Après la mort de la rougeole, à Poitiers, d’une jeune femme qui n’avait pas été vaccinée, la réaction a été immédiate. Ce mercredi matin, au micro de France Inter, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a recommandé «à toutes les personnes qui ne sont pas vaccinées contre la rougeole, ou qui n’ont pas fait vacciner leurs enfants, de faire un rattrapage».

C’est une mesure de bon sens, la rougeole étant une infection tout sauf bénigne, notamment pour les nourrissons : elle peut entraîner des complications respiratoires et neurologiques aux conséquences très graves. «Quand une couverture vaccinale de la population est insuffisante, les personnes les plus vulnérables l’attrapent, a précisé Agnès Buzyn. Dans certaines régions de France, la couverture est autour de 70%, c’est totalement insuffisant pour empêcher une épidémie d’émerger.»

Emblématique

Pratiquement tous les cas de rougeole sont survenus soit chez des gens non vaccinés, soit n’ayant reçu qu’une seule dose dans leur vie. «Aujourd’hui, les deux doses sont obligatoires en raison de la gravité de la maladie, a dit la ministre. Dans une épidémie de rougeole, il y aura un décès sur 3 000 cas, une encéphalite avec séquelles pour 1 500 cas, et des pneumopathies beaucoup plus fréquentes.» La rougeole fait désormais partie des 11 vaccins obligatoires pour les enfants nés à partir du 1er janvier, alors qu’auparavant ce vaccin n’était que fortement recommandé.

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De fait, l’exemple de la rougeole est emblématique du paysage français, avec depuis quelques années des bouffées épidémiques qui surgissent. Les causes sont variées. Cela peut être lié à des territoires, avec des zones réticentes à la vaccination, ou à un dispositif de vaccination mal adapté. En tout cas, depuis des mois une épidémie de rougeole subsiste en Nouvelle-Aquitaine : à ce jour, l’Agence régionale de santé (ARS) a recensé 269 cas, dont un quart a nécessité une hospitalisation, et pour quatre d’entre eux une admission en réanimation. Or, selon l’ARS, la couverture vaccinale en Nouvelle-Aquitaine est actuellement insuffisante pour faire face à l’épidémie : selon les données de l’agence sanitaire Santé publique France, elle varie de 70,8% à 81% selon les départements, quand l’Organisation mondiale de la santé recommande une couverture de 95% pour casser l’épidémie.

Personnels de santé

«C’est le reflet de l’histoire de la vaccination en France : il y a des gens de 20 à 40 ans qui ont grandi sans être vaccinés et se retrouvent aujourd’hui non immunisés, explique Daniel Lévy-Bruhl, en charge de la vaccination au sein de Santé publique France. Il reste ainsi un énorme réservoir de sujets non immunisés, qui peuvent être demain les prochains cas de rougeole, voire de décès.»

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Dans le cas de la jeune femme morte de la rougeole au CHU de Poitiers, on ne sait pas grand-chose. Agée de 32 ans et résidant à Poitiers, elle n’était pas vaccinée : elle avait été hospitalisée le 1er février puis placée en réanimation le lendemain. Le CHU de Poitiers a précisé avoir accueilli vingt-deux personnes contaminées par la rougeole depuis le 19 janvier, dont dix enfants et quatre membres du personnel.«Cinq des personnes hospitalisées ont pu contracter la maladie au contact d’un autre patient au CHU de Poitiers lors de l’apparition des premiers cas», selon le CHU, qui a décidé d’imposer le port d’un masque «pour toute personne se présentant aux services d’urgences adultes et pédiatriques». Le statut vaccinal du personnel a aussi été vérifié et à ce jour «cinquante-quatre agents ont dû être vaccinés», preuve s’il en est que le problème de la vaccination concerne aussi des personnels de santé.

Eric Favereau