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Coronavirus chinois : la quarantaine, une mesure de précaution ancienne à l'efficacité très relative - Le Monde

Des rues désertes, le son des haut-parleurs intimant l’ordre de rester cloîtré chez soi, les rayons des supermarchés qui se vident… Sur Internet, les habitants de Wuhan, épicentre de la propagation du virus 2019-nCoV, ont commencé à documenter en vidéos la plus grande opération de quarantaine collective jamais mise en place, avec plus de 40 millions d’habitants concernés. Une mesure de confinement héritée d’une longue tradition de gestion du risque sanitaire, mais dont l’efficacité fait largement débat.

  • Une pratique remontant au XIVe siècle

Si la plus vieille occurrence de confinement de malades remonte à un épisode de lèpre dans l’Ancien Testament, c’est pour se protéger de la peste noire qu’apparaissent aux XIVe et XVe siècles les premières mesures documentées d’isolement des navires provenant de zones infectées. La première opération du genre a été observée à Dubrovnik (Croatie) en 1377, puis à Venise (Italie) à partir de 1423. La durée imposée de l’isolement – trente, puis quarante jours – est à l’origine du mot de « quarantaine ».

Les établissements qui accueillent les équipages confinés sont alors baptisés « lazarets » : déformation du nom de l’îlot dans la lagune vénitienne où accostaient les navires, Santa Maria di Nazareth, ou bien référence au Lazare de la Bible, saint patron des lépreux. Gênes, Marseille…, les plus grands ports d’Europe s’équipent de tels établissements pour isoler les populations en provenance de zones infectées.

Dans le même temps, la pratique du « cordon sanitaire » se développe également, pour contrôler et bloquer les entrées ou sorties d’une zone atteinte par une épidémie. En 1665, le petit village britannique d’Eyam décide ainsi de s’isoler du reste du monde après un cas de peste, pour éviter de contaminer le reste de la région. Dans le sud-est de la France, un « mur de la peste » est érigé dans le Vaucluse en 1721 sur vingt-sept kilomètres pour protéger la région du Comtat Venaissin de la peste qui sévit alors à Marseille et en Provence.

Pour mettre en place ces mesures, l’Etat n’hésite pas à user de la force. Ainsi, en 1821, Paris envoie 30 000 soldats pour bloquer la frontière avec l’Espagne, afin d’empêcher la diffusion d’une épidémie de fièvre jaune.

  • Une efficacité relative, loin d’être « l’arme absolue »

Mécaniquement, la limitation des déplacements a un impact immédiat sur la propagation de l’épidémie. Mais son efficacité dépend de la rapidité des autorités à la mettre en place, souligne ainsi Patrick Zylberman, historien de la santé et professeur émérite à l’Ecole des hautes études en santé publique, interrogé par Le Point : « Elle peut, par exemple, retarder et diminuer la hauteur du pic de contamination, et ainsi réduire la mortalité. Mais il ne faut pas mythifier la quarantaine, penser que c’est l’arme absolue avec des pouvoirs magiques. »

Dans certains cas, les mesures de restriction des mouvements peuvent même s’avérer contre-productives. En mélangeant indistinctement des patients asymptomatiques mais contagieux et des personnes saines, la mesure peut ainsi accélérer la transmission du virus au sein de la zone confinée.

En outre, la mesure peut engendrer la panique et aggraver ainsi le risque de contamination. Ce fut le cas en 2014 lorsque certains quartiers de la capitale du Liberia, Monrovia, avaient été placés en quarantaine pour endiguer l’épidémie d’Ebola. Des heurts avaient opposé la population effrayée et les soldats, conduisant à la mort de plusieurs civils. La mesure avait en outre accentué la défiance envers le personnel médical, poussant certains malades à cacher leurs symptômes pour éviter tout confinement.

  • Une mesure davantage politique que sanitaire

Par le passé, certaines quarantaines ont aussi conduit à des troubles sociaux, notamment du fait du blocage économique qu’elles engendrent. Ce fut le cas en 2003, lorsque l’épidémie de SRAS en Chine a engendré émeutes et manifestations violentes dans les régions de Nankin et Shanghaï à la suite de confinements brutaux, ne prévoyant aucune aide aux populations concernées, notamment pour l’approvisionnement alimentaire ou les soins médicaux.

Plus récemment, lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest (2013-2016), des mesures de fermeture de frontières, de confinement et de quarantaine ont été imposées à plusieurs reprises. Ainsi, les six millions de Sierra-Léonais ont été contraints de rester chez eux pendant trois jours en septembre 2014, puis à nouveau en mars 2015. C’est « une forme parmi d’autres de la quarantaine avec une efficacité quasi nulle, mais il faut que le gouvernement montre qu’il fait quelque chose », commentait alors Patrick Zylberman.

  • Une quarantaine collective est-elle possible en France ?

Officiellement, un décret autorise les préfets français à déclarer des zones de confinement en cas de menace sanitaire. Mais la mesure n’a jamais été mise en application. En 1955, Vannes, dans le Morbihan, avait failli être concernée alors qu’une épidémie de variole y faisait rage. Mais la vaccination obligatoire avait été décrétée et 70 % de la population de la ville avait été vaccinée en six jours, permettant d’éviter la quarantaine.

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