
Avant la révision de la loi de bioéthique, il propose aussi de rendre possible la levée de l'anonymat des futurs donneurs de sperme pour les enfants issus de ces dons et d'autoriser l'autoconservation des ovocytes pour les femmes qui veulent préserver leur fertilité.
Mardi matin, le Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE) rend un avis qui va peser dans le délicat débat de la PMA pour toutes. Ce travail constitue une étape importante dans le processus de la révision de la loi de bioéthique, le véhicule législatif choisi pour cette réforme. Après cet avis, conçu pour inspirer le gouvernement, le débat devrait monter en puissance et prendre une tournure plus politique.
Un nouvel avis favorable à la PMA pour toutes
Sans surprise, le CCNE «demeure favorable à l'ouverture de l'Assistance médicale à la procréation (AMP) pour les couples de femmes et les femmes seules». Une position qu'il avait déjà exprimée dans son avis de 2017. Entre-temps, les Etats-généraux de la bioéthique, grande consultation citoyenne organisée début 2018, ont mis au jour «des différences profondes» de point de vue sur cette question, souligne l'avis du CCNE. Le sujet ne fait pas «consensus», avait reconnu Jean-François Delfraissy, le président du CCNE, en juin dernier. Cet avis insiste cependant plutôt sur les éléments du débat «partagés par tous» comme «la réalité du désir d'enfant», «la reconnaissance de la diversité actuelle des structures familiales», «la réaffirmation de la gratuité du don de gamètes» ou encore «le refus de la marchandisation du corps humain».
Dans son précédent avis, le CCNE s'était montré plus réservé sur l'ouverture de la PMA aux femmes célibataires qu'aux couples de lesbiennes. Il s'interrogeait notamment sur «les conséquences pour l'enfant de la présence d'un seul parent» et les éventuels problèmes «socio-économiques» des familles monoparentales. Dans ce nouveau travail, il poursuit cette réflexion en proposant «des dispositions d'accompagnement des demandes de femmes seules». Ces dispositions pourraient être proches de celles qui existent dans le cadre de l'adoption plénière, avance le comité d'éthique.
L'épineuse question de la prise en charge et du remboursement de la PMA sans infertilité médicale pour les couples de femmes et femmes seules n'est pas véritablement tranchée. Le CCNE évoque plusieurs possibilités: «prise en charge complète», «prise en charge différenciée sous conditions de ressources quel que soit le type de demande», «financement par les mutuelles». Enfin, il insiste sur la nécessité d'anticiper une nouvelle demande en matière de don de sperme en lien avec à l'extension de la PMA. Autrement dit, il s'agit d'éviter une pénurie de sperme. Dans son avis de 2017, l'instance avait évoqué le risque de «la création d'un marché de procréation».
Deux membres du CCNE «animés sur le plan éthique d'un doute et d'une inquiétude concernant les modifications proposées pour les indications de l'Assistance Médicale à la Procréation (AMP)» ont cependant exprimé une position divergente sur la partie de l'avis consacrée à la procréation et à la PMA pour toutes.
La fin de l'anonymat du don
C'est un des possibles bouleversements de la prochaine loi de bioéthique. Le CCNE propose dans cet avis une évolution majeure: la possibilité de la levée de l'anonymat des futurs donneurs de sperme, pour les enfants issus de ces dons. La discussion sur l'ouverture de la PMA pour toutes «a accéléré la réflexion sur l'anonymat du don de sperme», note l'instance. Dans un contexte de diffusion et l'accès «de plus en plus répandu» de tests génétiques qui permettent à certains enfants issus d'un don de retrouver leur donneur - comme l'a montré l'histoire d'Arthur Kermalvezen en janvier dernier, défendre l'anonymat «à tout prix» est «un leurre», souligne aussi cet avis.
«Les modalités de cette levée d'anonymat devront être précisées et encadrées, dans les décrets d'application, notamment en respectant le choix du donneur», précise l'instance. Registre national, information préalable, critère d'âge pour la levée de l'anonymat...: il faudra construire «un cadre public fiable» dans la loi pour mener à bien cette petite révolution.
Autoconservation des ovocytes: le comité d'éthique change d'avis
Cette technique médicale permet aux femmes de prélever et de vitrifier leurs gamètes pour préserver leur fertilité. Elles peuvent ainsi reporter leur projet de maternité jusqu'à un âge donné, grâce à une réserve d'ovocytes «jeunes» prêts à être décongelés pour une fécondation in vitro. En France, cette autoconservation n'est aujourd'hui autorisée que pour des raisons médicales, par exemple avant une chimiothérapie susceptible de rendre infertile. Depuis 2015, l'autoconservation des ovocytes est également ouverte aux donneuses qui peuvent conserver une partie de leurs gamètes en échange de leur don. Un «chantage» et un «marché de dupes» dénoncé à de multiples reprises et, une fois de plus, dans cet avis.
En 2017, le CCNE se montrait très réservé sur l'autorisation de cette technique à toutes les femmes qui le souhaitent. L'instance a donc opéré un revirement dans son nouvel avis. Il propose, «sans encourager», de donner aux femmes la possibilité d'une autoconservation ovocytaire. Une technique qui pourrait être utile pour les femmes encore fertiles (30-35 ans), qui «n'auraient pas eu l'opportunité de réaliser son désir d'enfant plus tôt». Elle pourrait en outre être assortie d'un âge maximal de conservation .
L'instance réclame en outre que cette évolution soit accompagnée «d'une information documentée et sérieuse sur l'évolution de la fertilité féminine». Cette information, destinée à l'ensemble de la population jeune, pourrait être délivrée lors de consultations gynécologiques et permettre d'établir, sur demande, un bilan de fertilité. Cette proposition correspond à la demande de René Frydman, père scientifique d'Amandine, le premier bébé-éprouvette, d'instaurer un «check-up fertilité» alors qu'un couple sur six consulte désormais pour des problèmes de fertilité.
Statu quo sur la fin de vie
Lors des Etats-généraux de la bioéthique, «un très large consensus s'est dégagé pour estimer que l'on «meurt mal» en France», écrit le CCNE. Selon l'instance, la loi Leonetti/Claeys sur la fin de vie n'est pas encore pleinement appliquée, «du fait des hésitations ou des réticences de certaines équipes médicales», mais surtout, «du fait d'une grave insuffisance du nombre et des moyens des services de soins palliatifs». L'instance insiste sur «l'impérieuse nécessité que cette loi soit mieux connue, mieux appliquée et mieux respectée». Elle appelle au financement d'un nouveau plan gouvernemental de développement des soins palliatifs avec pour objectif principal «l'amélioration de l'information à l'égard du corps médical sur les dispositions de la loi Claeys-Leonetti» et l'avènement d'une «véritable culture palliative». Les inégalités territoriales de l'accès aux soins palliatifs doivent également être réduites.
Faut-il y voir un début d'ouverture vers un nouveau texte? LE CCNE préconise enfin un travail de recherche «descriptif et compréhensif» sur des «situations exceptionnelles, auxquelles la loi actuelle ne permet pas de répondre».
Quel est le poids politique de cet avis CCNE?
Cet avis est l'une des étapes de la révision de la loi de bioéthique, un texte qui doit être réexaminé tous les sept ans. Le processus législatif est précédé par des Etats-généraux, une grande consultation citoyenne qui s'est déroulée durant la première partie de l'année 2018. Au menu, des sujets comme la recherche sur l'embryon, l'intelligence artificielle, les examens génétiques ou l'utilisation des données de santé mais aussi la PMA qui s'est imposée comme thème phare du débat. Plusieurs travaux sur les possibles évolutions de la loi doivent également être remis au gouvernement avant la rédaction d'un projet de loi. Aujourd'hui, c'est au tour du Comité Consultatif National d'Éthique.
Depuis le mandat de François Hollande, les travaux de cet organisme ont pris un poids politique croissant. En 2013, confronté à une vive opposition sur le mariage pour tous, le chef de l'État avait en effet annoncé qu'il se rangerait à l'avis du CCNE pour légiférer sur la PMA pour toutes. Retardé à plusieurs reprises, cet avis sur les demandes sociétales de recours à l'assistance médicale à la procréation est finalement sorti en 27 juin 2017. Soit après l'élection d'Emmanuel Macron. Favorable à titre personnel à l'extension de la PMA, le nouveau président a également renvoyé la balle au Comité Consultatif National d'Éthique. Il a indiqué attendre la tenue des Etats-généraux de la bioéthique et l'analyse du CCNE avant que les «décisions» soient «prises». Cet avis devrait donc servir de point d'appui au gouvernement pour préciser les contours de la réforme de la PMA pour toutes. Un projet de loi devrait être rendu public en novembre. Le débat législatif est annoncé pour début 2019.
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