites, permettant ainsi de se conformer à l’ordonnance rendue.

L’affaire avait donné lieu à un développement très surprenant en procédure civile. Ainsi, le juge des référés en personne est allé, lors de l’audience, procéder à des « constatations » dans une pharmacie proche du Tribunal pour vérifier la disponibilité de l’ancienne formule.

Dans cette bataille où les plaignants avancent en ordre dispersé, une première bataille a donc été remportée par les patients dans une action directement engagée à l’encontre du laboratoire. Qu’en est-il devant les juridictions de l’ordre administratif ?

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 13 décembre 2017 aborde un autre aspect du contentieux : celui engagé contre l’Etat s’agissant des mesures adoptées dans le cadre de la crise.
Un rappel des faits et de la procédure s’impose à ce stade.

Un référé liberté engagé contre la Ministre de la Santé

Un patient suit depuis plusieurs années un traitement par Levothyrox pour sa maladie thyroïdienne. Or, depuis le changement de la formule, celui-ci était, pour reprendre les termes de la décision « confronté à des effets indésirables graves ».

Une action fut engagée, non pas devant les juridictions civiles à l’encontre du laboratoire, mais devant les juridictions administratives pour enjoindre l’Etat (ici, le Ministre de la santé) à « prendre des mesures ou de saisir les autorités compétentes dans un délai de 48 heures (…) en vue de mettre l’ancienne formule de la spécialité Levothyrox à la disposition des malades en ayant besoin ».

Pas d’urgence pour le juge de première instance

Le requérant a fait le choix d’introduire un « référé-liberté ». Cette procédure permet au juge administratif d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté atteinte ». Cette action est recevable sous réserve « de justifier d’une situation d’urgence ».

Dans son jugement rendu le 21 septembre 2017, le Tribunal Administratif de Paris a rejeté la requête estimant simplement qu’il n’existait pas d’urgence à enjoindre le gouvernement de prendre des mesures.

Plus précisément, le juge administratif avait estimé qu’il n’y avait pas péril en la demeure, compte tenu du fait que le laboratoire Merck Serono avait de lui-même annoncé que l’ancienne formule du Levothyrox serait de nouveau disponible...

Le Conseil d’Etat se saisit de la question… pour mieux écarter la requête

La plus haute juridiction administrative est venue infirmer le jugement rendu par le Tribunal Administratif, considérant qu’il y a bien urgence sur cette question. En effet, au visa des dispositions du Code de la Santé Publique, le Conseil d’Etat rappelle que « toute personne » a le droit de recevoir « les soins les plus appropriés ».

La carence caractérisée d’une autorité administrative pour mettre en œuvre le droit fondamental de toute personne à recevoir, sous réserve de son consentement, des traitements appropriés peut donc constituer pour le Conseil d’Etat une atteinte grave à une liberté fondamentale.

Mais encore faut-il que cette carence soit caractérisée. Or, sur cette question, le Conseil d’Etat vient valider la position de l’administration dans le cadre de la gestion de cette affaire.

Dans un arrêt particulièrement motivé, la juridiction vient tout d’abord rappeler l’action de l’administration avant le déclanchement de la "crise" sanitaire et notamment l’envoi d’une lettre d’information de pharmacovigilance. Le Conseil d'Etat rappelle également que les effets indésirables présentés chez les patients (0,6 % des 2,6 millions de patients traités, selon le Conseil) sont susceptibles « de résulter des difficultés rencontrées dans le réajustement du dosage ».

Mais surtout, le Conseil d’Etat fait la liste de l’ensemble des dispositions prises par le gouvernement après le déclanchement de l'affaire. Ainsi, il est souligné que l’Agence nationale de sécurité du médicament avait autorisé l’importation de 401.000 boites d’Eurothyrox (ancienne formule du Levothyrox).

Dès lors, dans ces conditions (et compte tenu du fait que le requérant n’avait pas établi qu’il subissait personnellement des difficultés à se voir prescrire le médicament), le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’y avait pas de carence caractérisée de la part des autorités de l’Etat.

Cette décision ne préjuge pas du succès d’une éventuelle action en responsabilité au fond engagée contre l’Etat. Ainsi, comme cela a été souligné dans les différents articles du JIM (qui parfois « se fâche » sur la question !) la gestion de la crise par l’administration a parfois été jugée défaillante. Il reste toutefois que la responsabilité de l’Etat ne pourrait être recherchée qu’une fois le lien établi entre le produit et les troubles allégués. Or, en l’espèce, cette démonstration n’est toujours pas scientifiquement établie.

Charles Haroche (avocat à la Cour) charlesharoche@gmail.com

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http://www.jim.fr/medecin/e-docs/levothyrox_le_conseil_detat_calme_le_jeu__169191/document_jim_plus.phtml

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