Alors que l'affaire Lactalis, ponctuée par la contamination à la salmonelle de 38 bébés en 2017 et plus de 200 entre 2005 et 2017, suscite l'indignation, une nouvelle affaire voit le jour. La cellule investigation de Radio France a révélé ce vendredi, que près de 80 personnes ont été malades après avoir mangé du fromage au lait cru en 2015 et 2016, notamment du Morbier et du Mont d’Or, tous deux fabriqués en Franche-Comté. Une dizaine de personnes en seraient mortes, principalement des personnes âgées, déjà très fragilisées par une autre maladie.
Nathalie Jourdan-Da-Silva, médecin épidémiologiste à Santé publique France a confirmé qu'une "épidémie nationale à Salmonella Dublin, plus grave que les autres, avec un risque plus important de décès" s'était développée durant l'hiver 2015. Plus précisément, de novembre 2015 à avril 2016. Cette contamination à la salmonelle est "la plus grave des dix dernières années", affirme à Radio France Fany Molin, porte-parole de la Direction générale de l’alimentation qui dépend du ministère de l’Agriculture.
Pourquoi l'affaire n'a-t-elle pas été médiatisée ?
Une enquête de traçabilité a permis d'identifier 5 fromageries. Difficile cependant de rappeler les fromages : d'une part parce qu'il existe une soixantaine de producteurs de Mont d’Or et de morbier en Franche Comté et que les autorités ne sont pas parvenues à identifier les élevages contaminés. D'autre part, parce que les lots contaminés n'étaient déjà plus en vente lors de l'enquête, notamment parce que leur date de péremption était déjà dépassée.
"C’est peut-être ces deux facteurs qui expliquent que cette contamination n’ait pas été médiatisée, alors que toutes les données étaient publiques et que rien n’a été caché" affirme à Radio France Fany Molin, de la Direction générale de l’alimentation.
Des contrôles renforcés
Les mesures de contrôles ont depuis, été renforcées chez les producteurs et des consignes très strictes leur ont été données. Certains en sont venus à contrôler la qualité de leurs produits de façon quotidienne, au lieu d'une fois par mois comme c'était le cas auparavant. Des mesures coûteuses, mais utiles puisque aucune autre contamination à la salmonelle n'a été constatée ces deux dernières années dans le fromage cru.
Les contrôles ont également été renforcés dans les élevages de vaches laitières de Franche-Comté, précise la radio. "Les vaches dont le lait est contaminé sont systématiquement abattues, explique Eric Février. C’était déjà conseillé et pratiqué par bon nombre d’éleveurs avant, mais ça a été demandé systématiquement après la crise."
Présentation de la Salmonella Dublin
La bactérie Salmonella Dublin envahit le système lymphatique des animaux. Cet agent pathogène était auparavant principalement détecté dans les élevages bovins, mais les données de surveillance indiquent qu’elle circule dorénavant dans tous les autres secteurs d’élevage (laitier, vache-veau). Selon un document d'information du gouvernement québécois - où cette bactérie était très présente en 2016 -, "les animaux infectés peuvent devenir des porteurs asymptomatiques et maintenir l’infection dans un élevage en excrétant la bactérie de façon sporadique".
La note précise également que l'une des principales préoccupations concernant la Salmonella Dublin est "la résistance de certaines souches à plusieurs antibiotiques, tant chez les animaux que chez les humains. La consommation de lait cru, de fromage à base de lait cru ou de produits de bœuf contaminés représente la principale source d’infection chez l’humain. Un contact direct avec un animal infecté est aussi une source possible d’infection".
#Salmonelle Cinq fromageries ont été identifiées par la DDPP de Franche-Comté à la suite de cette note. Une soixantaine de marques de fromage au lait cru était alors concernée. https://t.co/8mpoRXlyss
— France 3 Franche-Comté (@F3FrancheComte) April 13, 2018
La Franche Compté, berceau de la Salmonella Dublin
En 2011, l'Anses affirmait déjà dans un rapport, que les souches de Salmonella Dublin présentent une distribution géographique très particulière, "touchant de manière quasi exclusive trois régions (Auvergne, Franche Comté et Basse Normandie), au sein desquelles des foyers de salmonellose à Salmonella Dublin persistent depuis de nombreuses années, malgré les mesures prophylactiques mises en place. Cette répartition ne se superpose pas avec celle des grands bassins d’élevage bovin, mais elle correspond à des élevages laitiers qui valorisent leur production par des fromages au lait cru".
La Salmonella Dublin : un historique épidémique
En 2012, des cas de contamination de fromages Saint-Nectaire avaient été signalés. Informés par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) de plusieurs foyers d'infections dues à la Salmonella Dublin, les services vétérinaires de la Direction Départementale du Puy-de-Dôme avaient identifié deux origines distinctes : le GAEC FEREYROL (producteur des fromages fermiers) et le GAEC de Farges à Saint-Nectaire. Comme le souligne le gouvernement dans son communiqué de l'époque, les fromages contaminés avaient été retirés de la vente.
Selon Santé Publique France, deux épidémies à la de Salmonella Dublin se sont développées en Suisse en novembre 1995 et novembre-décembre 1996. Toutes deux étaient attribuées à la consommation d'un Vacherin fabriqué en France. Une quarantaine de personnes avaient été contaminées durant ces deux années : 22 avaient été hospitalisées et 6 en étaient décédées.
Salmonelle : révélations sur une contamination mortelle - Une enquête de @CherelLaeti à écouter dans #Secretsdinfohttps://t.co/U1UniMcitupic.twitter.com/dBTqVfkJdI
— France Inter (@franceinter) April 13, 2018
Des infections à salmonelles qui restent fréquentes en France
Selon Santé publique France, les intoxications alimentaires, ou « infections d’origine alimentaires », représenteraient chaque année environ 1,5 millions de cas et entraîneraient plus de 17 000 hospitalisations et plus de 200 décès.
Les principales causes d’infections sont virales, mais les Salmonelles sont la 1ère cause de décès et la 2e d'hospitalisation. Pour les hospitalisations, on s’aperçoit que si les virus restent prédominants (57% avec surtout les Norovirus), le pourcentage des bactéries augmente nettement avec 33% (Campylobacter et Salmonelles).
Si l’on s’intéresse à la mortalité, les bactéries tiennent le haut du pavé avec 182 décès et 2 bactéries représentent l’essentiel des cas. Ce sont d’une part, les Salmonelles « non typhiques » (n = 62) et les Listeria (n = 47). La bactérie Listeria monocytogenes, qui représente moins de 0,1% des intoxications, occupe le deuxième en rang en termes de mortalité (65 décès, soit 25% du nombre total de décès), juste derrière les salmonelles (26% du total), relèvent les auteurs.
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