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Salmonelle chez Lactalis. Ces contrôles en Mayenne qui sèment le trouble

Le Canard enchaîné de ce mercredi 3 janvier avance des éléments troublants dans l’affaire du lait infantile contaminé à la salmonelle chez Lactalis. L’hebdomadaire révèle que la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) n’a rien vu lors d’une visite effectuée en septembre dans l’usine de Craon (Mayenne) alors que la bactérie avait déjà été repérée lors de contrôles internes par le groupe. Les autorités ne livrent pas la même version des faits.

« Comment les contrôleurs s’y sont-ils pris pour ne détecter en septembre aucune salmonelle, alors que l’on sait aujourd’hui, après enquête, que l’usine était infectée ? » C’est ce que se demande un expert en sécurité sanitaire des aliments, cité dans Le Canard enchaîné. Dans son édition de ce mercredi 3 janvier, l’hebdomadaire fait des révélations troublantes dans l’affaire du lait infantile contaminé à la salmonelle chez Lactalis. D’après le journal, les contrôleurs de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) n’ont rien vu lors d’un contrôle de routine effectué en septembre dans l’usine de Craon, en Mayenne. La bactérie était pourtant déjà présente à cette période.

Le programme d’analyses renforcé, élaboré avec des « laboratoires externes indépendants » a, en effet, mis en évidence qu’une « contamination dispersée s’est installée dans l’usine de Craon, suite à des travaux réalisés dans le courant du premier semestre 2017 ». C’est ce qu’indiquait un communiqué de presse de l’industriel mayennais, en date du 21 décembre dernier.

Un rapport « introuvable »

Sur ce point, Le Canard enchaîné va plus loin. « Au mois d’août, Lactalis Nutrition Santé avait repéré des salmonelles sur du matériel de nettoyage et sur les carrelages. Et rebelote en novembre, deux mois après le compte rendu rassurant des vétérinaires de la Mayenne », affirme le journal satirique. Mais « le numéro 1 mondial des produits laitiers n’ayant pas l’obligation de communiquer sur ses contrôles internes, il s’est bien gardé d’ébruiter l’affaire… »

De son côté, le ministère de l'Agriculture a réagi à la mi-journée, ce mercredi. En nuançant les affirmations du Canard enchaîné sur l'inspection des services de la DDCSPP, menée sous l'autorité du préfet par. « L'inspection, comme l'ensemble des activités d'inspection de ce type, portait sur un seul domaine d'activité de l'usine : en l'occurrence, un nouvel atelier de mélange à sec de céréales », a déclaré une responsable du service alimentation du ministère à l'AFP.

Le préfet de Mayenne est également monté au créneau en milieu de journée. « Je veux apporter mon soutien aux vétérinaires de la DDCSPP de la Mayenne qui ont agi avec professionnalisme, engagement et réactivité dans ce dossier. Ils sont injustement mis en cause, déclare-t-il à propos de l'article de l'hebdomadaire. Lors de ce type de contrôle, la DDSCPP ne procède ni à des prélèvements, ni à des analyses. Les fonctionnaires ne pouvaient donc, en aucun cas, détecter une quelconque contamination à la salmonelle. »

Dans cette affaire, il aura finalement fallu attendre le mois de décembre pour que tout se décante, après l'alerte lancée par les autorités sanitaire sur les premiers cas de contamination chez des nourrissons. Une enquête a été ouverte mi-décembre par le parquet de Paris, notamment pour « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui », ce qui a contraint le rappel de milliers de tonnes de produits. Dans les semaines qui ont précédé, le groupe d’enquête nationale des Fraudes est allé « de surprise en surprise » lorsqu’il s’est rendu en Mayenne, révèle Le Canard enchaîné. « Quand les agents de Bercy découvrent l’existence du rapport de leurs collègues vétérinaires (ceux de la DDCSPP, NDLR) […] il est introuvable ».

Faux, selon le préfet mayennais : « Ce rapport avait été transmis aux services concernés depuis plusieurs jours (le 4 ou le 5 décembre). Il n’avait pas vocation à être clandestin ou à ne pas être partagé avec les autres services de l’État. »

Les investigations ont finalement été confiées aux gendarmes de la section de recherches d’Angers et de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), spécialisés dans ce type de dossier.

L’usine de Craon que partiellement à l’arrêt ?

Le groupe laitier français a depuis procédé à deux rappels de produits avant d’annoncer le 21 décembre le rappel de toute sa production de laits infantiles de l’usine de Craon (Mayenne) depuis févrierLe retrait concerne des produits de marque Picot (poudres et céréales infantiles), Milumel (poudres et céréales infantiles) et Taranis (mélange d’acides aminés en poudre destinés au traitement de pathologies).

Au 20 décembre, l’autorité de surveillance Santé publique France avait recensé 35 nourrissons (dont 20 filles) atteints de salmonellose en France depuis la mi-août. Ce nombre inhabituel l’a amenée à parler d'« épidémie », mais la santé de tous ces enfants est bonne, y compris pour les 16 qui ont été hospitalisés. Pour 31 enfants malades, il a été prouvé qu’ils avaient consommé un lait infantile de l’usine Lactalis de Craon. Les salmonelloses sont des intoxications alimentaires allant de la gastroentérite bénigne à des infections plus graves. Elles sont potentiellement plus dangereuses pour les jeunes enfants, les personnes âgées ou affaiblies.

La production de l’usine, qui appartient depuis 2006 à Lactalis, a, par ailleurs, été arrêtée le 8 décembre pour un grand nettoyage des installations sur ordre du préfet de Mayenne. Elle avait déjà subi une contamination par des salmonelles en 2005, juste avant son rachat. Mais Le Canard enchaîné avance que la partie dédiée à la fabrication des boîtes de céréales fonctionne toujours.

Une information réfutée, ce mercredi matin, par la direction de Lactalis. « Tout ce qui est fabriqué dans l’usine de Craon est arrêté depuis le 8 décembre », a indiqué une porte-parole du groupe à l’AFP. La direction de Lactalis affirme que des produits à base de céréales sont toujours fabriqués mais dans d’autres usines que celle de Craon.

Déjà deux plaintes contre le groupe laitier

Dans ce contexte, une plainte avait été déposée fin décembre par Quentin Guillemain, père d’une fille de trois mois qui avait consommé un lot concerné par les rappels mais n’était pas tombée malade. Aujourd’hui, le papa, président de « l’association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles » s’inquiète des nouvelles révélations. « C’est extrêmement grave […] À quoi jouent les autorités pour protéger les intérêts économiques de Lactalis ? », s’interroge-t-il.

En parallèle, une autre plainte a également été déposée contre Lactalis par l'UFC-Que choisir. L'association de consommateurs réclame « la vérité » sur cette contamination et sa détection si tardive.

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