La souffrance exprimée par les personnes qui se déclarent électrosensibles "correspond à une réalité vécue" justifiant une prise en charge adaptée, même si rien ne prouve aujourd'hui la causalité entre ce syndrome controversé et l'exposition aux ondes électromagnétiques, estime un rapport de l'agence sanitaire Anses salué comme une avancée par des associations.
ELECTROSENSIBILITE. Maux de tête, troubles du sommeil, nausées, irritabilité, fourmillements dans les doigts ou encore problèmes cutanés : l'Anses répertorie des dizaines de symptômes, plus ou moins courants, que les électrosensibles attribuent à leur exposition aux radiofréquences des téléphones portables, antennes relais et autre wifi. La prévalence de l'EHS est "très difficile" à évaluer, d'après l'Anses, évoquant des données jugées "pas fiables" qui situent la prévalence entre 0,7 et 13,3% de la population et d'autres plus récentes qui l'évaluerait à environ 5%.
Un effet nocebo "au rôle non négligeable" qui n'exclut pas "une affection organique non identifiée"
"Il n'existe pas de critères de diagnostic de l'EHS validées à ce jour", note l'Anses dans cet avis publié mardi 27 mars 2018. Mais "quoi qu'il en soit, les plaintes (douleurs, souffrance) formulées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue". L'Anses évoque différentes hypothèses pour expliquer ces plaintes, dont un dysfonctionnement du système nerveux central, des perturbations dans la production de neurotransmetteurs, l'existence d'un terrain migraineux… Ou l'effet nocebo. Au contraire de l'effet placebo, l'effet nocebo désigne l'apparition de symptômes causée par la suggestion ou la crainte que l'exposition à un médicament ou à des facteurs environnementaux est nuisible. Or, l'Anses constate qu'une quinzaine d'articles montrent que les personnes souffrant d'EHS exprimaient un nombre de symptômes nettement plus élevés que les sujets témoins en présence d'une exposition factice. L'Anses estime donc que cet effet nocebo "joue certainement un rôle non négligeable dans la persistance de l'EHS", mais qu'il n'exclut pas "une affection organique non identifiée". "C'est une avancée. On ne parle plus d'un effet nocebo exclusif", a indiqué à l'AFP le président de l'association Robin des Toits, Pierre-Marie Theveniaud, avant d'avoir pris connaissance de l'intégralité du rapport.
Pas de lien de causalité établi entre exposition aux champs magnétiques et les symptômes décrits
"C'est un pas dans la bonne direction. Il faut maintenant que le lien de causalité soit reconnue", a de son côté estimé Jeanine Le Calvez, vice-présidente de l'association Priartém-Electrosensibles de France. Un pas que ne franchit pas l'Anses. "Aucune preuve expérimentale solide ne permet actuellement d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant EHS", concluent les experts qui ont examiné l'ensemble de la littérature disponible sur le sujet. Ainsi, ce sont les résultats de plusieurs études de provocation non concluantes qui "ont conduit leurs auteurs à proposer l’hypothèse d’un rôle de l’effet nocebo dans l’apparition et / ou la persistance de l’EHS". Deux hypothèses sont alors évoquées par l'agence : soit "les symptômes ressentis par les personnes se déclarant EHS ne seraient pas dus aux expositions aux champs électromagnétiques", soit "l’absence de résultat serait due aux limites méthodologiques des études de provocation". L'Anses plaide donc pour de nouvelles études, avec de nouveaux protocoles.
L'Anses pointe le besoin d'une prise en charge adaptée pour les patients déclarés EHS
Au-delà du constat des souffrances, les experts recommandent "une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaire et social" pour des patients qui subissent en plus parfois un "isolement psycho-social" en décidant de changer de mode de vie voire en déménageant dans des zones rurales isolées. Ainsi, les patients se trouvent parfois face à des médecins peu à l'écoute. Le rapport de l'Anses met en avant le "besoin de reconnaissance" exprimé dans les témoignages des patients et leur "désir d'être pris au sérieux" par des médecins qui peuvent privilégier "une approche psychologisante du problème", accompagnée "d'un certain mépris" à l'égard des personnes venant les consulter. En effet, des études montrent que "les personnes se déclarant EHS ont un moins bon niveau de bien-être et sont, en moyenne, plus anxieuses et déprimées que les témoins", d'après l'Anses, bien qu'il ne soit pas possible de déterminer s'il s'agit d'une cause ou d'une conséquence du trouble ressenti par ces personnes. "L’anxiété et la dépression sont en effet des réactions communes à la plupart des maladies graves ou rares", rappelle l'agence. "La Haute autorité de santé pourrait sur le modèle de ce qu'elle a fait en 2011 pour la fibromyalgie, établir une sorte de guide des bonnes pratiques", a précisé à l'AFP Olivier Merckel, chef d'unité risques physique à l'Anses.
APPREHENSION DE LA 5G. Mais pour Pierre-Marie Theveniaud, il faudrait "diminuer les niveaux d'exposition" aux ondes de la population de manière générale. "Ce qu'on vit à l'heure actuelle n'est rien par rapport à ce qui se prépare, avec la 5G, on va être inondés d'ondes", s'inquiète-t-il, réclamant des études d'impact sanitaire avant le déploiement de la cinquième génération de téléphonie mobile. Ce n'est pas la première fois que l'Anses se penche sur les effets des radiofréquences. En 2016, elle avait estimé que les ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, les tablettes tactiles ou les jouets connectés pouvaient avoir des effets sur les fonctions cognitives - mémoire, attention, coordination - des enfants.
Avec AFP.
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