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Thiotépa, le générique périmé d'un anticancéreux proposé par Alkopharma malgré les contrôles

Près de 100 000 flacons de Thiotépa, un médicament utilisé dans les cancers de l'ovaire, de la vessie et du sein, mais aussi chez les enfants, ont été vendus, en Suisse et en France par un laboratoire de générique basé au Luxembourg avec une étiquette fausse. L’agent de la honte et la défaillance des contrôles.

Plus de 100 000 flacons de Thiotépa, un anticancéreux périmé, ont été administrés à des malades suisses et français, dont une moitié d’enfants, entre 2007 et 2011, ont rapporté Le Matin Dimanche et la SonntagsZeitung.
Un laboratoire Luxembourgeois de médicaments génériques, basé à Martigny, en Suisse, Alkopharma, a falsifié les dates de péremption de cet anticancéreux périmés. Ceux-ci avaient une durée de vie de 18 mois et ne contenaient donc plus une dose efficace de principe actif. Certains médicaments ont été vendus jusqu’à sept ans plus tard.
L’affaire date de 2011, mais l’organisme en charge de surveiller le marché des médicaments en Suisse, Swissmedic, a déposé un recours contre la condamnation trop légère d'Alkopharma pour falsification des dates de péremption, notamment parce que le juge n’a pas retenu la mise en danger de la santé des patients. 

Défaillance des autorités de surveillance

Ce ne sont pas les autorités réglementaires suisses et françaises qui sont à l’origine de la découverte de ce scandale sanitaire. C'est le laboratoire allemand Riemser, lui-même fabricant du Thiotépa, qui a révèlé le problème en 2011, après avoir réalisé des dosages et constaté que les flacons périmés d’Alkopharma ne contenaient plus la dose de principe actif exigée.
Selon les éléments de l'enquête suisse, le laboratoire Alkopharma, falsifiait la date de péremption du Thiotépa générique sur les étiquettes. En effet, une des particularités de cet anticancéreux est que sa durée de vie n’est que de 18 mois. Or, certains flacons auraient été vendus jusqu’à sept ans plus tard. L’Autorité suisse de surveillance du marché des médicaments, Swissmedic, a fait appel de la décision des tribunaux suisses car elle soutient qu’il y a eu une mise en danger de la santé des patients.

Une perte de chance pour les malades

Le Thiotépa est utilisé dans le traitement des cancers de l'ovaire, de la vessie et du sein mais également des cancers de l'enfant. Le Tiotépa périmé d’Alkopharma a été utilisé dans la plupart des grands hôpitaux suisses, mais surtout en France où auraient été consommés la majorité des flacons périmés (plus de 98 000 sur les 100 000).
Il s’agit manifestement d’une perte de chance pour de nombreux malades français. Mais il est très difficile d’imputer l’échec du traitement des malades à une activité insuffisante du Thiotépa périmé. La baisse d’efficacité du Thiotépa périmé est estimée entre 10 et 20% et, dans la mesure où ce médicament est administré conjointement à d’autres médicaments, dans le cadre d’une polychimiothérapie, il va être très difficile, sinon impossible de déterminer quels sont les malades dont la santé et la vie a été mise en danger.

Une procédure judiciaire a minima

En Suisse, la justice va rouvrir cette affaire suite au recours de Swissmedic, tout en concentrant ses efforts sur le laboratoire Alkopharma. Quatre anciens responsables d'Alkopharma avaient été condamnés en juin 2016 à de simples amendes. En France, c’est plus compliqué. Le fabriquant allemand Riemser, à l’origine de la découverte de cette fraude, grâce à des dosages en 2011, s’oppose au distributeur du Tiotépa en France, le laboratoire Genopharm
Une enquête pour « tromperie aggravée, falsification de substance médicamenteuse et faux et usage de faux » a été ouverte par le parquet de Paris, mais on ne sait pas quand et si la justice va renvoyer l'affaire devant un tribunal ou si elle prononcera un non-lieu. 
Deux personnes sont toujours mises en examen, dont le patron de Genopharm qui réclame un non-lieu. Il a lui-même contre-attaqué, en déposant fin novembre une plainte contre le laboratoire Riemser pour « tromperie, faux témoignage et dénonciation calomnieuse ».

Une fraude sur un générique

Les seules qui ne soient pas sur la sellette sont, paradoxalement les agences de santé qui ont pourtant autorisé le laboratoire Alkopharma à commercialiser des génériques et qui n’ont pas été capables de découvrir la supercherie, exposant des milliers de malades à courir au devant d’un échec thérapeutique.
Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), après les révélations d'avril 2011, le Thiotépa est resté disponible jusqu’en octobre 2011, où un autre générique a été rendu disponible, c’est-à-dire 5 mois après. 

Une lettre à tous les médecins et pharmaciens hospitaliers a été envoyée par l’ANSM pour les informer du remplacement du Thiotépa : « Le sous-dosage, constaté lors des différentes analyses, ne conduit pas à une baisse d’efficacité significative, ni à une toxicité ». Fermer le ban !

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