- Les patients atteints de pathologies digestives mettent souvent des années avant de mettre un nom sur les maux dont ils souffrent.
- Depuis une dizaine d’années, beaucoup de recherches se penchent sur le microbiote, colonie de bactéries dans notre intestin qui jouent un rôle dans la digestion, mais qui a aussi un lourd impact sur notre santé.
- Ces tests, s’ils sont validés scientifiquement, pourraient apporter des informations précieuses pour les soignants et les patients afin de rééquilibrer leur alimentation.
Prendre ses selles à la petite cuillère pour mieux connaître le contenu de ses intestins. C’est ce que propose 1test1, un test qui permet d’envoyer un échantillon en laboratoire. Si la recherche et le grand public se passionnent depuis une dizaine d’années pour le caca et ses mystères, c’est parce qu’il fournit des informations précieuses sur le microbiote intestinal, colonie de bactéries réparties en plus de 1.000 espèces et qui nous veulent du bien.
En effet, ce microbiote, quand il dysfonctionne, peut provoquer des maladies intestinales inflammatoires (maladie de Crohn, colopathie fonctionnelle…), mais aussi de l’obésité et du diabète de type 2, voire même une dépresssion… Ce rôle prépondérant n’a pas échappé aux start-up. Dont Luxia Scientific, jeune entreprise qui a lancé il y a tout juste un an 1test1 et tente de faire sa place sur ce marché convoité, notamment face à des concurrents comme Nahibu ou Biopredix.
A quoi ça sert ?
Derrière ce test, il y a une femme, Alessandra Cervino, spécialiste de l’analyse des données génétiques. Elle est passée de la recherche à l’entrepreneuriat pour lancer Luxia Scientific en 2018 et mettre au point un test qui permet d’analyser la qualité du microbiote. Avec une technique complexe : le séquençage d’un gène, afin d’identifier quelles bactéries sont présentes dans un échantillon de selles.
Le bilan de cet examen, envoyé au professionnel de santé, dévoile si ce microbiote présente des pénuries de telle ou telle bactérie, en comparant avec des statistiques standards. Sur les tests réalisés en un an, « parmi ceux se déclarant en mauvaise santé, 85 % étaient concernés par des carences, contre seulement 25 % des personnes qui se disaient saines », reprend Alessandra Cervino.
Comment se déroule ce test ?
Le client peut acheter sur Internet, sur le site de Luxia, un kit (288 euros) qu’il reçoit chez lui. A l’aide d’une petite cuillère, il va glisser dans un tube un échantillon de selles. Puis l’envoyer par courrier dans un laboratoire au Luxembourg. Ce dernier envoie un rapport au client, qui devra consulter l’un des praticiens (nutritionniste, naturopathe, gastro-entérologue…) formés par Luxia Scientific. « Cela permet au professionnel de santé de voir s’il y a un des carences et de travailler avec son patient sur un rééquilibrage au travers de l’alimentation et, s’il le faut, avec des prébiotiques [des fibres végétales qui nourrissent les bactéries] et des probiotiques [les bactéries elles-mêmes], explique Alessandra Cervino. Car les bactéries, comme nous, ont leurs préférences alimentaires ». Il faut donc savoir quoi ingérer pour les booster.
« Ce genre de test m’aurait beaucoup aidé », assure William Lowes, atteint de colopathie fonctionnelle. Avec Adrien Richard, il a monté une association et un site au ton décalé, Faut qu'ça sorte. Le but : renseigner leurs compagnons d’infortune digestive, « de la bouche à la cuvette ». « Pendant des années, j’ai expérimenté tout le parcours de soins : généraliste, gastro-entérologue, coloscopie, IRM… Et les résultats expliquaient que j’allais très bien. Mais en réalité, je faisais 8 kg de moins qu’aujourd’hui et j’étais alité, raconte Adrien Richard, atteint de la maladie de Crohn. Je suis passé par des tests respiratoires, des tests d’intolérances alimentaires, avant de me rendre compte que le microbiote était le point de départ. » Et qu’il y avait un intérêt clair à en savoir plus sur ces bactéries.
Utile ou gadget ?
Céline Logerot, diététicienne-nutritionniste à Paris, semble convaincue de l’avenir de ce 1test1, elle qui a suivi un patient l’ayant expérimenté. « Je m’étais posé la question avant de suivre la formation : est-ce que ce n’est pas gadget ? Il n’y a pas la volonté, derrière, de vendre des probiotiques, mais un souci de recherche qui m’a plu. Mais pour l’instant, les patients le connaissent peu et il reste cher. On rattache le microbiote à beaucoup de troubles (obésité, autisme…). Cependant, on n’a pas encore assez de recul pour savoir précisément dans quel domaine ce genre de test pourra s’avérer utile. »
Beaucoup voient dans ce type de test une réponse individualisée et précise à nombre de pathologies, et un axe important pour la prévention. « Il est largement prouvé que la perte de diversité du microbiote a de graves conséquences sur la santé, insiste Guy Georges Gorochov, chef de service Immunologie de l’hôpital Pitié-Salpétrière, à Paris. Réaliser ce test peut donc être un plus pour le patient. En revanche, il y a beaucoup de discussions actuelles pour définir ce qu’est un bon microbiote et comment le diversifier ». Pour lui, ce test se différencie des autres car il propose une logistique facile et sûre. « Faire un recueil de selles chez soi, c’est beaucoup plus simple que d’aller à l’hôpital. Ce test est standardisé, alors que beaucoup sont différents d’un laboratoire à l’autre, et leur résultat est très influencé par les conditions du prélèvement. Les bactéries du microbiote sont très sensibles à l’oxygène. Donc si, au moment du recueil ou pendant le transport, elles se retrouvent à l’air libre pendant longtemps, certaines vont disparaître. »
Harry Sokol, gastrologue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), se montre quant à lui bien plus sceptique. « Tous les tests sur le microbiote n’ont pour le moment d’intérêt ni pour le patient, ni pour le soignant », tranche-t-il. Il assure recevoir des dizaines de patients qui ont déjà réalisé ces tests « Et je les mets à la poubelle ! Car la réponse générique ne peut pas guider un quelconque traitement, assure-t-il. Quand vous faites une prise de sang, vous cherchez une réponse précise sur la glycémie, la ferritine… Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’avenir pour un test basé sur le microbiote. Mais pour le moment, aucun n’a démontré scientifiquement son utilité avec une cohorte importante de patients. »
Vers une étude clinique ?
En effet, seulement une centaine de ces 1test1 ont été commercialisés en un an, et la cohorte de personnes ne comportait au départ qu’une trentaine de membres. Ce qui reste particulièrement faible pour tirer des conclusions. Alessandra Cervino, elle, souhaite poursuivre l’aventure et obtenir une validation scientifique. « Une des difficultés est qu’on est à l’intersection entre alimentaire et médicament. Ce n’est donc pas régulé par l’Agence du médicament, et c’est une porte ouverte à des abus, reconnaît la fondatrice de Luxia Scientific. Notre test a obtenu le marquage CE et est le seul à être remboursé par des assurances privées. »
Certaines d’entre elles remboursent en effet entre 50 et 100 euros sur ce test. « Nous sommes en discussion avec des mutuelles pour qu’elles le remboursent dès 2020 », poursuit Alessandra Cervino. Elle compte aussi se lancer dans une levée de fonds et une étude clinique qui, si elle accouche de résultats prometteurs, pourrait attirer l’attention de l’ANSM. Une validation indispensable pour s’imposer sur un marché amené à se développer.
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