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Un peuple indonésien se serait génétiquement adapté pour plonger plus longtemps

La première preuve d'une adaptation génétique de l'être humain à la plongée en profondeur, à savoir le développement exceptionnel de la rate du peuple Bajau en Indonésie, a été publiée dans la revue Cell jeudi 19 avril 2018.

La contraction de la rate permet de réoxygéner le sang

L'organisme des êtres humains, comme celui des autres mammifères plongeurs, répond à l'apnée et à l'immersion faciale en eau froide par différents effets physiologiques. Ainsi, plonger entraine un ralentissement des battements du cœur (bradycardie), ce qui réduit la consommation d'oxygène, ainsi qu'un rétrécissement des vaisseaux sanguins périphériques (vasoconstriction), qui redistribue sélectivement le flux sanguin vers les organes les plus sensibles à l'hypoxie. Enfin, la contraction de la rate (ou spléno-contraction) permet d'injecter un surplus de globules rouges oxygénés dans la circulation. Une seule contraction de la rate expulse environ 160 mL de globules rouges, provoquant une augmentation de 2,8% à 9,6% de la teneur en oxygène du sang, d'après les auteurs de la publication.

La rate des Bajau est 50% plus grosse que celle du peuple non plongeur voisin

Des chercheurs ont d'ailleurs montré en 1990 que la rate des plongeurs japonais se contractait plus que la normale, ce qui augmentait le taux d'oxygène dans le sang jusqu'à 9% pendant les plongées. Intriguée par le travail sur les gènes qui aident les Tibétains, les Ethiopiens et les Sud-Américains à s'adapter à la privation chronique d'oxygène en haute altitude, Melissa Ilardo, aujourd'hui postdoc à l'Université d'Utah à Salt Lake City, a proposé à ses collègues de faire des études similaires sur le peuple indonésien Bajau. Surnommés les "nomades de la mer", les Bajau pêchent en descendant jusqu'à 70 mètres de profondeur avec pour seuls équipements des poids et un masque de bois. Ils passent jusqu'à 60% de leur journée de travail de 8h à plonger à la recherche de poissons, pieuvres et autres crustacés.

L'objectif de Melissa Ilardo était de vérifier si la taille de leur rate était corrélée à leurs capacités respiratoires, et de vérifier s'il s'agissait d'une adaptation génétique. Elle a donc passé plusieurs mois en Indonésie auprès des Bajau et d'un autre peuple qui ne plonge pas, les Saluan. En échographiant 59 Bajau et 34 Saluan, elle a montré que la rate des Bajau, qu'ils soient plongeurs ou non, était environ 50% plus grosse que celle des Saluan ! En comparant le génome des Bajau à deux populations différentes (es Saluan et les Han chinois), les scientifiques ont trouvé 25 sites génomiques ayant d'importantes différences. L'un d'entre eux est le gène PDE10A, qui affecte l'activité thyroïdienne chez la souris, ce qui à son tour influe sur la taille de la rate. Chez l'homme, ces hormones thyroïdiennes régulent la production de globules rouges chez le nouveau-né, expliquent les auteurs de la publication, la largeur de la rate des Bajau indiquerait ainsi un volume plus élevé de globules rouges. Leur génétique pourrait ainsi fournir un "avantage double" : à la fois "une quantité accrue de cellules oxygénées" et "un plus grand réservoir dans lequel les stocker", écrivent les chercheurs.

Un avantage conféré par l'évolution à confirmer

L'information majeure à retenir de ces travaux "est que la sélection naturelle est toujours à l'œuvre sur les populations humaines", d'après Mark Aldenderfer, un archéologue à l'Université de Californie à Merced qui n'était pas impliqué dans le travail, dans un communiqué de la revue Science. Mais tout le monde n'est pas encore convaincu par ces travaux. Ainsi, d'après l'anthropologue Cynthia Beall de la Case Western Reserve University de Cleveland dans le même communiqué, bien que les Bajau plongent plus fréquemment que la plupart des gens, chacune de ces plongées n'est pas forcément très longue. En outre, ajoute-t-elle, une plus grande rate ne signifie pas nécessairement une plus grande expulsion de globules rouges. Enfin, Edward Gilbert-Kawai, médecin-physiologiste à l'Université de Londres, note également qu'"il est hautement improbable que la taille de la rate soit contrôlée par un seul gène". Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour déterminer la façon dont le gène PDE10A affecte la taille de la rate des humains et l'oxygénation des Bajau.

MEDECINE. Si elle se vérifiait, cette découverte pourrait accélérer la recherche médicale sur la façon dont le corps réagit au manque d'oxygène dans différentes circonstances, comme la plongée mais aussi l'altitude, une intervention chirurgicale ou une maladie pulmonaire.

Avec AFP

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