Grâce aux dons, des avancées dans la recherche ont pu être obtenues. Et l’AFM Téléthon veut toujours aller plus loin : une plateforme est actuellement en construction pour développer et produire des médicaments de thérapies génique et cellulaire.
Ces résultats sont obtenus grâce à la mobilisation de bénévoles sur le terrain. Cette année encore, dans l’Eure et en Seine-Maritime, les forces T rivalisent d’idées pour récolter toujours plus aujourd’hui vendredi, puis demain samedi.
Mère de deux enfants atteints d’une amélogénèse imparfaite, l’Euroise Lauriane Morvan, a lancé une pétition en ligne à l’approche du Téléthon. L’amélogénèse imparfaite est une maladie génétique très rare (1 cas sur 14 000) constituée par un groupe d’anomalies du développement affectant la structure et l’apparence clinique de l’émail de toutes ou de quasiment toutes les dents, de façon plus ou moins identique.
Plus de 2 000 signatures
Depuis plusieurs années, plus de 180 personnes concernées par cette maladie se sont réunies dans un groupe sur les réseaux sociaux et ont lancé une pétition - un appel à signature qui en compte déjà plus de 2 000 - destinée au ministère des Solidarités et de la Santé afin que l’amélogénèse imparfaite et les autres maladies dentaires rares soient reconnues par la Sécurité sociale et prises en charge au même titre que les maladies handicapantes.
Maman de 2 enfants, Ugo qui aura 5 ans en janvier prochain et Clara, 17 mois, Lauriane Morvan explique toutes les difficultés qu’elle a rencontrées avant que ne soit identifiée cette maladie génétique. « Mon fils a commencé à avoir les dents jaunes et de formes étranges peu de temps après leurs sorties. Sans réponse de la part des médecins généralistes, à 18 mois, nous avons rencontré un dentiste qui nous a dit que « ce n’était rien » et que c’étaient « juste » des dents de lait, qu’on verra plus tard. Non convaincus, nous avons vu cinq autres dentistes à Évreux et Rouen pour entendre toujours la même histoire. « Il ne faut pas que l’enfant s’endorme avec un biberon de lait ou de boisson sucrée », « il faut arrêter les sucreries... » Or, nous n’étions pas du tout dans ces cas-là. Ils nous précisaient aussi qu’il fallait bien lui laver les dents. C’est ce que nous faisions déjà, dès la sortie de ses premières dents. Les spécialistes pensaient que le problème venait de notre façon de faire. » À chaque consultation la culpabilité envahit les parents, mais surtout la colère et l’impuissance qu’ils ressentaient face à ces médecins qui « classaient vite le dossier ».
Lauriane ne baisse pas les bras pour autant et c’est finalement un dentiste parisien qui reconnaît qu’Ugo, alors âgé de 3 ans et demi, était atteint d’une amélogénèse imparfaite. « Il nous a expliqué que cette maladie est héréditaire, un « accident de la nature » pour lequel les individus n’ont aucune responsabilité. Pour notre fille, le diagnostic est tombé à 8 mois, soit 3 mois après la sortie de sa première dent de lait. » L’émail est trop fragile et s’effrite totalement jusqu’à faire apparaître la dentine. « Cela engendre une hypersensibilité dentaire, ce qui gêne, voir empêche, la mastication des aliments. Certains enfants n’arrivent même plus à se nourrir, car ils sont tellement sensibles au chaud, au froid, au sucré et à l’acidité. Le brossage de dents était un véritable cauchemar, à hurler de douleur à chaque fois. »
Pour soigner Ugo, sa pédodontiste a effectué une reconstitution complète au composite des incisives et des canines, et par coiffes pédodontiques préformées des molaires, sous anesthésie générale pendant cinq heures. « À quatre ans, suite à l’opération, Ugo a enfin pu apprendre à mastiquer normalement ses aliments, au lieu de les écraser comme il pouvait avec sa langue contre son palais. Sa petite sœur devra attendre la sortie de toutes ses dents pour envisager la pose de coiffes afin de la protéger contre les douleurs, raconte la maman. Cela ne pourra donc pas être programmé avant ses 3 ans... »
25 000 euros
de couronnes
Mais les jeunes enfants de Lauriane ne sont pas au bout de leurs peines. Les 32 dents adultes devront aussi être restaurées au fur et à mesure qu’elles sortiront et que la douleur reviendra. Ils auront aussi besoin de soins orthodontiques et posthodontiques continus, car la maladie affecte également le positionnement de certaines dents.
« Au début de l’âge adulte, leurs dentitions permanentes devront à nouveau être entièrement refaites, cette fois avec des matériaux plus permanents et esthétiques, comme des facettes ou des couronnes en céramique, qu’il faudra entretenir tout au long de leurs vies. La Sécurité sociale ne prend pas en charge ces soins de toute une vie car elle considère que cette maladie n’est pas handicapante et que c’est purement esthétique, alors que les dommages vont bien au-delà de ce qui découlerait d’une usure normale des dents et que l’amélogénèse imparfaite affecte la structure profonde de la dentition et la santé globale des personnes atteintes », explique leur maman.
Sans soins apportés à leur dentition, leur vie sociale sera fortement impactée : « Les enfants sont la cible de moqueries à l’école, et les parents, jugés pour mauvais traitement, par les autres parents, et même les professionnels de la santé... »
Certains adultes se voient même refuser du travail. « Beaucoup ne peuvent pas se payer les soins, car, pour une personne, cela peut atteindre facilement plus de 25 000 euros. » En effet, à raison de 500 à 900 euros la couronne, multiplié par 32 dents, la facture est salée pour les parents et les enfants devenus adultes. Et les remboursements de la Sécurité sociale et des complémentaires santé quasi inexistants.
« C’est pourquoi une pétition circule pour faire connaître cette maladie. Notre combat, nous le faisons pour nos enfants bien sûr, mais aussi pour toutes les autres personnes atteintes d’une maladie dentaire rare, qui souffrent sans peut-être même être diagnostiquées », ajoute Lauriane Morvan.
Vers la production de médicaments
« C’est grâce aux donateurs que l’on arrive à ces résultats. Depuis trente ans, on va de prouesse en prouesse grâce à la générosité », se réjouit Georges Salinas, coordinateur Téléthon Seine-Maritime Est. Cette année, les ambassadeurs nationaux de l’événement, dont on retrouve les frimousses sur les affiches, sont quatre malades. Pour qui, soit un traitement a été trouvé, soit pour qui il y a bon espoir d’en trouver un. Par exemple Lou, 4 ans, souffre d’une amyotrophie spinale, une maladie qui altère progressivement ses muscles. Elle n’a jamais marché. Mais vingt-deux ans après l’identification du gène responsable, un premier médicament qui limite les effets de la maladie est aujourd’hui disponible.
L’une des trois missions de l’AFM-Téléthon est de « guérir » (aider et communiquer sont les deux autres). Ainsi, depuis le début des années 1990, une force de frappe s’est mise en place. En 1990, le laboratoire Généthon est créé. Il va élaborer les premières cartes du génome humain. En 2001, la plateforme Maladies rares voit le jour ; puis en 2005, le laboratoire I-Stem, fer de lance de la recherche sur les cellules-souches ; et en 2012, est lancé l’Institut des biothérapies des maladies rares...
Et en 2018, sera livré le premier bâtiment de 5 000 m² d’YposKesi (qui signifie promesse en grec), une plateforme industrielle de développement et de production de médicaments de thérapies génique et cellulaire. La première du genre en Europe. Ici 130 spécialistes de la bioproduction vont développer les capacités de production de ces traitements pour répondre aux besoins des essais cliniques et les amener jusqu’à l’autorisation de mise sur le marché. « Ils seront aussi délivrés aux malades au prix coûtant », souligne Georges Salinas. Un deuxième bâtiment doit être livré en 2021.
Cette nouvelle plateforme, en cours de construction à Évry (91), est financée par l’AFM-Téléthon à hauteur de 37,5 M€ et 84 M€ par la Banque publique d’investissement.
Grâce aux dons du Téléthon, l’AFM-Téléthon soutient en 2017, 33 essais cliniques pour des maladies rares. En France, 3 millions de personnes sont concernées par des maladies rares.
Les manifestations phares du week-end
Dans l’ex Haute-Normandie, trois défis seront retransmis à la télévision.Aujourd’hui à 19 h 24 sur France 2, les spectateurs découvriront le défi de Beaumont-le-Roger, qui est de tapisser tout le bureau du maire de pompons, du sol au plafond y compris les meubles. Le maire, lui aussi, sera recouvert de pompons. Le madisson géant qui doit réunir 500 personnes à Routot sera lui diffusé sur France 3, demain samedi à 17 h 58. Quant à Beuzeville-le-Grenier, en Seine-Maritime, les organisateurs du Téléthon veulent relever le record du monde du plus long tricotin manuel ou électrique. Cet exploit devrait aussi être retransmis sur France télévision mais aucune heure n’est pour l’instant annoncée.
À Rouen, le village Téléthon s’installe place de la Calende avec des concerts dès aujourd’hui 16 h 30 et pendant les deux jours. Une vingtaine d’associations étudiantes sont également mobilisées pour l’occasion. « L’an dernier dix associations étudiantes étaients présentes et elles avaient recueilli 2 600 € », précise un des bénévoles, qui espère donc battre des records cette année.
Évreux et Rouen accueillent aussi un centre national de promesses de don. Ces centres sont tenus par des bénévoles du Lions club afin de recueillir les dons téléphoniques.
Sur le terrain, les forces T sont prêtes
La Normandie ne déroge pas à la mobilisation nationale.
L’an dernier, dans l’Eure, 817 068 € ont été collectés à la fois par les forces T (sur le terrain) et le 3637 (numéro de téléphone où faire un don). En Seine-Maritime Est, la somme a atteint 2,37 M€. Elle était de 450 000 € pour la Seine-Maritime Ouest.
Exemple de ces forces T à Campneuseville, à la frontière avec la Somme. Là, depuis dix-sept ans, Jérémy Deconinck, 34 ans, est mobilisé pour le Téléthon.
Des défis fous à Campneuseville
En 2000, alors étudiant, avec une bande d’amis il organise la première édition : « On a commencé par une traditionnelle vente de crêpes ». Et, au fur et à mesure, les forces se sont agglomérées. Aujourd’hui, 35 associations de six petites communes alentour participent à cette grande fête en continu pendant 30 heures. Résultat, l’an dernier record battu avec 21 182 € récoltés. Au total, en dix-sept ans, 200 352 € ont été collectés.
« Chaque année on cherche un thème pour mobiliser », précise le proviseur adjoint d’un lycée à Amiens. Voilà peut-être la clé du succès. Par exemple, en 2006, pour les 20 ans du Téléthon, les organisateurs relèvent le défi de faire rentrer 20 personnes dans une 4L ; en 2007, un chapiteau de 580 m² réalisé de tissus de récupération recouvre la place du village ; ou encore en 2012, le bateau du Téléthon est construit avec une voile de 8 mètres composée d’une mosaïque de milliers de photos représentant les bénévoles.
Cette année, place à un moulin de plus de cinq mètres d’envergure, en bois, qui va être recouvert de 20 000 fleurs en papier. Ce moulin représentant l’énergie, notamment des bénévoles. Les quatre ailes (en référence aussi aux 4L) se recouvriront de cœur. Les visiteurs pourront actionner eux-mêmes le moulin, ou parrainer quelqu’un pour le faire tourner, à l’aide d’un vélo. L’objectif étant que les quatre ailes du moulin soient allumées à la fin des 30 heures du Téléthon.
Rendez-vous attendu
À Campneuseville, on veut lancer des idées originales, « impressionnantes », pour attirer les gens, les mobiliser. Le jour même mais aussi en amont. Chaque année, de nombreux habitants préparent l’événement. Cette fois, une centaine de petites mains confectionnent les fleurs en papier depuis plusieurs mois. Et tous les ans, « il faut retourner mobiliser. Des associations qui n’ont plus de subvention veulent arrêter, par exemple », témoigne Jérémy Deconinck, également conseiller municipal délégué de sa commune.
La dimension rurale a sûrement joué dans le succès du Téléthon dans la vallée de la Bresle : « C’est un peu comme une deuxième fête de village. À Rouen, quand j’étais étudiant j’ai fait le Téléthon mais je n’ai pas réussi à faire décoller quelque chose comme ça. Ici dès le début l’ambiance a été incroyable. C’est un rendez-vous attendu tous les ans ». Se mobiliser en faisant la fête, voilà bien l’esprit du Téléthon.
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