La ministre de la Santé suit l’avis de la HAS, qui juge trop modeste l’efficacité de ces médicaments. Une décision très critiquée.
«Déremboursement». Lundi soir, sur RTL, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a lâché le mot confirmant une information révélée samedi par Libération sur les médicaments donnés dans la maladie d’Alzheimer: «Je devrais, dans les jours qui viennent, annoncer effectivement le fait que nous suivons les recommandations de la Haute Autorité de santé», a-t-elle déclaré, ajoutant: «La date n’est pas fixée, mais nous allons vers un déremboursement.»
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Une décision prévisible, depuis qu’en 2016 la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), dont Agnès Buzyn était présidente, avait déclassé au rang de «service médical rendu insuffisant» les médicaments suivants donnés dans la maladie d’Alzheimer: Ebixa (Lundbeck), Aricept (Eisai), Exelon (Novartis Pharma) et Reminyl (Janssen Cilag). La HAS rendait à la ministre de la Santé d’alors, Marisol Touraine, un avis défavorable au remboursement de ces médicaments.
Pour la HAS, deux raisons sous-tendaient cet avis. La première concerne l’efficacité: «Les données nouvelles confirment que l’efficacité des médicaments du traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer est, au mieux, modeste. Elle est établie uniquement à court terme, essentiellement sur les troubles cognitifs, dans des études cliniques versus placebo dont la pertinence clinique et la transposabilité en vie réelle ne sont pas assurées», estime la HAS.
Risque de survenue d’effets indésirables
La deuxième porte sur la sécurité: «Les données accumulées depuis la commercialisation des médicaments confirment le risque de survenue d’effets indésirables (troubles digestifs, cardiovasculaires ou neuropsychiatriques pour les plus notables) potentiellement graves, pouvant altérer la qualité de vie», peut-on lire sur le site de la HAS.
Sur le plan scientifique, l’avis de la HAS est aussitôt rejeté en bloc par la Fédération des centres mémoire, la Fédération française de neurologie, la Société française de gériatrie et de gérontologie et la Société française de psychogériatrie et de psychiatrie de la personne âgée. «La position des spécialistes n’a pas changé», confie au Figaro le Pr Pierre Krolak-Salmon, président de la Fédération nationale des centres mémoire de ressources et de recherche (CMRR).
«Tant que ce protocole de soin ne sera pas non seulement élaboré, mais mis en œuvre, la question du déremboursement ne peut pas et ne doit pas se poser»
Mais, coup de théâtre, le 26 octobre 2016, Marisol Touraine déclarait: «Il n’y aura pas de déremboursement en l’état actuel des choses.» Autrement dit, pas question de procéder à la hussarde du jour au lendemain, sans qu’un protocole de soin soit d’abord élaboré pour se substituer au système actuel adopté à l’arrivée des médicaments, il y a vingt ans. «Tant que ce protocole de soin ne sera pas non seulement élaboré, mais mis en œuvre, la question du déremboursement ne peut pas et ne doit pas se poser», ajoutait la ministre.
Or ce travail vient d’être achevé par la HAS, qui a sorti vendredi dernier son «Guide parcours de soins des patients présentant un trouble neurocognitif associé à la maladie d’Alzheimer ou à une maladie apparentée». L’objectif de ce guide et des nombreuses fiches qui l’accompagnent est notamment de mettre l’accent sur «les soins et aides compensant le handicap notamment grâce aux thérapies psycho-comportementales et “réadaptatives” (traitements non médicamenteux)». Mais l’annonce du déremboursement passe mal auprès des familles.
Dans un communiqué, l’association France Alzheimer & maladies apparentées prenait acte dès lundi d’une décision qu’elle juge «infondée et dangereuse» : «Pour les familles qui n’en ont pas les moyens, l’Association craint tout simplement la sortie dangereuse du parcours de soins».
«Des médecins généralistes me demandent : que va-t-on dire à nos patients qui allaient mieux depuis qu’ils avaient le traitement?»
Responsable du CMRR de Lille, Florence Pasquier, professeur de neurologie (CHU de Lille), se dit «complètement dépitée par cette annonce!»: «Des médecins généralistes me demandent: que va-t-on dire à nos patients qui allaient mieux depuis qu’ils avaient le traitement? Que va-t-on faire pour ceux qui n’ont pas les moyens de payer de leur poche les 30 euros mensuels que coûte le traitement?»
Patrick Errard, le président de la Fédération des entreprises du médicament, le Leem, s’est interrogé sur la suite: «On ne peut pas prendre des décisions à l’emporte-pièce […]. Est-ce qu’on ne fait pas une ânerie quand on retire un remboursement faible, sachant que, derrière, on ne maîtrise pas très bien ce qu’il va se passer?»
«Je comprends l’impact symbolique d’une telle décision, commente Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Sud (Paris Saclay). Il y a quelque chose de désespérant à constater qu’il n’y a pas de traitement, en dépit de tous les investissements qui ont été faits par les industriels du médicament, mais tout n’est pas vain, car l’approche de la maladie a considérablement évolué ces dernières années.»
D’abord, par la prise en charge désormais largement pluridisciplinaire, mais le Pr Hirsch s’émerveille aussi de la créativité dont font preuve les proches et les personnels sur le terrain: «La réhabilitation du handicap est le nouveau combat commun aux maladies neuro-évolutives et aux personnes vulnérables, remarque-t-il. À ce titre, les Ehpad sont des start-up qui s’ignorent!»
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